L’élégance du hérisson, de Muriel Barbery

Par Deslivresetlesmots @delivrezlesmots

L’élégance du hérisson de Muriel Barbery, Gallimard Folio, 2006, 410 pages.

Lu dans le cadre du French Read-A-Thon !

L’histoire

« Je m’appelle Renée, j’ai cinquante-quatre ans et je suis la concierge du 7 rue de Grenelle, un immeuble bourgeois. Je suis veuve, petite, laide, grassouillette, j’ai des oignons aux pieds et, à en croire certains matins auto-incommodants, une haleine de mammouth. Mais surtout, je suis si conforme à l’image que l’on se fait des concierges qu’il ne viendrait à l’idée de personne que je suis plus lettrée que tous ces riches suffisants.
Je m’appelle Paloma, j’ai douze ans, j’habite au 7 rue de Grenelle dans un appartement de riches. Mais depuis très longtemps, je sais que la destination finale, c’est le bocal à poissons, la vacuité et l’ineptie de l’existence adulte. Comment est-ce que je le sais ? Il se trouve que je suis très intelligente. Exceptionnellement intelligente, même. C’est pour ça que j’ai pris ma décision : à la fin de cette année scolaire, le jour de mes treize ans, je me suiciderai. »

Note : 5/5

Mon humble avis

Je pense que beaucoup de personnes connaissent déjà ce roman ou l’ont déjà lu, et j’étais intéressée à l’idée d’en apprendre plus, ne serait-ce que pour le phénomène que ce livre représente dans le monde de l’édition. Le fait d’avoir entendu beaucoup de bien du roman m’encourageait encore plus à le feuilleter ! Comme il l’est souvent rappelé : il n’y a pas de recettes miracles pour faire un best-seller, ou même un livre dont les ventes fonctionnent bien (malgré les « cours » qui existent de ce genre…) et pour ces raisons, il y a parfois de grosses surprises ! Ce fut le cas pour L’élégance du hérisson, l’éditeur avait beau y croire, jamais il n’aurait pu imaginer le succès qu’a obtenu ce roman. En tous cas, il le mérite bien.

Il s’agit d’un roman à deux voix, comme le montre la quatrième, deux points de vu très différents nous sont présentés : celui de Renée, concierge bien plus érudite que les autres pensent, et Paloma une jeune fille dont l’intelligence dépasse de loin celles de ses proches – sans qu’ils ne s’en rendent compte. Alors certes, ces deux personnages vivent dans le même immeuble et se connaissent de très loin, mais on se demande bien au départ en quoi ils peuvent être liés. Et puis, au fur et à mesure de la lecture, tout s’éclaire. Malgré leur différence d’âge, Renée et Paloma ont beaucoup en commun et énormément à apprendre l’une de l’autre. À mon sens, c’est toute la force du roman de Muriel Barbery : elle donne des voix propres aux personnages, ce qui nous plonge dans le livre. Parfois, les deux personnages disent la même chose mais chacun a sa propre manière de s’exprimer, son propre vocabulaire, sa propre syntaxe… c’est tellement bien réussi qu’on aurait presque du mal à admettre que ces deux voix viennent d’une même plume. Presque. Mais du coup, on comprend sans difficulté l’engouement autour de ce livre.

Le rituel du thé, cette reconduction précise des mêmes gestes et de la même dégustation, cette accession à des sensations simples, authentiques et raffinées, cette licence donnée à chacun, à peu de frais, de devenir un aristocrate du goût parce que le thé est la boisson des riches comme elle est celle des pauvres, le rituel du thé, donc, a cette vertu extraordinaire d’introduire dans l’absurdité de nos vies une brèche d’harmonie sereine. Oui, l’univers conspire à la vacuité, les âmes perdues pleurent la beauté, l’insignifiance nous encercle. Alors, buvons une tasse de thé. Le silence se fait, on entend le vent qui souffle au-dehors, les feuilles d’automne bruissent et s’envolent, le chat dort dans une chaude lumière. Et, dans chaque gorgée, se sublime le temps.

En plus de la belle plume, le roman aborde des sujets importants, le plus évident étant la différence de classes et les préjugés que l’on peut avoir envers celles-ci. Comme l’on suit également la vie de tous les habitants du 7 rue de Grenelle, on assiste à tout un tas de relations humaines, bien différentes les unes des autres, avec un message très positif puisque le roman montre qu’une seule personne peut finalement avoir un impact déterminant sur une autre, peut-être même jusqu’à la sauver ou la rendre heureuse.

Toutes les deux, elles ont la même relation que toutes les bourgeoises progressistes avec leur femme de ménage, quoique maman soit persuadée qu’elle est un cas à part : une bonne vieille relation paternaliste tendance rose (on offre le café, on paye correctement, on ne réprimande jamais, on donne les vieux vêtements et les meubles cassés, on s’intéresse aux enfants et, en retour, on a droit à des bouquets de roses et des couvre-lits marron et beige au crochet).

Enfin, L’élégance du hérisson est truffé de références diverses et variées, que ce soit à la culture littéraire classique, à l’opéra, mais aussi aux mangas, à la pop culture… C’est très éclectique et rafraîchissant !

Thé et manga contre café et journal : l’élégance et l’enchantement contre la triste agressivité des jeux de pouvoir adultes.


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