Le nouveau nom, Elena Ferrante

Par Sara
Dès le début de l'été, j'ai pris soin de réserver à un moment propice la lecture du Nouveau nom, le second tome de la saga entreprise par Elena Ferrante et qui fait suite à l'excellent L'amie prodigieuse, l'une de mes grandes découvertes de l'année. Le moment propice, fait de gyros et de mer céruléenne à perte de vue sous un ciel immaculé, est enfin arrivé. 

Le synopsis
A Naples, Lila a épousé Stefano, qui, lors de son voyage de noces, a dévoilé son véritable visage, en tâchant de la "mater" et en n'hésitant pas à user de la force pour cela.
Lorsque Lena la revoit, elle découvre la vie de son amie, faite d'opulence matérielle et de violence conjugale, tandis que le quartier voit grossir les rumeurs de toutes sortes, le ventre de Lila tardant à s'arrondir.
La relation des deux amies évolue à présent que Lila connaît les choses de l'amour toujours inconnues de Lena, et de par le statut social de Lila, devenue la femme de l'épicier, jouissant ainsi de sa richesse. Lena, pour sa part, poursuit ses études, mais peine à s'y intéresser, taraudée de questions concernant son avenir. Elle quitte bientôt Antonio, et retrouve, avec le soutien de Lila, goût aux études, parvenant même à se distinguer auprès de la professeur qu'elle estime le plus.
Un été, elle accompagne son amie à Ischia où Lila doit prendre des bains de mer supposés favoriser la fertilité. Elles y croisent Nino Sarratore, que Lena aime secrètement depuis son enfance. Cette rencontre vient bouleverser la relation entre les deux amies, et l'existence agitée de Lila.
Mon avis
Comme je m'y attendais, j'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir les personnages peuplant la fresque imaginée par Elena Ferrante.
Tout est tel que je l'avais laissé à la fin de L'amie prodigieuse, la relation entre Lila et Lena est toujours aussi ambiguë, et les événements qui surviennent dans ce tome ne sont pas pour simplifier les choses.
Le récit du Nouveau nom est aussi prenant qu'espéré, et consiste pour une grande partie en interactions entre les différents protagonistes, qui se précisent et que l'on voit évoluer vers l'âge adulte, non sans intérêt.
La même violence qui émanait du premier tome hante les pages du roman, caractérisant Naples et le milieu social dont proviennent Lila et Lena, et dont elles peinent à s'extraire, chacune ayant suivi pourtant un chemin différent.
L'été à Ischia est bien sûr au cœur de l'intrigue de ce tome, et fait naître de nombreux sentiments contradictoires, envers Lila, Nino, mais aussi Lena, que l'on croyait connaître et dont on découvre aussi le caractère, les paradoxes.
A cet égard, l'auteur livre une peinture psychologique autant que sociale de ses personnages, qui est absolument passionnante.
Une certaine attente grandit peu à peu, et l'on a hâte de voir se concrétiser le passage à l'âge adulte, dans la mesure où nombre de réactions des deux jeunes filles sont tout à fait adolescentes, et que leur situation respective exalte la rivalité tirée de l'enfance. A mesure qu'elles s'éloignent, la curiosité croît concernant l'état possible d'une amitié adulte.
De la même façon que l'auteur qualifie de "coloré" le dialecte employé par Lila, la langue est dans le récit elle-même colorée, riche, elle donne du relief à l'intrigue, et retranscrit avec beaucoup de finesse les différents états d'esprit de Lena, en particulier, dans lesquels on note des variations parfois à peine perceptibles, parfois brutales, notamment dans son appréhension de son amitié avec Lila.
L'auteur parvient à créer un sentiment d'authenticité qui emplit le lecteur, comme s'il avait accès aux pensées y compris les plus inavouables de Lena : rien ne nous semble dissimulé, il est question de jalousie, de mépris, de haine parfois, tout autant qu'il est question d'amour et d'admiration.
Une lecture tout aussi électrisante que celle du premier tome de la saga, captivante et dérangeante. Le prochain tome sera publié en janvier par Gallimard. Autant vous dire que je vais trouver le temps long...
Pour vous si...
  • Vous voulez connaître la suite de l'histoire de Lila et Lena, bien sûr.

Morceaux choisis
"Certes, il y avait une explication simple à cela : depuis l'enfance, nous avions vu nos pères frapper nos mères. Nous avions grandi en pensant qu'un étranger ne devait pas même nous effleurer alors qu'un parent, un fiancé ou un mari pouvaient nous donner des claques quand ils le voulaient, par amour, pour nous éduquer ou nous rééduquer."
"Quand je leur dis au revoir en leur adressant mes meilleurs vœux, je souhaitai pour mon propre bien ne plus les revoir."
"Et bien que, nous les filles du quartier, nous voulions depuis notre enfance devenir des épouses, de fait en grandissant nous avions presque toujours eu de la sympathie pour les maîtresses, qui nous semblaient des personnages plus passionnés, plus combatifs et surtout plus modernes."
Note finale4/5(excellent)