Ne ramenez jamais une fille du futur chez vous ! de Nathalie Stragier
Il y a quelque temps, on avait lancé un mini sondage sur le site et le facebook pour que vous décidiez quel livre je devais chroniquer. Parmi les choix qu’on vous avait proposé se trouvait Ne ramenez jamais une fille du futur chez vous. Avec ce titre aussi amusant que mystérieux, vous aviez été nombreux à avoir voté pour lui. Malheureusement, Dreamology lui avait volé la victoire.
Mais puisque je suis sympa, attentionnée et généreuse (et modeste par-dessus le marché), j’ai profité de mes vacances au soleil pour le lire et vous en faire une chronique !
Allez, c’est parti, venez avec moi que je vous emmène plonger dans les aventures d’Andréa et Pénelope Filledejane.
1ère surprise pour moi : l’action se déroule en France ! J’avoue qu’avec un titre pareil, je n’avais même pas pris la peine de lire le résumé et j’avais direct mis ce livre dans ma PAL. Du même coup, c’était plutôt une aubaine puisque je rentrais dans l’univers de Nathalie Stragier sans a priori.
Il faut dire que les livres français que j’ai lu au cours de ma vie de lectrice se comptent sur les doigts d’une main et sont plutôt destinés à un lectorat enfantin. Bon, j’exagère peut-être au niveau de la quantité, mais tout ça pour dire que je suis une lectrice très attirée par le fantastique et l’imaginaire pour ados et que dans ce domaine, force est de constater que les anglos-saxons tirent très bien leur épingle du jeu.
Bref, c’était mon premier roman SF français et j’ai bien aimé.
Pourtant, tout n’était pas couru d’avance. Si l’écriture était correcte, à la première personne du singulier et dans un style direct, le tempo et l’enchaînement des rebondissements m’ont laissée d’abord pantoise. Mais pour vous l’expliquer je vais devoir rentrer dans le détail de l’intrigue. Attention, risque de spoilers !
Andrea est une jeune lycéenne de 16 ans qui vit depuis la disparition de sa mère avec ses deux frères et son père, policier de son état. Difficile dans ces conditions de convaincre la petite famille de la laisser réaliser son rêve, c’est-à-dire faire le tour de l’Europe à la Pékin Express avec pour seule compagnie son meilleur ami.
Seulement voilà, Andrea est loin de se douter que son rêve contrarié sera le cadet de ses soucis. Car un jour, sa route croise le chemin d’un drôle de groupe. Une petite dizaine de filles, toutes habillées à l’identique et remarquablement moches, réunies autour du lycée d’Andrea qui semblent suivre aveuglement une femme plus âgée à la posture d’un autre âge. Le jeune lycéenne tente de ne pas y faire attention, malgré sa curiosité piquée au vif. Cependant, lorsqu’elle quitte les cours ce jour-là, l’une des jeunes filles erre hagarde à l’entrée du lycée. Elle semble perdue mais lorsque des policiers l’accostent pour l’aider, elle leur met la raclée du siècle.
Andrea prend alors une décision surprenante, elle aide la jeune femme à s’enfuir et l’accueille chez elle. Elle pense l’héberger pour la nuit avant de la renvoyer chez elle. Seulement, la jeune femme est tellement bizarre et maladroite que sa présence a tôt fait d’être découverte par les autres membres de la famille. Croyant avoir affaire à une réfugiée sans papier, le père d’Andrea accepte de l’aider et de l’héberger le temps de régulariser sa situation.
Entre temps, Andrea décide de cuisiner la jeune fille qui, elle le sent, lui cache beaucoup plus que son passé. La « réfugiée » avoue alors s’appeler Pénélope et venir du futur. Elle était présente pour un voyage scolaire dans le temps, mais s’est égarée au moment du retour. Coincée à une époque qu’elle ne comprend pas, elle enchaîne situations catastrophiques sur situations catastrophiques, au grand dam d’Andrea. Très vite, une complicité va naître entre les deux filles, une complicité qui pourrait très bien conduire à la fin du monde. Car de là où Pénélope vient, il est formellement interdit d’avoir des contacts avec les gens du passé, et il est encore plus interdit de leur faire des confidences. Et cela, les autorités y veillent personnellement, sous peine … de mort.
Ça donne envie, n’est-ce pas ? Je pense vous avoir gardé quand même assez de suspense pour vous tenir en haleine jusqu’au bout du roman, et en même temps, j’ai ici dégagé les principaux points qui m’ont fait tilter. Car voyez-vous, le début de roman va vite, très vite dans l’action. On a à peine le temps de se faire à Andrea que déjà Pénélope débarque dans sa vie pour la mettre sans dessus-dessous. Ce n’est pas un rythme qui me dérange habituellement si ce n’est que le reste du livre est beaucoup plus calme et posé. Ce contraste m’a un peu dérangée au début, même si on s’habitue vite à la vitesse de croisière lente du reste du livre.
Ce qui m’a en revanche beaucoup plus dérangée dans cette première partie, c’est la cohérence des actions. Si tout le reste du livre est franchement bien ficelé, avec des rebondissements très bien trouvés et une trame concernant le voyage dans le temps plausible et cohérente, il n’en est pas de même avec le début du roman. 1er point noir pour moi : l’aide que porte Andrea à Pénélope alors que celle-ci vient d’agresser deux policiers. Parce que si on récapitule, cela donne : une fille de flic voit une jeune inconnue mettre à terre deux officiers de police, dont un collègue de son père, et décide de l’aider à leur échapper… Ce n’est pas vraiment des plus cohérents.
De même que l’annonce de l’identité de Pénélope. Andrea ne met pas beaucoup de temps pour avaler la pilule. Alors, je veux bien croire que c’était assez dur pour l’auteur d’amener Pénélope chez Andrea et de lui faire croire à la véracité de ses dires, mais pour moi la solution choisie est hors du personnage et assez dure à croire. Passés ces deux points noirs cependant, le récit gagne en authenticité et en cohérence.
Et le récit gagne aussi en maturité. Il est d’ailleurs assez amusant de voir que l’auteur a choisi de parler de certains sujets que l’on pourrait qualifier de « féministes » dans un roman de voyage dans le temps, thème plutôt dédié aux garçons habituellement. Je ne peux que l’en féliciter. A travers les yeux de Pénélope donc, on regarde nos mœurs d’une autre manière, et notamment on apprend à relativiser les rapports qu’a construit notre société avec les filles. Des diktats de la mode, en passant par la place des femmes dans notre société, c’est tout un panel de réflexions que nous offre subtilement Nathalie Stragier. Car oui, le tour de force de ce roman c’est de placer ces réflexions au détour d’une simple conversation, et non d’un raisonnement philosophique qui en ferrait fuir plus d’un.
Mais rassurez-vous, le roman n’est pas centré autour de ces questions, et l’intrigue est prenante par elle-même. Le sujet du voyage dans le temps et des différents paradoxes logiques que cela entraîne sont très bien traités et prennent de plus en plus de place au fur et à mesure de notre lecture. A cela s’ajoute un fil rouge, dont je tairai la teneur pour ne pas vous gâcher les rebondissements, qui transforme le roman en petit thriller du futur
Les personnages sont également à mettre en valeur. Ils sont tous très attachants. Même si j’aurais aimé en savoir plus sur certains, le duo d’héroïnes fonctionne très bien et occupe une place centrale dans le roman.
En bref, Ne ramenez jamais une fille du futur chez vous est un bon roman de SF qui, malgré de petits points noirs au début du roman, arrive à nous tenir en haleine avec un scénario bien ficelé et original et une écriture fluide et directe. Le roman idéal pour lire avec plaisir au bord de la piscine ou les pieds dans la mer, ou dans votre canapé, ou … enfin vous aurez compris l’idée
A noter qu’une suite a été publiée – Ne retournez jamais chez une fille du passé – et qu’un troisième tome est en préparation. Curieuse comme je suis, je vais bientôt me mettre à la lecture du deuxième tome et revenir vous en parler prochainement. Ce serait vraiment bête de passer à côté, d’autant plus que mon petit doigt m’a dit que l’on change de point de vue pour celui de Pénélope et que le fil rouge que je tairai se développe encore de façon étonnante
Bonne lecture les cocos !