Son voisin Roland est mort.
C'est la dame du dessous qui vient lui annoncer la nouvelle en pleurant. Mais lui s'en fiche. Il ne connaissait pas Roland, sauf pour dire que c'était un vieux monsieur, qui vivait seul et qui aimait les disques de Mireille Mathieu. Le jour où les pompiers viennent récupérer son corps, ils lui larguent le caniche de Roland au passage, sans lui laisser le temps de refuser. Qu'est-ce qu'il va faire d'un clébard ? Se rendre à la SPA ou le filer à sa mère ? Mais les petits yeux noirs de Mireille lui vrillent les entrailles. Et notre gars soupire.
Alors il se trimballe partout en ville un chien qui perd ses poils et qui sent mauvais, en plus d'une urne pleine des cendres de Roland. Son objectif : se débarrasser des boulets. Sa conviction : prendre sur lui de virer Roland de sa conscience. Car après tout, pourquoi lui ? pourquoi Roland ? Peut-être que ces deux-là ont finalement plus à partager qu'ils ne le supposent. Un constat déprimant pour notre narrateur qui affiche quarante ans, célibataire, sans boulot et amateur de porno. Sa mère lui reproche de ne pas se secouer, sa grand-mère lui serine : et pourquoi t'es pas marié, même la masseuse coréenne, à la coupe au bol impeccable, désapprouve la vacuité de son existence et son goût douteux pour des films dégradants.
Le voisin de Roland inspire et écarte les bras en croix en se demandant si la vie est belle et s'il aime la vie. Il ne sait que faire de l'urne de Roland, il se verrait bien la poser en décoration sur le manteau de cheminée chez ses parents, l'oublier dans un bus ou l'offrir à l'occasion d'une fête d'anniversaire de sombres inconnus. Mais chacune de ses tentatives se soldent par des échecs et donnent lieu à des situations cocasses qui font franchement glousser.
Car l'humour de cette histoire est volontairement caustique, avec en sus un narrateur cynique, froid et calculateur, même pas antipathique. Il incarne à lui seul le désespoir de notre siècle, un pauvre type solitaire et blasé de vivre, sous le contrecoup d'une rupture amoureuse, sans ambition, n'alimentant aucun réseau social et réduisant au minimum son contact avec l'extérieur, si ce n'est pour boire du Campari ou un Picon-bière au comptoir du coin. C'est vachement mordant, décapant et incisif. Et c'est bougrement bon. On ne peut que se marrer tout du long !
Éditions Anne Carrière, mars 2016