Joséphine Baker (Catel – José-Louis Bocquet – Editions Casterman)
Une brique de plus de 500 pages! « Joséphine Baker », le nouveau livre de Catel et Bocquet, prend de la place dans les bibliothèques. Mais à la lecture, on comprend vite qu’il faut bel et bien toutes ces pages pour raconter la vie incroyable de la première star noire mondiale. Bien sûr, l’image de Joséphine Baker qui est passée à la postérité est celle de cette jeune femme afro-américaine dansant sur scène quasiment nue, vêtue d’une simple ceinture de bananes. C’est comme ça que la star de la « Revue nègre » est devenue la coqueluche du Paris des Années Folles. C’est comme ça aussi qu’elle est représentée sur la couverture de la BD de Catel et Bocquet. Normal: on n’échappe pas à sa légende. Cela dit, cette couverture ne reflète pas vraiment le contenu de cette biographie dessinée. Car on découvre que Joséphine Baker a vécu 1000 vies entre sa naissance dans le Missouri en 1906 et sa mort à Paris en 1975. Son parcours est tellement extraordinaire qu’on a du mal à croire que c’est la même personne qui a vécu tout ça. Jugez plutôt: Joséphine Baker a connu le pauvreté et les lynchages de Noirs pendant son enfance à Saint-Louis, s’est mariée pour la première fois à 13 ans, a fasciné de grands hommes comme Picasso, Cocteau, Le Corbusier ou Simenon, a triomphé sur les scènes du monde entier (en faisant souvent scandale), s’est engagée dans la résistance pendant la guerre 40-45, a été consacrée Compagnon de la Libération par le général de Gaulle, a adopté 12 orphelins de nationalités différentes qu’elle a élevés dans son Château des Milandes, a lutté pour l’émancipation des Noirs aux côtés de Martin Luther King, a été sauvée de la ruine par Brigitte Bardot et Grace Kelly… ça, c’est ce qu’on appelle une vie bien remplie!
Catel Muller et José-Louis Bocquet avaient déjà à leur actif deux biographies de femmes très réussies, l’une consacrée à Kiki de Montparnasse (sortie en 2007), l’autre à Olympe de Gouges (en 2012). Avec « Joséphine Baker », ils s’intéressent une nouvelle fois au parcours d’une femme libre, dotée qui plus est d’un caractère bien trempé et surtout d’une formidable énergie. Ce qui est fascinant dans le livre de Catel et Bocquet, ce sont les multiples facettes de cette femme hors-norme, qui s’avère à la fois facétieuse, séductrice, colérique et idéaliste. Joséphine Baker est un magnifique exemple de résilience: bien qu’elle ait connu énormément de coups durs dans sa vie, en particulier dans son propre pays où on lui a fait payer au prix cher sa lutte contre le racisme contre les Noirs et ses sympathies communistes, Joséphine Baker ne s’est jamais départie de son optimisme et sa joie de vivre. Elle est d’ailleurs quasiment morte en chantant et en dansant, puisqu’elle est décédée seulement quelques heures après avoir réussi un retour triomphal sur la scène de Bobino, à Paris, en 1975. Pour écrire cette BD, José-Louis Bocquet a pu compter sur l’aide de Jean-Claude Bouillon-Baker, l’un des fils adoptifs de la chanteuse. A eux deux, ils ont rassemblé une documentation impressionnante, que l’on retrouve d’ailleurs dans les 100 pages de chronologie et de portraits qui figurent à la fin du livre. Mais au-delà de cet aspect presque encyclopédique, ce sont surtout les magnifiques dessins en noir et blanc de Catel qui transforment cette biographie dessinée en une véritable réussite. C’est grâce à ces dessins particulièrement vivants que l’on ne s’ennuie pas une seconde en lisant ce livre… et que l’on se prend d’une véritable affection pour l’infatigable Joséphine Baker!