(Relecture) Le Livre des Étoiles, d’Érik L’Homme (2001-2003)

Par Lupiot

Cette fois, je vous embarque dans une histoire d'Érik L'Homme, qui a eu un sacré succès par le passé avec cette trilogie : Le Livre des Étoiles. Ça risque de rappeler des souvenirs à certains d'entre vous ;)

Un peu comme pour les relectures de Harry Potter (lien en fin d'article), l'idée ici est de replonger dans une pépite de notre enfance et d'en faire une lecture critique avec un regard d'adulte. Entre émerveillement et déception, c'est une expérience assez excitante et bizarre. Alors, Le Livre des Étoiles, verdict ?

Pour vous (re)plonger en douceur dans l'univers de cette trilogie : nous suivrons les aventures de Guillemot à partir d'un moment marquant de son existence, dans un monde pas si éloigné du nôtre où l'on aime manger des tartines beurre salé-nutella : le Pays d'Ys. Ys, c'est le bout de Bretagne qui, suite à une terrible tempête, s'est détaché (ici s'arrête le folklore celtique) pour se retrouver dans une réalité entre le monde Certain (le nôtre) et le monde Incertain, peuplé de créatures fantastiques.

Côté + :

    La magie ! L'auteur nous a pondu un système fort sympathique aux confluents de diverses origines. On a les courants telluriques, l'idée que toute chose est reliée dans une toile cosmique, et des sorciers qui manipulent un genre de rune : les graphèmes. (Rien que pour ce concept, il mélange runes nordiques et constellations occidentales.) Et le gros avantage, c'est que comme Guillemot est un apprenti, et qu'on suit ses aventures, on apprend tout avec lui... J'aime également énormément l'idée que l'apprentissage ne soit pas simplement focalisé sur la magie : il faut apprendre (entre autres) les différents vents, le nom des plantes, et bien sûr, connaître les constellations !
  • C'est un début d'aventure au bon goût de beurre salé, dans laquelle on se sent bien, à lire ou à relire, comme si l'auteur nous invitait à enfiler des chaussons fourrés. L'histoire se passe dans un monde assez proche du nôtre pour nous sembler familierau premier regard, et assez différent pour ne pas nous surprendre lorsqu'on croise un chevalier en armure turquoise. En somme, une très jolie façon de découvrir la fantasy, notamment si l'on a un goût prononcé pour les légendes bretonnes.
  • On a gardé ce qui faisait le meilleur de l'être humain (avant le smartphone, donc) et on a remis les chevaux (les voitures, ça pollue, c'est mal). Les chevaliers et les sorciers quant à eux n'ont jamais quitté les lieux.
  • Beaucoup de peps, une certaine originalité, en somme : un univers attrayant, qui mêle magie quotidienne et menaces issues de l'imaginaire, en faisant des korrigans les premiers monstres à combattre, par exemple...
  • Un final plutôt élaboré, avec beaucoup de tension, de la ressource, et du suspense !
  • Un héros bien dessiné et des initiatives à saluer : Guillemot, le héros, est un garçon très simple, ce qui le rend d'une part abordable, d'autre part, on peut facilement s'y identifier. Il est assez moyen à l'école, il n'est pas le plus beau, ni le plus populaire. Il n'a pas de destin prévu, ni même de passion extraordinaire, en dehors d'une certaine fascination pour les chevaliers. Mieux (pire ?) que ça, il se fait harceler à l'école par... une fille !

Côté - :

  • Des facilités narratives. À mon avis, Guillemot accepte trop vite cet enseignement qui fait basculer sa vie (et le tuteur qui va avec). On suit son indécision qui dure... une page.
  • Des personnages un rien clichés.
  1. Qadehar le sorcier arrive dans la vie de Guillemot d'une façon que je juge particulièrement agaçante, avec ce côté paternaliste qu'un inconnu ne peut se permettre d'avoir : du " Mon garçon " par ici, du " Petit " par-là... Qadehar ne l'appelle jamais par son prénom !

    Quadehar est décrit comme un guerrier magique sans pitié, ayant rempli avec succès de nombreuses missions dans le Monde Incertain, toutes plus dangereuses les unes que les autres, toujours sur la brèche, prêt à protéger Ys, toussa toussa. Il est respecté parmi ses semblables et craint par chaque personne ou ennemi qui a croisé sa route.
    #badass
    Et nous, on le voit, là tranquille, avec sa bonne bouille du tonton sympa aux beaux yeux bleus, pas sévère pour deux sous, ça rouspète gentiment, il parait très pédagogue, très affectueux (genre " Tu seras le fils que je n'ai jamais eu... je te protège et je suis sympa avec toi, tavu. ") La gueule du super mage guerrier, franchement ! Il aurait eu bien plus de crédit à mes yeux s'il avait été introduit comme un " Sorcier lambda " moins prestigieux.On peut prendre pour comparaison la relation d'Ellana et son maître dans la trilogie éponyme. Leur relation n'a rien de simple, ils ne sont pas toujours d'accord, et quand ça pète, ils ne font pas semblant ! Le lien entre Guillemot et Qadehar manque un peu de piquant et de caractère.
    En plus, il a un surnom parfaitement ridicule. Non mais franchement, " Azdhar le Démon " obsessionnel de son Apprenti, troublé par la bise d'une enfant... y a de quoi rire, non ? (Lupiot : AHEM. Oui.)

  2. (Lupiot) Les amis de Guillemot : entre le BG costaud (futur écuyer), le rêveur fragile (musicien) et les deux filles, l'une garçon manqué et aventurière et l'autre franchement superficielle, c'est assez bidimensionnel, et on peine à faire vivre la dynamique Club des 5 à laquelle l'auteur semble tenir. (Personnellement je me serais bien passée de tout ce monde qui, la plupart du temps, ne sert à rien. On garde Ambre qui est cool et puis voilà.)

    (La Bouquineuse, qui reprend les rênes après avoir chassé Lupiot qui s'inscruste comme une malpropre) En parlant de ça :
  3. Le sexisme qui pique.
    La place des femmes dans ce monde (certes médiéval mais bon : y a des jeans, des pots de Nutella, et des ordinateurs, donc...) craint carrément.
    1. Il y a un problème dans l'orientation d'Ambre et de Coralie : elle est gravement inconsistante. On parle tout de même de personnages principaux à qui il manque une facette importante, tandis que les autres ont déjà leur voie toute tracée, magicien, musicien et chevalier. (Lupiot : Cliché, certes, mais pourquoi auraient-ils, eux, une orientation professionnelle, et pas les filles ? *Tu sais pourquoi*)
    2. Pas une seule femme parmi les chevaliers ou les sorciers. Franchement, ça coûtait quoi d'écrire quelques noms féminins ?
  4. Un univers qui, s'il est délicieusement fantaisiste et invite à la rêverie, manque parfois de cohérence. Si au début on évoque un ordinateur portable, c'est à se demander à quoi il sert, puisqu'on n'entend pas parler d'internet, et que les amis s'écrivent (avec du papier), ou envoient des pigeons !

Bilan :

En vérité, Le Livre des Étoiles, c'est BIEN. Si je suis si critique (et Lupiot aussi), c'est que j'en garde un souvenir enfantin magique et que, honnêtement, il ne tient pas très bien la relecture*.

C'est pas si terrible, rassurez-vous, c'est juste qu'au fil de vos lectures, sans le vouloir, vous devenez plus critique, vous remarquez plus de détails, et vous avez besoin de plus de consistance...

(Instant racontage de vie) À un moment, j'ai aidé un jeune en difficulté à comprendre le système scolaire, avec ma vision des choses (j'étais étudiante). De fil en aiguille, on en est venus à parler lecture : lui qui n'aimait pas lire a été surpris que je ne connaisse pas les Dix petit nègres dont il venait de terminer l'étude. Il me l'a fourré dans les mains en m'assurant que c'était génial. Et il avait raison, l'estampille " classique " me l'avait fait fuir jusque-là. Et, en échange, je lui ai fait découvrir le premier tome du Livre des Étoiles. On s'est perdus de vue juste après. J'ai gardé son livre... et je ne regrette absolument pas de lui avoir laissé le mien.

C'est une trilogie qui manque de qualités littéraires et pêche par plusieurs petits problèmes. Il n'empêche qu'elle est idéale pour découvrir la fantasy, et géniale pour les jeunes lecteurs, qui auront plaisir à s'approprier cet univers.

Vous voulez relire les merveilles de votre enfance ? Faîtes-le, c'est génial. (Si si ! On est rarement totalement déçu, et souvent plutôt ému.) N'hésitez pas à partager votre expérience.

Et surtout, bonne lecture ;)

La Bouquineuse

* Il supporte beaucoup moins la relecture que Harry Potter, saga sur laquelle nous nous prêtons au même exercice sur le blog :
Relecture Harry Potter 1 : L'école des sorciers
Relecture Harry Potter 2 : La chambre des secrets
Relecture Harry Potter 3 : Le prisonnier d'Azkaban