Quatre filles et un jean pour toujours

Par Loulou Coco
Quatre filles et un jean pour toujours de Ann Brashares, paru chez Gallimard en 2012

Cinq ans après avoir clôturé son cycle de quatre tomes sur les quatre filles à l’amitié indéfectible, Ann Brashares a décidé de reprendre leur histoire pour une ultime fois. Personnellement, à l’époque, je ne savais pas du tout que ce tome était prévu et je suis tombée dessus par hasard en librairie. Je ne suis même pas sûre que c’était prévu dans la tête de l’auteure de sortir ce cinquième tome, à la base. Quoi qu’il en soit, celui-ci va tout chambouler.

Attention, je pars du principe que tous les autres tomes ont déjà été lus. Je ne vais déjà pas pouvoir en dire beaucoup sur ce tome 5, donc je ne vais pas pouvoir faire trop attention aux précédents.

Les quatre filles, sont maintenant de jeunes femmes. Elles ont 29 ans et se rapprochent très vite des 30. Elles sont toujours amies, mais leur relation a évolué. Leurs carrières, leurs vies amoureuses ou familiales, les ont tout de même un peu éloignées. Elles essaient de se réunir autant que possible, mais cela fait déjà deux ans qu’elles n’ont pas pu se voir à quatre.

Carmen a continué sa carrière de scène. Elle a actuellement un rôle dans une série policière télévisée et commence à être connue. Elle n’est pas tout à fait une starlette qui fait des caprices, mais parfois elle n’en est pas loin. Elle a un compagnon, Jones, de 10 ans son aîné, grand producteur reconnu. Ils sont fiancés, mais ses trois amies n’aiment pas vraiment ce prétendant.

A la fin de ses études, Lena est devenue professeure dans une école d’art. Elle aime ce travail même s’il est parfois routinier et que ces quelques heures de cours ne lui rapportent pas beaucoup. Son talent est reconnu et elle est très appréciée dans son école, les élèves se battent pour l’avoir comme professeure. Elle tente également de se faire connaître autrement dans le monde de l’art et continue de peindre à côté de ses cours. Mais elle ne fait pas d’exposition et sa carrière dans ce domaine a donc du mal à décoller. Ses parents s’inquiètent pour elle car elle est très casanière, n’a pas vraiment de vie sociale ou familiale. Au contraire de sa sœur Effie, journaliste reconnue à Manhattan. Après 10 ans, Lena pense toujours à Kostos.

Bridget vit avec Eric. Ce dernier est avocat, mais ne gagne pas forcément sa vie comme il le souhaiterait, car il accepte souvent de travailler à bas frais pour sauver « la veuve et l’orphelin ». Quant à Bridget, on ne sait pas trop ce qu’elle fait comme boulot. Elle est inscrite dans ce qui correspondrait à une agence d’intérim en France. Elle ne tient pas en place et avec Eric ils déménagent souvent. Entre la vie pépère qu’il souhaiterait mener, et la fougue dont fait preuve Bridget dans tout ce qu’elle entreprend, ils se complètent, finalement.

Enfin, Tibby. Elle vit avec Brian depuis longtemps, mais ils ne sont pas mariés. Il y a deux ans de cela, elle l’a suivi en Australie pour un job qui ne devait durer que quelques mois, mais qui apparemment s’est prolongé. Il travaille dans la création de logiciels informatiques et gagne très bien sa vie car il est très doué et donc très demandé. Tibby a continué à tourner des courts-métrages et écrire des scénarios, mais aucun d’entre eux n’a trouvé de producteur. Depuis qu’elle est partie en Australie, elle est restée très silencieuse et a donné peu de nouvelles à ses amies.

Jusqu’au jour où elle envoie trois lettres à Bridget, Lena et Carmen. Elle les invite à se retrouver à quatre en Grèce, dans l’ancienne maison des grands-parents de Lena. Elle a tout prévu et a même payé le billet d’avion de chacune d’entre elles. Elle se rend à Santorin en premier et y attend ses trois amies qui arrivent quelques jours plus tard. Malheureusement, tout ne se passera pas comme prévu. Une tragédie arrive et un lourd secret va peu à peu être découvert. C’est un tournant décisif dans la vie de ces jeunes femmes. Leurs existences ne seront plus jamais les mêmes.

Je ne peux que commencer en disant qu’en plus de chambouler la vie des quatre filles, ce tome bouleversera celle des lecteurs qui ont été très pris par les premiers tomes. Je dois avouer qu’à ma deuxième lecture, je n’ai pas ressenti autant d’émotions qu’à la première, tout simplement parce que je me souvenais approximativement de ce qui allait se passer. Mais quand je repense à ce que j’ai ressenti il y a quatre ans, quand je l’ai lu pour la première fois et que je découvrais donc ce qui se passait au fur et à mesure, j’en ai encore des frissons.

Ce tome est réellement bouleversant. On ne peut s’empêcher de se dire « mais comment l’auteure a-t-elle pu faire ça à ses personnages ? » et en même temps « quelle fin merveilleuse finalement ». J’ai pleuré à plusieurs reprises à la lecture de ce cinquième tome. De peine, mais aussi de joie. Au moment le plus tragique, j’ai même dû arrêter ma lecture et aller me faire consoler. Oui, oui, comme un gros bébé, je l’avoue. Voilà, c’est horrible, maintenant vous ne pouvez vous empêcher de vous demander ce qui se passe (et moi je suis diabolique, je suis très fière de moi :p ).

Sans se pencher plus sur les bouleversements de ce tome, je peux vous en dire un peu plus.

C’est tout simplement un délice de se replonger dans la vie des quatre amies. La coupure des dix ans n’est absolument pas gênante et on les retrouve comme si on avait bu un café avec elles la veille. On se souvient de chacun de leur caractère et celui-ci, même s’il a obligatoirement subi de petites évolutions avec les dix années passées, reste tout de même intacte dans le fond et on se réattache donc très vite aux personnages.

J’ai beaucoup aimé le fait que malgré le passage à la vie adulte, les filles aient encore des failles, des doutes. L’auteure nous montre bien que ce ne sont pas que les ados qui peuvent avoir des problèmes identitaires ou des questions farfelues sur leur existence qui pointent le bout de leur nez. Un adulte aussi est faillible, on ne fait pas tous les bons choix et la vie est une suite d’expériences, parfois douloureuses. Ann Brashares a su jongler très finement avec l’obligatoire maturité dont font preuve désormais les quatre jeunes femmes, et leur côté qui est resté enfantin, sensible et qui se raccroche à l’amitié qu’elles ont pu avoir lors de leur adolescence.

D’ailleurs cette amitié a évolué aussi. On ne reste pas dans le côté complètement gnangnan du « meilleures amies pour la vie quoi qu’il arrive » en les voyant toujours aussi soudées qu’avant. Non, leur amitié a aussi subi les affres du temps. Elles ne se voient plus aussi souvent, et cette fois l’écart est dur à combler. Le jean n’est plus là pour les unir même loin les unes des autres.

On apprécie aussi le fait que la vie de ces jeunes femmes ne soit pas toute rose. Elles n’ont pas toutes des métiers déments après avoir réussi leurs études brillamment. Elles n’ont pas toutes déjà fondées une famille parfaite et bien rangée avec mari, bébé et belle maison. Ça augmente l’identification possible à l’une d’entre elles (ou à plusieurs). C’est d’ailleurs beaucoup plus crédible comme ça. Au vu des caractères que chacune avait dans les tomes précédents, il y en a certaines que l’on voyait mal déjà bien casées comme il faut dans une vie tranquille.

Je suis également tombée sous le charme du côté marketing qu’a adopté Gallimard pour cette série. Je ne sais pas ce qu’il en est pour l’édition anglaise, je ne m’avance donc que pour la version française. Je sais que depuis que j’ai acheté mes exemplaires des quatre premiers tomes de Quatre filles et un jean, la couverture a changé. Néanmoins, que l’on ait affaire à la première édition de ces quatre tomes ou à une nouvelle, on remarque dès le premier coup d’œil que ce sont des livres pour la jeunesse. Couleur pep’s, première de couverture avec un jean décoré, calligraphie sympa, quatrième de couverture avec une poche de jean… On ne peut pas se tromper. La mention de l’éditeur, en gros sur le bas de la page de première de couverture est d’ailleurs « Gallimard jeunesse ». Et ces tomes se trouvent au rayon jeunesse. Mais pour le dernier tome, Gallimard a fait dans la subtilité. Les quatre filles ont évolué, grandi, mais les lecteurs aussi. La couverture se veut donc beaucoup plus soft. Plus de couleurs pep’s, mais juste un bleu qui rappelle celui du jean et se confond avec la mer ou le ciel ; la calligraphie du titre reste la même que pour les tomes précédents mais avec des couleurs softs ; et surtout la mention « Gallimard jeunesse » n’apparaît qu’au dos du livre en petit. A l’avant c’est uniquement « Gallimard » qui est inscrit (sur la tranche aussi d’ailleurs). C’est très bien joué de la part des éditeurs. Même si le lecteur n’a pas pris 10 ans comme les héroïnes (seulement 5 ans logiquement), il a tout de même évolué. S’il a commencé à lire ce cycle au moment de sa sortie et a continué régulièrement, et qu’il avait le même âge que les personnages principaux, il a donc lu Quatre filles et un jean en ayant environ de 15 à 20 ans. Le lecteur en avait donc à peu près 25 à la sortie de ce cinquième tome. Finalement à peine quatre ans de différence avec les quatre amies. Et à 25 ans, on est souvent plus proche de la mentalité d’un adulte de 29 (comme les filles) que d’une ado de 15 ou 19.

La cible est donc très bien appâtée. D’autant plus que personnellement j’ai trouvé ce livre dans le rayon adulte et non lecture d’ado. J’avoue que ce point je ne sais pas si c’est du fait de l’éditeur ou du libraire, mais en tout cas le tout est très bien mené. C’est un peu comme si un nouveau Harry Potter sortait dans quelques années, où le personnage a quarante ans et qu’il était mis en rayon adulte.

Un vrai grand bravo donc pour ce Quatre filles et un jean pour toujours, car les suites improvisées sont toujours délicates à mettre en place et ont parfois du mal à trouver leur public. Ici, je pense qu’il l’aura trouvé. Et avec ce cinquième tome, je pense que cette fois il sera réellement impossible de faire un sixième ; ou alors, pour le coup, ce sera très délicat, surtout au niveau de l’accueil des lecteurs.

Le récap’

Points positifs :

  • Un bonheur de retrouver nos quatre amies égales à elles-mêmes.
  • Des changements qui suivent aussi l’évolution du lecteur ciblé et qui sont très bien pensés.
  • Une belle leçon de vie au final.

Point négatif :

  • N’a pas !

Bonne lecture larmoyante les loulous !