Lupiot va publier dans quelques jours un article Si vous avez aimé... Jane Austen auquel j'ai pris plaisir à participer (car oui, j'aime beaucoup Jane Austen). Or, dans cette liste, nous vous recommandions Le château de Cassandra. Donc, de quoi s'agit-il plus exactement ?
- Cassandra est une héroïne drôle et intelligente
On suit son histoire à travers son journal intime, au cours de cette année fatidique où tout a changé. Introspection, description honnête de son entourage, tout y est ! Sensible et empathique, son récit est ponctué de remarques parfois ironiques sur la situation. Il est donc très facile de s'identifier à elle et à ses états d'âme, tristesse ou joie. Cela permet également de s'attacher aux personnages secondaires et à en rire. Cassandra n'épargne personne : son père écrivain en panne (" Mortmain, " main morte ") aux réactions ridicules ; sa belle-mère Topaz, fière et digne qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et fait bien tout ce qu'elle veut en se moquant du regard des autres ; Mrs Fox-Cotton, riche et hautaine photographe en mal de jeunesse...
- C'est un hommage aux classiques de Jane Austen et des sœurs Brontë
Citées à plusieurs reprises, la référence n'est pas inconsciente : c'est pour mieux s'extraire de ces clichés que le récit en fourmille. Amateurs du genre, n'ayez crainte : on retrouve bien ici les thèmes qui font vibrer nos cœurs amoureux de M. Darcy / Elizabeth Bennet, à savoir la condition (et la possible ascension) sociale, les premières amours, les relations familiales hautes en couleurs, les somptueuses demeures, et même les bals !
Malgré tout, il ne s'agit pas d'une copie de ce style. L'auteure parvient à nous emmener dans les mêmes décors anglais en imposant sa propre vision de la romance.
- Le contexte de parution, émancipation féminine, toussa toussa
L'auteure anglaise, Dodie Smith (aussi - et surtout - connue pour ses Cent un dalmatiens), publie ce livre en 1949 dans un contexte d'après Guerre Mondiale (où l'auteure émigre aux États-Unis) et de début de libéralisation des femmes. Même si cette histoire se passe dans les années 30, cette ambiance se ressent tout au long de la lecture : tout d'abord par les Cotton, cette famille américaine qui voit l'Angleterre comme un pays nostalgique, face aux États-Unis qui inspirent l'avenir ; puis par les personnages de Cassandra et Topaz qui s'affranchissent en tant que femmes indépendantes.
Cassandra, notamment, est le modèle même de la jeune femme de récit initiatique qui finit par rejeter les traditions : élevée dans un château, éduquée par ses lectures romantiques, c'est pourtant une femme moderne et libre que l'on voit naître au fil de la lecture.
En fait, j'ai trouvé la narration tellement moderne que j'ai peine à croire qu'il soit si " vieux ". Très bon rythme, on ne s'ennuie pas pendant la lecture. Et même si j'ai (encore) deviné une partie de la fin, j'ai beaucoup aimé retrouver le témoignage de Cassandra, dont les pensées et sentiments pourraient totalement être ceux d'une adolescente d'aujourd'hui.
Pourtant, ce n'est pas le roman du siècle. Bien que très agréable à lire, Le Château de Cassandra n'a rien d'innovant pour un lecteur d'aujourd'hui dans son style ou son rythme. De plus, on dispose d'une myriade d'autres héroïnes intelligentes et modernes pour faire de l'ombre à Cassandra. Je conseille donc surtout ce livre aux romantiques, aux fans de Downton Abbey, ou aux âmes curieuses de la vie en Angleterre avant la seconde Guerre Mondiale.
Bonne lecture,
-Le château de Cassandra, de Dodie Smith, traduit par Anne Krief, réédition dans la collection Pôle Fiction en 2015 chez Gallimard Jeunesse, 576 pages (8,65€)
-(VO) I Capture the Castle (1949)
PS : On recommande chaudement la VO toute piquante, à préférer à la traduction un peu plus sage. (Néanmoins, la critique ci-dessus est faite à partir de la VF😉 )