Le mystère Henri Pick, David Foenkinos

Par Sara

Le dernier David Foenkinos!
Il faut dire que parmi le palmarès des auteurs parfois qualifiés de légers, et qui sont abonnés aux best-sellers, Foenkinos est mon petit préféré. La délicatesse avait fait chavirer mon cœur de pierre, et Le potentiel érotique de ma femme m'avait gonflée de bonne humeur pendant plusieurs jours. Puis, Nos séparations, En cas de bonheur et Les souvenirs m'avaient fait sourire, sans déclencher cette fois d'engouement particulier.
Avec Charlotte, il a démontré qu'il était capable de s'attaquer à un sujet "sérieux".
Dans son dernier roman, il nous propose un mystère à résoudre, dans le monde merveilleux de la littérature contemporaine.


Avec son roman, Foenkinos surfe sur une vague très actuelle : le nombre stupéfiant de manuscrits reçus par les maisons d'édition qui rencontrent un refus, et derrière, le nombre croissant d'aspirants écrivains, tant d'appelés pour si peu d'élus, et l'accès extrêmement sélectif à la publication, ce Graal tant espéré.

Si le sujet est séduisant, j'avais pu constater avec Au paradis des manuscrits refusés qu'il était tout à fait possible de ne pas en faire grand chose, et de sous-exploiter le potentiel de ce thème très intéressant.

Foenkinos propose un traitement plus approfondi, au moyen d'une trame qui se présente sous forme d'une enquête, puisque derrière le retentissant succès rencontré par le roman signé d'Henri Pick, se profile la question qui soutient le roman de bout en bout : comment Henri, qui n'a jamais manifesté la moindre prétention littéraire, a-t-il pu écrire un roman fulgurant?

L'apparence est ludique et attractive, on retrouve le sens de la formule propre à Foenkinos, si bien que l'on est facilement pris par l'intrigue, ainsi que par les personnages amusants et relativement communs.

Parmi les points positifs, j'ai apprécié les réflexions que sous-tend le récit : monsieur tout-le-monde peut-il cacher toute sa vie durant une passion dévorante, et se révéler l'auteur d'un chef d'oeuvre? Quelle est la place du marketing dans l'appréciation d'un livre, et dans son succès auprès des critiques et du public?
La réponse apportée par l'auteur peut sembler un brin cynique, mais n'est pas dénuée de bon sens (je ne peux malheureusement pas vous en dire plus sans gâcher le suspense).

Justement, en parlant de suspense, j'en arrive à un point qui m'a plutôt gêné dans la lecture, mais qui ravira nombre d'autres lecteurs, j'en suis certaine : le choix d'une intrigue à mystère, avec des rebondissements et une révélation finale. Face au succès colossal des polars et autres thrillers, de plus en plus de romans adoptent cette approche, si bien qu'une chute semble devoir clore tout récit. J'y vois justement une tentation "commerciale" déborder sur l'ambition du récit, au risque de la mettre en péril. L'issue finale tombe ici à point, mais l'intervention du personnage de Jean-Michel Rouche pour y parvenir m'a semblé par exemple un peu factice. Par ailleurs, les évidents rapprochements opérés entre les protagonistes semblent répondre à une tentation très foenkinienne, mais n'ont pas toujours beaucoup d'intérêt.

En somme : le roman est de bonne facture, relativement efficace, répond d'une certaine manière à un "cahier des charges", mais en cela, manque aussi un peu d'âme, et j'ai eu le sentiment de facilités par moment déjà rencontrées dans l'oeuvre de l'auteur, et qui ne constituent pas son principal atout. Sans doute David pourrait-il appliquer la devise de Faulkner, selon laquelle, "in writing, you must kill all your darlings"?