[Chronique] Dans la peau d'un thug - Nargesse Bibimoune

Par Kerry Legres @KerryLegres

Youssef Bekri, jeune homme de vingt-cinq ans surnommé " You ", est un banlieusard tourmenté. Il voit sa vie se transformer un peu plus après le meurtre brutal de son meilleur ami. Anéanti, il se replie sur lui-même et ne croit plus en un avenir heureux. Sa vie oscille désormais entre religion, activités illicites et deuil. Seules quelques " petites meufs " tentent du mieux qu'elles peuvent de lui maintenir un semblant d'humanité. Malgré tout, You va essayer de trouver une raison de vivre en enquêtant sur l'assassinat de son ami. Mais cette quête ultime, destinée à retrouver les coupables et à réfréner sa haine, engendrera plus de drames que de satisfactions...

Je tiens à préciser que j'ai découvert ce livre grâce à Hamy, du blog Hamisoitil, son billet était tellement fort que je voulais absolument lire ce roman.

Par contre, c'est un article où j'ai complètement bloqué. Il m'a fallu des jours pour réussir à écrire mon avis dessus. Je ne savais pas trop quoi en dire, tellement de choses à raconter, mais si peu de mots qui sortaient de mon clavier. Puis je ne trouvais pas quel en était le message ? Résidait-il seulement dans le pouvoir de la religion ? S'en sort-on uniquement grâce à Dieu ? Était-ce ça que l'auteure essayait de me dire, de nous dire ? Non, j'ai forcément mal compris puis j'ai repensé le livre.

Une fiction si près de la réalité

Cette histoire est fictive, mais si proche de la réalité qu'on y croirait. Seuls ceux qui ont connu la cité, qui y ont vécu, pourront vraiment le savoir, le ressentir. Quand Youssef racontait les relents d'urine dans certaines tours, je les sentais à nouveau, quand il y parlait de la mort, j'entendais ce coup de carabine résonner encore et encore dans ma tête même onze ans plus tard, quand il abordait le sujet de la vente de drogue, je revoyais ses hommes qui me bloquaient la porte le temps qu'ils finissent leur trafic. Bref, quand il racontait sa vie, j'y étais, j'étais avec lui et pourtant ce n'est qu'un personnage, qu'une fiction.

Mais surtout quand il parlait respect, je le croyais. C'est un respect différent de ce qu'on connait habituellement, habiter dans une cité, c'est vraiment vivre dans un autre monde, les codes sont différents. Le langage aussi. Ce roman est tout en contraste : si tendre et si poétique, mais si cruel et si juste. Un si beau style pour une écriture si argotique. La plupart des mots en argot sont expliqués à la fin, mais je n'en ai pas eu besoin.

C'est donc l'histoire de Youssef que nous allons suivre, un jeune homme de vingt-cinq puis vingt-six ans, charismatique, mais perdu, qui sur(vit) dans une cité. Il y vit avec Yemma, sa mère et son frère Salim qui revient du bled, il ne travaille pas, a déjà connu la prison, trempe dans des affaires pas claires. La vie est dure à la cité, surtout depuis qu' il a perdu son meilleur ami, son frère comme il aime l'appeler. Assassiné dans une cave. Il n'arrive pas à s'en remettre, il coule et il voit sa mère souffrir à cause de lui. Pourtant,sa mère il l'aime à en crever. Son amour pour elle nous transperce, elle transpire par tous les pores de sa peau. Un amour si puissant. L'amour d'un fils pour sa mère. Mais il n'arrive pas à s'en sortir. Il en veut à la vie, à sa vie.

Il ne s'aime pas, n'a pas confiance en lui. Il veut remonter la pente, il veut rendre sa mère fière, mais ne trouve pas la motivation qui pourrait le sauver. Puis un jour, il va faire une rencontre. Aria. Elle est si joyeuse et rayonnante, tout ce qu'il ne sait pas être. Va-t-elle être sa raison de s'en sortir ? Va-t-il pouvoir l'aimer alors qu'il ne s'aime pas lui-même ? Rien n'est moins sûr.

Il s'agit d'un roman qui retrace le quotidien des habitants d'une cité : une réputation à tenir, la pauvreté, la drogue, les bagarres ou les meurtres, mais aussi et surtout l'amour. Qui a dit que de la misère ne pouvait pas naître l'amour ?

C'est donc un livre qui nous plonge dans la jungle de la cité, il n'y a aucune exagération ni au contraire d'adoucissement, l'auteure nous décrit simplement la réalité. Une réalité fictive cette fois certes, mais l'un n'empêche pas l'autre.

Un message ou plusieurs ?

Ce n'est pas un coup de cœur même si ce livre m'a chamboulée et fait verser quelques larmes. You m'a ému et j'ai vraiment aimé ce personnage et ses valeurs. Malgré tout ce qu'il a pu commettre dans sa vie.

Ce qui me bloque est vraiment le message que fait passer le livre finalement. Oui, il démontre qu'il ne faut rien lâcher, s'accrocher à la vie coûte que coûte, car il est possible de s'en sortir. Mais pas grâce à Dieu ni à la religion, je ne suis pas croyante et ici,il est beaucoup question d'Islam évidemment. Donc forcément par rapport à ça, je me suis sentie relativement distante, plus spectatrice qu'actrice, puisque je suis athée. Mais j'accepte et comprends que la foi puisse fournir une aide, un appui pour se relever. Je le conçois, mais personnellement, ça ne me touche pas. Je pense que ça touchera davantage les personnes croyantes, quelle que soit leur religion d'ailleurs.

Mais pour moi le véritable message de cette histoire, c'est celui de nous montrer que le bonheur est à la portée de main de tout le monde, il faut juste savoir où chercher et prendre les bonnes décisions même si elles ne sont pas simples au début. Rien n'est jamais simple, encore moins dans une cité, mais ça vaut le coup de se battre.

Et puis, vous l'aurez compris, c'est un roman qui m'a retournée, car il touchait de si près un univers que j'ai bien connu. C'était comme si ce livre me permettait de revivre et revenir quelques années en arrière. J'ai lu ce livre en numérique, mais je pense vraiment que je vais me l'acheter en papier dès que possible.

Un livre que je conseille à tout le monde, mais plus particulièrement à ceux qui aiment lire sur la jungle qu'est la cité et donc avec la plume qui l'accompagne et à ceux qui aiment les romances compliquées et torturées.

Je remercie IS Edition pour l'envoi de ce service-presse.