Marguerite est enfermée dans une vie où elle se sent décalée. Décalée par rapport à sa mère, d'abord, qui passe d'un homme à un autre et ne manque jamais une occasion de manifester sa déception face à la fadeur de sa fille. Par rapport à ses amies, dont la vie sentimentale et sexuelle est trépidante, et qui n'entendent pas le manque d'intérêt de Marguerite pour la chose. Et, enfin, par rapport à Jonas, son conjoint, le futur père de ses enfants, qui travaille à la réalisation d'un jeu vidéo, et passe son temps à dénigrer Marguerite et ses pauvres connaissances politiques, et à montrer son sexe sur le site KaMaSturba sans qu'elle n'en sache rien.
Un jour, pourtant, la chance semble sourire à Marguerite, lorsqu'elle est choisie pour écrire les mémoires d'un ancien Président de la République.
C'est avec tristesse que je dois reconnaître que Marguerite n'aime pas ses fesses ne m'a pas convaincue.
Certains éléments étaient cependant prometteurs : le ton très actuel, l'écriture vive, coulante, le topo de départ aussi, sans doute.
Malheureusement, dans l'intention certainement de dénoncer des travers modernes, la peinture verse vite dans la caricature : Marguerite est invraisemblable de niaiserie et de pruderie, sa mère et ses amies sont d'un vulgaire assommant, et Jonas est un inexorable trou-du-cul, qui n'inspire ni compassion ni compréhension.
Finalement, c'est encore le personnage de Delaroche qui est le plus crédible, alors qu'il ressemble avant tout à un vieux bonhomme étonnamment lubrique et actif.
Par ailleurs, la deuxième partie du roman, qui voit l'action s'enclencher notamment grâce à l'introduction du personnage de Jacek, loin de donner de l'élan, force le récit dans l'improbable, et me l'a rendu dès lors loufoque à l'extrême, au point de perdre tout intérêt pour l'intrigue. Il s'agit à mon sens d'un exemple typique de roman qui veut se déployer sous la forme d'un thriller, jouant avec les ingrédients que l'on retrouve habituellement dans ce genre de livres, alors que le contexte ne s'y prête pas.
En bref, la sauce ne prend pas, les caractères exagérés et l'accélération de l'action jouent contre le roman, qui intègre néanmoins des sujets intéressants et des points de vue qui auraient gagnés à être véhiculés autrement que de cette façon.
- Vous êtes enthousiasmé par les récits incongrus, et n'êtes pas, comme votre chère serviteuse, une ayatollah du réalisme.
"Mais les hommes ont besoin de chair, mademoiselle. Les hommes sont allumés par un beau fessier, un cou gracile, une poitrine épaisse. On ne peut pas aller là-contre, c'est génétique. Avant, ils avaient des maîtresses, allaient au claque ; tout le monde s'en accommodait peu ou proue. Aujourd'hui, les femmes, dans un souci d'égaliser l'inégalitaire, ne le leur permettent plus." (Le dialogue enchaîne sur les besoins sexuels irrépressibles et démesurés des hommes par rapport à ceux des femmes. Clairement, ce personnage d'ex-Président n'a pas rencontré certaines de mes amies.)
"Heureusement, Jonas n'a jamais lu son blog. Elle y traque la facilité et la désinvolture, les récits sans imagination, les auteurs qui laissent croire qu'il suffit de faire vibrer la corde sensible pour élaborer un bon roman. Elle oppose ce qui transporte, embarque, ce qui donne et partage à ce qui endort et lénifie."
"Il faut avoir une vie en forme de proue. Je disais cela, jadis. Une vie en forme de proue, mon petit, vous comprenez? Oui, c'est phallique, la proue, sans doute. A l'opposé de la poupe. De la croupe. [...] La proue qui cesse de fendre fièrement les flots. Le mot panache avait encore un sens, vous comprenez? La beauté du geste."