Rêver, Franck Thilliez

Le polar de la sélection de septembre du Grand Prix des Lectrices est signé Franck Thilliez, un maître du policier français. J'ai lu, il y a quelques années, Le Syndrome E, et sais que Thilliez est très apprécié des amateurs de polars. Voici donc mon opinion sur son petit dernier. 
Rêver, Franck Thilliez
Le synopsis
Abigaël est psychologue et intervient en tant que telle dans le cadre d'enquêtes criminelles. Elle a perdu son père et sa fille dans un tragique accident de la route auquel elle a miraculeusement survécu. Cependant, plusieurs mois plus tard, alors qu'elle enquête sur des enlèvements d'enfants, de nouveaux éléments la font questionner l'accident, et sa propre condition. Car Abigaël souffre de sérieux troubles du sommeil, et peine à distinguer le rêve de la réalité, les deux se mêlant au point que le rêve lui apporte souvent la clef des énigmes qui se posent à elle...
Mon avis
Rêver porte la marque de fabrique de Franck Thilliez : c'est un thriller à la mécanique précise et implacable.
Cela étant dit, il est aussi, à mon sens, l'illustration parfaite que la mécanique ne suffit pas à écrire un roman réussi.
D'abord, il faut préciser que la construction est complexe : l'auteur en a conscience, et fait son possible pour faciliter la compréhension en insérant une "ligne temporelle" en début de chaque chapitre, permettant de localiser les faits relatés.
Les allers et retours entre les différentes périodes permettent peu à peu de se représenter l'image globale, mais favorisent également l'incompréhension. Le roman est un puzzle qui voudrait voir les pièces s'emboîter au fil des pages, et c'est ce qui se passe. A la toute fin, l'auteur propose même de se connecter en ligne pour accéder au chapitre 57 à l'aide d'un code mentionné dans le livre, afin de détenir toutes les clefs du mystère. Malheureusement, à cette étape, mon intérêt s'était complètement délité, au point qu'il ne me restait pas une once de curiosité pour suivre les instructions.
Par ailleurs, et c'est, à mon sens, le grand défaut de ce roman, les personnages ont été négligés au profit de la mécanique. Abigaël nous est présentée d'entrée de jeu, mais ces présentations sont trop rapides, si bien qu'il est difficile d'éprouver véritablement pour elle de l'empathie tout au long des 600 pages du roman. Sa psychologie est assez peu explorée, on ne sait d'elle que la perte qu'elle a subie, et les rêves dont elle est la proie. En fin de compte, elle apparaît comme la marionnette, la poupée que l'auteur manipule pour mener à bien son intrigue, et les risques qu'elle encourt ne nous angoissent pas, car nous ne nous sentons pas concernés.
Enfin, et en dépit de la construction du livre, le suspense ne tient pas, plusieurs énigmes peuvent facilement être élucidées avant la fin, ce qui est bien dommage : l'effet de surprise est censé être, à mes yeux, le principal ressort de ce type de romans.
Une déception donc, l'auteur ayant, je crois, habitué ses lecteurs à des œuvres plus fouillées, paradoxalement plus abordables aussi, et plus "humaines".
Pour vous si...
  • Vous êtes un inconditionnel de Thilliez. Si ce n'est pas le cas, passez votre chemin, ce n'est pas son meilleur. 

Morceaux choisis
"Elle était rentrée dans le Nord comme un marin qui revient d'une campagne de pêche : usée, amaigrie, à bout de nerfs."
"Tu sais, ce môme, j'ai...j'ai appris à le connaître pendant ces longs mois, j'ai écouté les chanteurs qu'il aime et je pourrais te citer la discographie complète de Maître Gims." (Hum. Est-ce que ça vaut vraiment la peine de le sauver, celui-là?...)
"_Es-tu bien certaine? demanda-t-elle à son propre reflet.
_Oui, je le suis. Vas-y. Envoie la purée."
(En dépit de ce que vous pourriez croire, la protagoniste va s'écraser le bout d'une cigarette sur la cuisse. Comme quoi, tout est une question de contexte. Dommage, d'ailleurs. Mon intérêt aurait sans doute été ravivé, s'il s'était agi d'autre chose.)
Note finale1/5(flop)