Tandis que je me dénude, Jessica L. Nelson

Par Sara

Un roman de la rentrée littéraire 2015, avec, de nouveau, un titre aguicheur, qui laissait ouvertes les perspectives les plus folles...


Je me suis laissée porter par le roman de Jessica L. Nelson, sentant poindre et grandir le malaise, jusqu'à ce qu'il éclate. L'effet d'annonce renforce ce sentiment que l'on peine d'abord à nommer, inspiré par la fragilité sensible de la protagoniste.

C'est sans doute là que réside l'art de l'auteur : nous donner à voir une figure mal assurée, qui porte en elle des envies divergentes, qui est là tout en désirant ardemment être ailleurs, et qui se révèle peu à peu plus profonde que l'image qu'elle donne à voir au premier abord, relativement lisse.

Entrecoupant le monologue, les autres personnages prennent la parole, y compris certains qui n'ont vocation qu'à être relayés au second plan, et qui pourtant, l'espace d'un instant, occupent le devant de la scène. Ainsi l'acteur, si désireux de briller encore, ainsi la jeune fille qui voudrait tant trouver une place et toise la jeune auteur engoncée dans son siège et de toute évidence désorientée.

La langue est un bel atout du roman, qui regorge de passages invitant à la réflexion, au recul, à la hauteur.

La chute, pour finir, ou plutôt, les toutes dernières pages, sont fantasmagoriques, décalées, audacieuses, elles sont l'explosion à laquelle a mené l'anxiété de la protagoniste, alimentée par ce huis clos étouffant, par les réactions vives et dédaigneuses des uns et des autres, par leur présence qui la prive de parole, et par la menace constituée par le homard, dont l'identité se devine.

Une lecture intrigante et téméraire!


"Depuis l'enfance, j'ai voulu partir. Paris est le seul endroit où je me suis sentie à ma place lorsque j'ai déserté la périphérie pour étudier au centre. [...]
Ce n'est pas qu'une histoire de classe sociale ou d'environnement. Je voulais grandir sans murs gris à pousser, vaine lutte. L'étroitesse et l'inconfort du passé doivent n'être qu'un mauvais souvenir : c'est cela, l'origine d'une migration."

"Il y a au fond d'elle un gouffre, conjugué à une folie qui ne se remarque que lorsque l'on prend la peine de craqueler le vernis circonstancié. Quand on est attentionné."

"Obéir : une thématique qui me passionne. A quel moment n'est-on plus soumis? A quel moment est-on maître de soi?"

"Peut-être que j'écrirai un livre pas trop nul sur cette dépossession de soi, sur nos fragilités et leurs mises en danger permanentes, sur l'envie d'ôter le maquillage et le costume pour libérer ce que l'on est, avec les bons et les mauvais côtés, les erreurs et les faiblesses.
Peut-être que j'oserai écrire que celui qui se présente nu à le droit au bonheur."

"Il faut gambader, être le plus léger possible, car elle vient de poser le pied sur une mine antipersonnel. Le risque d'explosion est permanent. Tout se disloque à l'intérieur. Les pans de sa vie, de son être, de ce qu'elle a cru stable, s'effondrent en un centre, son cœur. Tout explose en silence."

"Est-ce notre vanité ou nos écrans qui nous pourrissent?"