Dîtes moi tout de suite si j'ai tort mais j'ai bien l'impression que suite à la parution du premier tome de la Passe-Miroir, le prix du premier roman de Gallimard Jeunesse s'est tout de suite propulsé comme étant une preuve de qualité. Je n'ai donc pas hésité longtemps avant de me procurer l'ouvrage de la deuxième gagnante, Lucie Pierrat-Pujot même si je vous avoue avoir quand même un peu flippé : il parait que la foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit, j'ai tendance à croire que c'est pareil pour les coups de cœur (comment ça, elle n'est pas claire ma phrase ?!). Coupons net le suspense qui vous étreint tous à cet instant précis : j'ai adoré ce premier tome (et franchement, si la suite n'arrive que dans un an, c'est nul).
De quoi ça parle
Larispem, 1899. Dans cette Cité-État indépendante où les bouchers constituent la caste forte d'un régime populiste, trois destins se croisent... Liberté, la mécanicienne hors pair, Carmine, l'apprentie louchébem et Nathanaël, l'orphelin au passé mystérieux. Tandis que de grandes festivités se préparent pour célébrer le nouveau siècle, l'ombre d'une société secrète vient planer sur la ville. Et si les Frères de Sang revenaient pour mettre leur terrible vengeance à exécution ? Maraudeuses, sabotages d'automates, livre indéchiffrable : au fil des ruelles de Larispem se dessine un monde rétro-futuriste captivant.
Et ça donne quoi
Déjà, regardons la bête avec nos grands yeux ébahis : on ne peut pas dire que Gallimard oublie de se casser le fessier avec ses couvertures, celle-ci est magnifique (moins que celle de la Passe-Miroir mais ce livre étant parfait en tout point, la comparaison en devient inutile) et ma photo ne lui rend clairement pas justice, ça brille et les illustrations en noir et blanc annoncent la couleur (haha)(pardon). Nous allons être plongés dans un monde steampunk, sombre et secret. Et cette tendance se confirme à la lecture où nous voyageons avec délice dans une ville (je vous laisse le plaisir de découvrir de laquelle il s'agit à la lecture ou si vous avez déjà quelques connaissances d'argot boucher) où la Commune a eu le résultat escompté et a ainsi expulsé tous les aristocrates de la ville, gagnant ainsi son indépendance et la création d'une Cité-État, dirigée de main de maître par plusieurs illustres personnages (comme Jules Verne, que j'ai été ravie de retrouver après son apparition réussie dans City Hall). Voilà une utilisation plus intelligente et rare de l'uchronie en littérature de jeunesse ! Si vos souvenirs scolaires sont aussi flous que les miens, rassurez-vous, nul besoin de maîtriser l'histoire de France sur le bout des doigts pour apprécier le récit, l'autrice développe son univers juste ce qu'il faut pour ne pas nous perdre, créer son monde et nous y faire pénétrer.
Dans cette fameuse Larispem, nous suivrons trois personnages bien différents : Liberté, jeune mécanicienne très futée et un peu rondelette, Carmine, tigresse apprentie-bouchère armée des longs couteaux utiles à son futur métier et Nathanaël, orphelin qui découvre les étrangetés de son passé et celles de son futur. Les trois sont agréables à suivre et bien construits avec leurs failles et leurs forces et nous dévoilent, en les découvrant eux-mêmes, petit à petit les dessous de cette ville étrange et si différente de celle de notre passé. Petite mention spéciale pour Liberté, le personnage le plus sympathique et attachant selon moi, provinciale exilée dans cette nouvelle cité, qui cherche difficilement à y faire sa place, c'est un beau personnage féminin comme on en voit peu !
Petit bémol hélas (il y en a toujours un) : ce premier tome est beaucoup trop court ! Le temps de mettre en place l'univers (qui est tout de même complexe sans être incompréhensible), le temps de nous présenter tout le monde, leur passé et leur aspiration, nous voilà déjà à la dernière page... Attention, l'action et les rebondissements sont là et bien là mais ça passe vraiment trop vite et on se retrouve le nez dans la soupe à la fin en se demandant s'il ne manque pas un morceau à notre bouquin ! L'envie de découvrir la suite est bien présente, en espérant que l'autrice arrive à développer encore plus sa Larispem si passionnante !
4/5
A quand la suite ?
En Bref
Un univers totalement atypique et un roman bien écrit, je suis vraiment ravie de voir que Gallimard reste dans le même ordre de qualité que pour la Passe-Miroir (même si ça reste bien largement en deçà, qu'on soit bien d'accord)(mais je suis totalement partiale, désolée), les bases posées sont solides et on sent que ça foisonne de belles promesses que j'ai hâte de lire. Plusieurs mentions spéciales : j'ai déjà parlé de la couverture, l'ouvrage est parsemé de diverses illustrations du même artiste, Donatien May, que je découvre ici et qui, il faut le reconnaître, a fait un travail formidable en nous plongeant encore plus dans l'atmosphère steampunk créée ici. Ensuite, l'argot boucher, dont j'avais depuis bien longtemps oublié l'existence, apporte une saveur particulière, une petite bouffée de patrimoine bien agréable, ancrant ainsi le récit dans notre passé tout en lui apportant une musicalité exotique, c'est très particulier mais vraiment savoureux ! Bref (bon sang, je suis diablement longue pour un "En Bref"), c'est un "presque" coup de cœur qu'il faut absolument lire !