Le synopsis
Affectée par la mort de sa mère, son divorce et une période de toxicomanie, Cheryl Strayed entreprend spontanément de parcourir le PCT, le Pacific Crest Trail, long de près de 1800 kilomètres. Une aventure à laquelle elle est peu préparée, puisqu'elle n'a jamais réellement réalisé de randonnée, et que ses connaissances pour survivre dans la nature sont limitées. Néanmoins, armée de sa détermination pour mener à bien cette quête de sens, elle franchit les obstacles un à un, et progresse le long de ce parcours sauvage et solitaire.
Mon avis
Après avoir découvert l'Appalachian Trail à travers le regard humoristique de Bill Bryson, me plonger au cœur du PCT m'a donné comme une impression de déjà-vu (dans les galères de la survie au quotidien), combiné à l'originalité de l'approche de Cheryl Strayed.
Comme Bill, Cheryl ne semblait pas prédisposée à parcourir le PCT et à en devenir la reine, et c'est sans doute ce qui fait que la recette prend immédiatement : n'importe quel quidam peut s'identifier.
Pour partie, en tout cas. Parce qu'au-delà de son manque d'expérience, l'histoire de Cheryl accompagne sa progression le long du PCT, et l'on a toujours à l'esprit combien il le motive.
Et c'est aussi ce qui porte le lecteur : ce sentiment d'authenticité qui émane de Cheryl, et de son entreprise. Lorsque Cheryl recueille ses souvenirs, elle aborde sans détour les derniers mois de la vie de sa mère, sa responsabilité dans l'échec de son mariage et la souffrance causée à son ex-mari, mais aussi sa chute ponctuelle dans la drogue, et son aveuglement.
De la même façon, elle ne raconte pas d'histoire ou n'enjolive ce qui l'a conduite au pied du PCT : l'idée semble la prendre un beau jour, sans qu'elle sache expliquer pourquoi, elle n'exprime pas de quête de vérité qui aurait pu sonner faux ou, pour le moins, aurait paru grandiloquente.
Le récit nous emporte donc, le ton franc de Cheryl et ses anecdotes nous la rendent proche et sympathique, et la construction du roman, alternant son quotidien rude le long du PCT, et les épisodes du passé qui resurgissent peu à peu et contribuent à nous donner d'elle un portrait de plus en plus complet, fonctionne très bien, maintenant l'intérêt du lecteur.
Il n'y paraît pas, mais cela n'a rien d'évident : après quelques dizaines de pages, les journées peuvent se ressembler, les difficultés aussi, si bien que certains lecteurs pourraient être lassés. Les passages dédiés à l'histoire de Cheryl injectent donc du dynamisme, de la profondeur, et tranchent de par les émotions qu'ils véhiculent, avec le traitement factuel de la randonnée.
J'ai donc été séduite par Wild, qui constitue à mes yeux un récit intéressant sur le deuil et son dépassement, au-delà de ce qu'il dit bien sûr de l'un des trails les plus ardus au monde.
Pour vous si...
- Vous avez aimé l'Appalachian Trail de Bryson, et n'êtes pas contre une version plus sérieuse sur le Pacific Crest Trail
- Un bon roman ne peut pas se passer, à vos yeux, d'un serpent à sonnette (ou même de plusieurs)
Morceaux choisis
"Une terre que je ne connaissais pas mais qui avait toujours existé, et où le chagrin, la confusion, la peur et l'espoir avaient fini par me conduire. Une terre où je comptais devenir la femme que je voulais être, et retrouver la petite fille que j'avais été. Une bande de terre de soixante centimètres de large sur quatre mille deux cent quatre-vingts kilomètres de long."
"Il ne m'était jamais venu l'esprit que ma mère puisse mourir. Jusqu'à sa mort, cette idée était restée inconcevable. Ma mère était un monolithe incontournable, le gardien de mes jours. Elle vieillirait et continuerait à travailler dans son jardin."
"Ce matin-là, quand je me suis éloignée de la source avec mes dix kilos d'eau fraîchement puisée, j'ai réalisé que d'une manière étrange, abstraite et rétrospective, je m'amusais. Malgré la torture que j'endurais, je remarquais par moments la beauté du paysage, je m'émerveillais des petites choses comme des grandes : la couleur d'une fleur du désert au bord du chemin, l'immense étendue du ciel où le soleil descendait derrière les montagnes."
"Pour moi, la solitude avait toujours été un lieu plus qu'un sentiment, une petite pièce dans laquelle je pouvais me réfugier pour être moi-même."
"Peut-être qu'en effet j'étais la personne la plus seule au monde. Mais peut-être que c'était bien."
Note finale3/5(très cool)