Chronique « Le crépuscule des idiots »,

Scénario et dessin de Jean-Paul Krassinsky,

Public conseillé : Adultes / Adolescents

Style : Fable humoristique,
Paru chez Casterman, le 31 aout 2016, 25.95 euros,
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L’Histoire

Quelque part dans les montagnes enneigées de Chine, deux jeunes macaques s’amusent à prier Diou. Voyant cela, le vieux signe Fukito les frappent. Pour se justifier, il leur raconte l’histoire du singe Nitchii. A une époque lointaine, le clan était sous l’emprise de Taro L’impitoyable, un singe tout blanc qui gardait les sources d’eau chaudes naturelles et la plus belle femelle, Hisayo, pour son usage personnel. Agacés, les dominés ne pouvaient que regarder le spectacle. Quand l’un d’eux craquait, Taro se jetait sur lui et le battait à mort.
Nitchii était fou amoureux d’Hisayo. Un jour qu’il s’en approcha de la belle, il fut surpris par Taro. Pour le punir de son outrecuidance, ce dernier le banni du clan ! Ce jour-là, une étrange objet tomba du ciel : une capsule spatiale, avec un singe “Rhesus” à l’intérieur… Le nouveau venu s’imposa rapidement comme le prophète de Diou !

Ce que j’en pense

Mais qu’est-ce que c’est que ce binnnns ? Krassinsky, l’auteur de gentilles fables humoristiques s’attaque à Dieu ? En ces temps de troubles terroristes au nom des religions, il fallait oser !
Dans les montagnes de chine, le petit peuple pacifique des macaques des neiges se trouve confronté à un envoyé “divin”, un singe de laboratoire qui atterrit dans une capsule spatiale. Différent et en même temps si semblable, le “singe des étoiles” invente une raison supérieure à sa présence. Poussés par les autres signes crédules ou idiots (c’est selon), le voici investi. Il est le prophète venu pour révéler Diou, son immense sagesse et ses buts impénétrables…
Bien entendu, un peu de pouvoir ne peut pas faire de mal, surtout qu’il invente au fur et à mesure toute un système et une hiérarchie susceptible de servir ses intérêts. Dogmes, obligations, interdits, offrandes, miracles, tout est “inspiré” par Diou et donc, non négociable ! Vous l’aurez compris, le cortège des grandes religions monothéistes y passe.

Avec ce nouveau venu, le pouvoir change de mains. Si les premiers “croyants” ne font que profiter du système, les luttes de pouvoirs ne font que faire monter la violence et la mort. Qui parlera au nom de Diou ? Qui fera taire les autres ? La question est là !

Cette fable animalière aux consonances mystiques est un vrai régal. Krassinsky s’amuse des dérives religieuses avec un sens aigu de l’humour, tout en finesse. Plus que de dénoncer la religion, il pointe du doigt les singes (euh, les hommes) qui s’en servent pour assouvir leurs propres envies. La question n’est pas de savoir si Diou existe, mais de voir quelles atrocités les singes sont capables de perpétrer en son nom ?

“Le crépuscule des idiots” n’est pas seulement un récit humoristique. La fable se teinte d’amertume, de sang et de larmes au fur et à mesure qu’on avance. Et non, la vie n’est pas rose…

Côté dessin, j’ai été enthousiasmé par son parti-pris. Tout en camaïeux, Krassinsky peint de grandes cases à l’aquarelle, qui m’ont fait penser au peintures chinoises (les sumi-yé). Baignant dans de grandes ambiances colorées toute douces, le dessin des signes est nerveux et expressif. L’ensemble est à la fois doux et vivant.

Pour résumer, vous voulez lire une fable moderne, caricaturale, drôle et sérieuse en même temps ? Tentez “Le crépuscule des idiots”. Krassinksy vous prend par la main, en vous donnant des petites tapes derrière la nuque…