Avant d'entamer la lecture de notre livre du jour, j'avais une mélodie en tête. La voix magique de Cesaria Evora, je fonctionne beaucoup par associations d'idées. Pourtant, à y regarder d'un peu plus près, le roman et la chanson ont l'Afrique en commun, même si ce n'est pas la même région du continent, et aussi la saudade, cette terrible nostalgie qui ronge, et qui est celle de l'exil, pour l'auteur. Gaël Faye s'est d'abord fait connaître par la musique et le rap, le voilà désormais écrivain, avec un premier opus dont on parle énormément en cette rentrée littéraire, "Petit pays", aux éditions Grasset. Un récit inspiré des souvenirs d'enfance de l'auteur, mais qui n'est pas totalement autobiographique ou, en tout cas, la limite entre réalité et fiction est volontairement gommée. Direction le Burundi, direction l'enfance, oui, mais direction la guerre, aussi...
Gabriel vit à Bujumbura, la capitale du Burundi, auprès de ses parents et de sa jeune soeur, Ana. Il a une dizaine d'années au début des années 1990 et fait les 400 coups avec ses amis, Gino, Armand et les jumeaux de la maison d'en face. A l'école, même s'il s'ennuie un peu, lui qui rêve de devenir mécanicien, il devient le correspondant d'une jeune française de son âge et ça, ça lui plaît bien.
Michel, son père, est Français, lui aussi, sa mère, Yvonne, est Rwandaise, mais vit au Burundi voisin depuis son plus jeune âge, après avoir fui des massacres, en 1963. Mais tous sont lait au café, dit-il, sa famille, mais aussi Prothé, Donatien et Innocent, qui travaillent pour son père, ses amis, aucune différence entre eux... Le racisme, s'il lui arrive de le croiser, c'est chez les colons, comme ce Jacques, ami de son père vivant au Zaïre...
Seuls nuages dans ce ciel d'enfance, la mésentente grandissante entre le père et la mère de Gabriel. Des disputes de plus en plus fréquentes, jusqu'au départ d'Yvonne. Un départ provisoire, espère-t-il, mais qui ne l'empêche pas de continuer à s'amuser et à faire des coups pendables, comme lorsqu'il va, avec ses potes, voler les mangues chez la voisine pour lui revendre ensuite...
Le Burundi est un pays magnifique, entre montagnes et lacs, comme tous les pays de la région. Il y a quelque chose d'un éden dans cette région du monde et la vie est belle pour Gabriel, dans l'impasse du quartier réservé aux expatriés où il habite. Jusqu'à ce qu'on commence à entendre de plus en plus souvent des mots comme tutsis ou hutus. Même lui, Gabriel, devient parfois le Français...
Tout cela s'accompagne de bruits alarmants qui viennent du Rwanda, où l'on redoute de plus en plus de nouveaux massacres. Les tensions politiques s'affirment, les Rwandais vivant au Burundi s'énervent, envisagent de prendre les armes, à l'image de ce qu'avait fait l'un des oncles de Gabriel, Alphonse, et de ce que pourrait bientôt faire son autre oncle, Pacifique...
Même dans la maisonnée, l'harmonie est brisée. Les conflits entre Prothé, Donatien et Innocent se font de plus en plus virulents. Là encore, Gabriel assiste impuissant et sans vraiment comprendre la nature du problème, aux dissensions entre ces hommes qu'il connaît depuis toujours... Et le ciel s'assombrit encore...
Il s'assombrit au point de presque tomber sur la tête de Gabriel et des siens, lorsque le Burundi se retrouve lui aussi en Etat d'insurrection. La première expérience démocratique tourne court, un coup d'Etat survient, chose, hélas, sur le continent. Mais, ce dont ne se doute pas encore Gabriel, c'est qu'il va sonner le glas de l'éden burundais et de son enfance...
Les événements, on les connaît, du moins pour le Rwanda, qui va connaître un effroyable génocide, mais on oublie souvent que le Burundi a lui aussi été violemment frappé par cette vague de folie. Des événements dont Gabriel sera un témoin direct et qui vont précipiter son départ du pays. Un départ pour longtemps, bien plus qu'il ne l'imaginait...
"Petit pays" s'ouvre et se referme sur deux chapitres en italique, dans lesquels Gabriel raconte sa situation actuelle, son exil et sa douleur. C'est d'ailleurs là que j'ai trouvé la phrase qui sert de titre à ce billet, qui correspond parfaitement à ce que j'ai pu ressentir en lisant ce roman. L'exil, le déracinement, les bons souvenirs qui s'effacent et les mauvais qui s'incrustent...
On n'est d'ailleurs pas loin de retrouver des thèmes et des situations qu'on a déjà croisés dans un autre premier roman de cette rentrée littéraire : "la jeune fille et la guerre", de Sara Novic. Deux continents différents, c'est vrai, mais l'époque et les circonstances se ressemblent affreusement, jusque dans le traumatisme et la quête de résilience. Là, il y a des divergences, mais vous les découvrirez...
D'un seul coup, la candeur enfantine vole en éclats, rattrapée par les idéologies, les calculs politiques, les appels à la haine, les rivalités ethniques, les basses vengeances et les ambitions plus mesquines encore... Gabriel voit sa vie sans accroc basculer dans la violence, dans la folie, même. La peur remplace l'insouciance et on ne sait plus à qui se fier...
Il y a un vrai contraste entre les deux moitiés du livre, la bascule n'est peut-être pas aussi nette. La première moitié est un vrai roman sur l'enfance, une enfance africaine, et rappelle, par certains côtés, les livres dans lesquels Alain Mabanckou s'inspirait de sa propre enfance, comme "Demain, j'aurai 20 ans", par exemple.
Et puis, même si l'on sent subtilement l'ambiance changer, c'est vrai que la violence arrive très brutalement et change complètement l'optique du livre. Gabriel se retrouve embringué dans de nouvelles aventures dont il comprend rapidement qu'elles n'ont rien d'aussi excitant et exaltant qu'auparavant et que ses meilleurs amis sont en train de se prendre à un jeu bien funeste...
Le côté espiègle et potache qui accompagnait les pérégrinations de Gabriel et de sa bande dans le quartier, et même un peu au-delà, s'efface peu à peu, du moins à ses yeux, quand d'autres ne donnent pas cette impression. On joue aux grands, on fait les bravaches, mais la peur gagne du terrain et les événements vont encore s'accélérer jusqu'à devenir intenables.
Ce basculement est vraiment cruel. Le monde de Gabriel va s'effondrer très rapidement et de tous côtés. L'enfant facétieux qui rêvait à l'avenir, à son métier de mécanicien, à son mariage avec sa correspondante, est propulsé violemment dans un univers qui n'est plus du tout celui de l'enfance. Les événements, c'est en adulte qu'il lui faudrait les affronter, et il n'est sans doute pas prêt à cela...
Il y a, au milieu du chaos qui menace puis s'étend, une lueur d'espoir. Ce n'est pas forcément un aspect central du livre, mais moi, il m'a frappé. Il s'agit d'une découverte forte, dévorante, celle de la lecture. En dehors de l'école, ce n'était pas une activité que Gabriel appréciait particulièrement. Et puis, en entrant chez la voisine, l'enfant se retrouve face à une immense bibliothèque...
Bouche bée, Gabriel, et cette vénérable voisine qui s'en rend compte et commence à prêter des livres au jeune garçon qui se découvre une passion pour ces histoires, ces personnages, ces pays lointains qui apparaissent entre les pages... Alors que les tensions s'exacerbent, Gabriel va devenir un lecteur assidu et c'est peut-être là aussi que se trouve la genèse de son envie d'écrire, de raconter cette période...
Le contraste que je soulignais entre les atmosphères des deux parties n'est pas le seul qu'on perçoit à la lecture de "Petit pays". Gabriel, devenu adulte, vivant en France, désormais, raconte son histoire, son parcours. Et, entre l'enfant sans histoire, heureux, épanoui, et cet adulte qu'on sent un peu perdu, peinant à retrouver des repères, à se construire une vie sereine, il y a un monde.
Il y a beaucoup de points communs entre Gabriel et Gaël Faye, si l'on s'en tient aux faits : ils ont le même âge, la même filiation, père français, mère rwandaise, le départ forcé à peu près au même moment, lorsque la situation à Bujumbura va devenir bien trop dangereuse... Pour le reste, il est certain que les souvenirs de Gaël Faye sur la vie au Burundi sont une matière première.
En préparant ce billet, je suis tombé sur un article que l'Express a consacré à ce jeune primo-romancier. Gaël Faye, qui s'est d'abord fait connaître sur la scène rap, y explique qu'il tenait à écrire un récit autour de son enfance, mais que, pour cela, il désirait travailler sur un autre format que la chanson. Voilà pourquoi il s'est lancé sur un nouveau terrain d'expression, le roman, et il s'en sort très bien.
Son livre est plein d'émotions, très fortes et surtout, très contrastées. On s'attache à ces mômes qui vivent en toute liberté dans ce quartier, sans doute privilégié, mais comment pourraient-ils le comprendre ? D'ailleurs, un des chapitres, à la fois très drôle mais aussi très dur, qui raconte les recherches lancées par Gabriel pour retrouver sa bicyclette volée en témoigne.
C'est l'une des rares fois où on le suit dans des villages populaires, pauvres, n'ayant rien à voir avec sa confortable maison et son quartier protégé. Pourtant, tout à sa volonté de retrouver la belle bicyclette, il met du temps à comprendre la portée de ses gestes. Et lorsqu'il en prend conscience, il prend une sérieuse leçon de vie, dont on mesurera la portée plus tard...
On s'inquiète ensuite pour lui, lorsque les turbulences se font de plus en plus fortes, que les nouvelles empirent, devenant de plus en plus affreuses, et que la violence et le danger approchent. En proposant des situations quasi similaires d'une période à l'autre mais qui prennent un tout autre sens en fonction du contexte, Gaël Faye frappe les esprits et montre parfaitement la fin brutale de l'enfance.
Mais je dois dire que ce sont les dernières pages de "Petit pays" qui m'ont le plus profondément touché. M'ont bouleversé, même. Vous vous doutez bien que je ne peux vous en parler en détails, mais j'ai ressenti un vrai choc, une vraie douleur. Et ce sont ces sensations sur lesquelles on reste, au moment de refermer ce premier roman qui, je l'espère, en appellera d'autres.
On abandonne Gaël à un moment décisif de son existence, en espérant de tout coeur qu'il réussira à agir pour le mieux et à trouver la paix. Mais, on se dit aussi que, de nouveau, son existence se retrouve liée à ce petit pays, ce Burundi si beau et pourtant si instable, à la merci de nouveaux soubresauts dans une région où, comme les volcans, la violence connaît aussi de soudaines éruptions.
Gabriel vit à Bujumbura, la capitale du Burundi, auprès de ses parents et de sa jeune soeur, Ana. Il a une dizaine d'années au début des années 1990 et fait les 400 coups avec ses amis, Gino, Armand et les jumeaux de la maison d'en face. A l'école, même s'il s'ennuie un peu, lui qui rêve de devenir mécanicien, il devient le correspondant d'une jeune française de son âge et ça, ça lui plaît bien.
Michel, son père, est Français, lui aussi, sa mère, Yvonne, est Rwandaise, mais vit au Burundi voisin depuis son plus jeune âge, après avoir fui des massacres, en 1963. Mais tous sont lait au café, dit-il, sa famille, mais aussi Prothé, Donatien et Innocent, qui travaillent pour son père, ses amis, aucune différence entre eux... Le racisme, s'il lui arrive de le croiser, c'est chez les colons, comme ce Jacques, ami de son père vivant au Zaïre...
Seuls nuages dans ce ciel d'enfance, la mésentente grandissante entre le père et la mère de Gabriel. Des disputes de plus en plus fréquentes, jusqu'au départ d'Yvonne. Un départ provisoire, espère-t-il, mais qui ne l'empêche pas de continuer à s'amuser et à faire des coups pendables, comme lorsqu'il va, avec ses potes, voler les mangues chez la voisine pour lui revendre ensuite...
Le Burundi est un pays magnifique, entre montagnes et lacs, comme tous les pays de la région. Il y a quelque chose d'un éden dans cette région du monde et la vie est belle pour Gabriel, dans l'impasse du quartier réservé aux expatriés où il habite. Jusqu'à ce qu'on commence à entendre de plus en plus souvent des mots comme tutsis ou hutus. Même lui, Gabriel, devient parfois le Français...
Tout cela s'accompagne de bruits alarmants qui viennent du Rwanda, où l'on redoute de plus en plus de nouveaux massacres. Les tensions politiques s'affirment, les Rwandais vivant au Burundi s'énervent, envisagent de prendre les armes, à l'image de ce qu'avait fait l'un des oncles de Gabriel, Alphonse, et de ce que pourrait bientôt faire son autre oncle, Pacifique...
Même dans la maisonnée, l'harmonie est brisée. Les conflits entre Prothé, Donatien et Innocent se font de plus en plus virulents. Là encore, Gabriel assiste impuissant et sans vraiment comprendre la nature du problème, aux dissensions entre ces hommes qu'il connaît depuis toujours... Et le ciel s'assombrit encore...
Il s'assombrit au point de presque tomber sur la tête de Gabriel et des siens, lorsque le Burundi se retrouve lui aussi en Etat d'insurrection. La première expérience démocratique tourne court, un coup d'Etat survient, chose, hélas, sur le continent. Mais, ce dont ne se doute pas encore Gabriel, c'est qu'il va sonner le glas de l'éden burundais et de son enfance...
Les événements, on les connaît, du moins pour le Rwanda, qui va connaître un effroyable génocide, mais on oublie souvent que le Burundi a lui aussi été violemment frappé par cette vague de folie. Des événements dont Gabriel sera un témoin direct et qui vont précipiter son départ du pays. Un départ pour longtemps, bien plus qu'il ne l'imaginait...
"Petit pays" s'ouvre et se referme sur deux chapitres en italique, dans lesquels Gabriel raconte sa situation actuelle, son exil et sa douleur. C'est d'ailleurs là que j'ai trouvé la phrase qui sert de titre à ce billet, qui correspond parfaitement à ce que j'ai pu ressentir en lisant ce roman. L'exil, le déracinement, les bons souvenirs qui s'effacent et les mauvais qui s'incrustent...
On n'est d'ailleurs pas loin de retrouver des thèmes et des situations qu'on a déjà croisés dans un autre premier roman de cette rentrée littéraire : "la jeune fille et la guerre", de Sara Novic. Deux continents différents, c'est vrai, mais l'époque et les circonstances se ressemblent affreusement, jusque dans le traumatisme et la quête de résilience. Là, il y a des divergences, mais vous les découvrirez...
D'un seul coup, la candeur enfantine vole en éclats, rattrapée par les idéologies, les calculs politiques, les appels à la haine, les rivalités ethniques, les basses vengeances et les ambitions plus mesquines encore... Gabriel voit sa vie sans accroc basculer dans la violence, dans la folie, même. La peur remplace l'insouciance et on ne sait plus à qui se fier...
Il y a un vrai contraste entre les deux moitiés du livre, la bascule n'est peut-être pas aussi nette. La première moitié est un vrai roman sur l'enfance, une enfance africaine, et rappelle, par certains côtés, les livres dans lesquels Alain Mabanckou s'inspirait de sa propre enfance, comme "Demain, j'aurai 20 ans", par exemple.
Et puis, même si l'on sent subtilement l'ambiance changer, c'est vrai que la violence arrive très brutalement et change complètement l'optique du livre. Gabriel se retrouve embringué dans de nouvelles aventures dont il comprend rapidement qu'elles n'ont rien d'aussi excitant et exaltant qu'auparavant et que ses meilleurs amis sont en train de se prendre à un jeu bien funeste...
Le côté espiègle et potache qui accompagnait les pérégrinations de Gabriel et de sa bande dans le quartier, et même un peu au-delà, s'efface peu à peu, du moins à ses yeux, quand d'autres ne donnent pas cette impression. On joue aux grands, on fait les bravaches, mais la peur gagne du terrain et les événements vont encore s'accélérer jusqu'à devenir intenables.
Ce basculement est vraiment cruel. Le monde de Gabriel va s'effondrer très rapidement et de tous côtés. L'enfant facétieux qui rêvait à l'avenir, à son métier de mécanicien, à son mariage avec sa correspondante, est propulsé violemment dans un univers qui n'est plus du tout celui de l'enfance. Les événements, c'est en adulte qu'il lui faudrait les affronter, et il n'est sans doute pas prêt à cela...
Il y a, au milieu du chaos qui menace puis s'étend, une lueur d'espoir. Ce n'est pas forcément un aspect central du livre, mais moi, il m'a frappé. Il s'agit d'une découverte forte, dévorante, celle de la lecture. En dehors de l'école, ce n'était pas une activité que Gabriel appréciait particulièrement. Et puis, en entrant chez la voisine, l'enfant se retrouve face à une immense bibliothèque...
Bouche bée, Gabriel, et cette vénérable voisine qui s'en rend compte et commence à prêter des livres au jeune garçon qui se découvre une passion pour ces histoires, ces personnages, ces pays lointains qui apparaissent entre les pages... Alors que les tensions s'exacerbent, Gabriel va devenir un lecteur assidu et c'est peut-être là aussi que se trouve la genèse de son envie d'écrire, de raconter cette période...
Le contraste que je soulignais entre les atmosphères des deux parties n'est pas le seul qu'on perçoit à la lecture de "Petit pays". Gabriel, devenu adulte, vivant en France, désormais, raconte son histoire, son parcours. Et, entre l'enfant sans histoire, heureux, épanoui, et cet adulte qu'on sent un peu perdu, peinant à retrouver des repères, à se construire une vie sereine, il y a un monde.
Il y a beaucoup de points communs entre Gabriel et Gaël Faye, si l'on s'en tient aux faits : ils ont le même âge, la même filiation, père français, mère rwandaise, le départ forcé à peu près au même moment, lorsque la situation à Bujumbura va devenir bien trop dangereuse... Pour le reste, il est certain que les souvenirs de Gaël Faye sur la vie au Burundi sont une matière première.
En préparant ce billet, je suis tombé sur un article que l'Express a consacré à ce jeune primo-romancier. Gaël Faye, qui s'est d'abord fait connaître sur la scène rap, y explique qu'il tenait à écrire un récit autour de son enfance, mais que, pour cela, il désirait travailler sur un autre format que la chanson. Voilà pourquoi il s'est lancé sur un nouveau terrain d'expression, le roman, et il s'en sort très bien.
Son livre est plein d'émotions, très fortes et surtout, très contrastées. On s'attache à ces mômes qui vivent en toute liberté dans ce quartier, sans doute privilégié, mais comment pourraient-ils le comprendre ? D'ailleurs, un des chapitres, à la fois très drôle mais aussi très dur, qui raconte les recherches lancées par Gabriel pour retrouver sa bicyclette volée en témoigne.
C'est l'une des rares fois où on le suit dans des villages populaires, pauvres, n'ayant rien à voir avec sa confortable maison et son quartier protégé. Pourtant, tout à sa volonté de retrouver la belle bicyclette, il met du temps à comprendre la portée de ses gestes. Et lorsqu'il en prend conscience, il prend une sérieuse leçon de vie, dont on mesurera la portée plus tard...
On s'inquiète ensuite pour lui, lorsque les turbulences se font de plus en plus fortes, que les nouvelles empirent, devenant de plus en plus affreuses, et que la violence et le danger approchent. En proposant des situations quasi similaires d'une période à l'autre mais qui prennent un tout autre sens en fonction du contexte, Gaël Faye frappe les esprits et montre parfaitement la fin brutale de l'enfance.
Mais je dois dire que ce sont les dernières pages de "Petit pays" qui m'ont le plus profondément touché. M'ont bouleversé, même. Vous vous doutez bien que je ne peux vous en parler en détails, mais j'ai ressenti un vrai choc, une vraie douleur. Et ce sont ces sensations sur lesquelles on reste, au moment de refermer ce premier roman qui, je l'espère, en appellera d'autres.
On abandonne Gaël à un moment décisif de son existence, en espérant de tout coeur qu'il réussira à agir pour le mieux et à trouver la paix. Mais, on se dit aussi que, de nouveau, son existence se retrouve liée à ce petit pays, ce Burundi si beau et pourtant si instable, à la merci de nouveaux soubresauts dans une région où, comme les volcans, la violence connaît aussi de soudaines éruptions.