La force du Punisher de Garth Ennis, c'est la mise en opposition d'un personnage aux méthodes ultra expéditives, qui rivalise d'ingéniosité (en se servant des moyens du bord, sur l'instant, employant même des ours dans un zoo, par exemple) pour se débarasser des criminels (une machine à tuer froide et implacable, sans le moindre remords) et la causticité, l'humour de tout le cast qui gravite autour de lui, et tempère le climat mortifère dans lequel évolue ce justicier voué à la solitude, malgré quelques alliés ou voisins de passage qui se rapprochent en vain de lui. Les "vilains" aussi sont gratinées, et ils sont si pathétiques ou originaux que le lecteur ne peut s'empêcher d'adhérer, un gros sourire aux lèvres, comme avec Le Russe, une montagne de muscle sans cervelle capable de faire passer un sale quart d'heure au Punisher, et dont le destin vire carrément dans le troisième degré jouissif. Vous trouverez ici l'intégrale de la première maxi série réalisée par le tandem terrible Ennis/Dillon, puis la suite immédiate, à savoir la "vraie" série du Punisher en temps que tel. Castle part faire une ballade à Grand Nixon Island, qui est une île un peu particulière car repère idéal pour tout ce qui se fait de parvenus, criminels, assassins ou mercenaires. En gros, c'est comme emmener un enfant dans un magasin de jouets, avec licence d'acheter tout ce qu'il souhaite. L'air du Pacifique fait le plus grand bien à notre justicier qui sort l'artillerie lourde et les grands moyens pour se faire plaisir, même face au Russe qui revient, affublé d'un corps de femme aussi absurde que redoutable. Bref, l'éclate, dans tous les sens du terme.
Le dessin est donc l'oeuvre de Steve Dillon. Décrié par certains puristes car limité (apparemment) aux niveau de la palette des expressions, de la représentation des visages et de la minutie des fonds de case, l'artiste est toutefois à l'oeuvre dans un autre registre, celui de la transposition froide et sans fioritures de la réalité, avec un trait empreint d'un humour "pince sans rire" capable de transmettre les scènes les plus outrancières et de les rendre crédibles, exprimant l'horreur ou la violence indicible avec ce détachement et cette coolitude qui rappelle à chaque page qu'il s'agit avant tout d'entertainment, et du bon, puisqu'on ne s'ennuie jamais avec ce Punisher là. Album hautement recommandé donc, surtout que l'Omnibus absolument remarquable qui comprenait déjà tous ces épisodes est épuisé, et son prix sur les sites de ventes aux enchères est quelque peu décourageant. Alors ne perdez pas trop de temps cette fois-ci.