La force des mots
L’histoire :
Magyd Cherfi est connu comme le chanteur/parolier du groupe Zebda. Mais c’est aussi un auteur qui aime les mots et les belles phrases. Dans ce roman on le retrouve à 18 ans dans sa cité à essayer de savoir qui il est : beur, français ou les deux.
C’est l’année du baccalauréat pour Magyd, petit Beur de la rue Raphaël, quartiers nord de Toulouse. Une formalité pour les Français, un événement sismique pour l’“indigène”. Pensez donc, le premier bac arabe de la cité. Le bout d’un tunnel, l’apogée d’un long bras de fer avec la fatalité, sous l’incessante pression énamourée de la toute-puissante mère et les quolibets goguenards de la bande. Parce qu’il ne fait pas bon passer pour un “intello” après l’école, dans la périphérie du “vivre ensemble” – Magyd et ses inséparables, Samir le militant et Momo l’artiste de la tchatche, en font l’expérience au quotidien.
Entre soutien scolaire aux plus jeunes et soutien moral aux filles cadenassées, une génération joue les grands frères et les ambassadeurs entre familles et société, tout en se cherchant des perspectives d’avenir exaltantes.
Editeur :Editions Actes Sud – 272 pages | Sortie : 08/2016
L’auteur :
Sous l’influence combinée et revendiquée des Clash, de Madame Bovary et de Jean-Paul Sartre, Magyd Cherfi a été le parolier du groupe toulousain Zebda avant de se lancer dans la chanson en solo (Cité des étoiles, 2004 ; Pas en vivant avec son chien, 2007). Il a publié un premier recueil de récits, Livret de famille, en 2004 et La Trempe en 2007 rassemblés en un Babel (n°1082) en 2011.
Mon avis :
Je remercie la librairie Lulu qui m’a généreusement offert ce livre. De l’auteur je ne connaissais que quelques chansons, dont la fameuse « Tomber la chemise ». Et bien j’ai été bluffé. Bluffé de lire combien Magyd aime les mots, les beaux mots et la langue française.
Dans ce livre on découvre sa vie dans la cité, la façon dont la France est perçue par ses habitants et comment eux se sentent perçue par elle. Pas facile de trouver sa place en tout cas, surtout lorsque l’on aime étudier.
J’ai découvert que lire un livre pouvait attirer bien des ennuis sur les bancs des cités, d’ailleurs Magyd devient ce bouc émissaire, ce « traite » qui renie ses racines pour devenir français. J’ai été choqué de lire ce sentiment « anti-français » tel que le décrit l’auteur. Heureusement Magyd sait le conter avec une note d’humour.
Magyd a 18 ans et il va devenir le premier bachelier de la cité. Fierté pour les uns – dont maman Cherfi – traître pour d’autres avant de gagner le respect. Magyd et ses amis ne se posent pas en donneurs de leçons. Au contraire ils proposent une aide au soutien scolaire ou pour remplir des documents administratifs.
Ils partagent une passion commune, les lettres : romans ou théâtre qu’importe du moment que les mots les emportent. Avec les mots ils s’offrent une parenthèse dans leur quotidien. Ils oublient leurs origines, leurs culture et ne sont plus que de simples citoyens, de simples élèves.
Mais ce n’est pas simple d’exister dans cette société où personne ne fait l’effort d’accepter l’autre.
Dans ce livre j’ai surtout aimé la volonté de Magyd à faire ce qu’il aime, quitte à prendre des raclées. On lui reproche d’être trop français et d’un autre côté les « beurs » c’est pas fait pour le bac. J’ai été surpris de la peur qui s’était emparée de la cité lorsque Mitterrand est arrivé au pouvoir.
Je préfère retenir aussi ses allusions, comiques, à la découverte du sexe opposé. Là il donne toute la mesure de son talent à jouer avec les mots et les styles tel le poète charmeur qu’il se veut être.
Le style
Généreux, simple et drôle. 3 mots pour le définir, et vous donner envie de vous enrichir de cette lecture. Si par moments le lecteur semble faire du sur-place, l’auteur sait se montrer attachant et nous fait plonger, avec tendresse, dans son univers.
Mon petit point positif :
Le roman fait partie de la liste des seize écrivains retenus pour le prix Goncourt, qui sera remis le 3 novembre 2016.