De profundis, Emmanuelle Pirotte

Après l'éclat de son premier roman paru l'an dernier, Today we live, Emmanuelle Pirotte revient avec une nouvelle oeuvre, De profundis.
Vous comprenez bien que je n'aurais manqué cela pour rien au monde!
De profundis, Emmanuelle Pirotte
Le synopsis
Dans un futur proche, l'Europe est envahie par l'épidémie Ebola, et sombre peu à peu dans le chaos. Roxanne, comme nombre de ses pairs, profite du trafic de médicaments pour subsister. Lorsque son ex-mari meurt, elle récupère la charge de sa fille Stella, qu'elle n'a pas élevée et qu'elle ne connaît pas. Ensemble, elles fuient Bruxelles pour rejoindre une vieille demeure familiale en pleine campagne. Peu à peu, elles s'apprivoisent et apprennent à vivre loin de leurs automatismes et de leur environnement familier. Bientôt, elles sentent toutes deux une présence, comme si elles n'étaient pas seules à habiter la maison.
Mon avis
Le premier sentiment qui m'a étreint à la lecture de De profundis est la déception : j'ai cru retrouver les mêmes ingrédients que ceux qui m'avaient éblouie dans Today we live, cette fois-ci avec une impression de déjà-vu : un adulte et un enfant que leurs personnalités opposent, et que les contingences matérielles rapprochent.
Le cadre, cependant, a de quoi déconcerter : sur la base d'une dystopie, le lecteur se retrouve projeté dans la ville de Bruxelles, dans un futur indéterminé (le choix de Bruxelles étant, d'ores et déjà, exotique).
Roxanne est la première avec laquelle on fait connaissance, et, à l'instar du Matthias de Today we live, elle n'a guère de quoi plaire : junkie, suicidaire, rien n'est fait pour nous la rendre sympathique. C'est d'ailleurs là aussi son intérêt : elle est sans fard, et ne se dissimule pas.
Stella, sa fille, présente elle aussi beaucoup de similitudes avec Renée, la petite fille juive du premier roman de l'auteur, qui ne ressemblait pas aux autres enfants. Stella est différente, solitaire, elle ne parle pas ou peu, et pressent en revanche beaucoup de choses.
La grande différence, qui s'affirme au fil du roman au point de lui donner une portée d'abord indistincte, réside dans le personnage de Saint-Fontaine, cette âme errante qui occupe la demeure familiale et se lie avec Roxanne.
Cette dimension du récit m'a d'abord décontenancée, toutefois, l'envergure qu'elle prend par la suite rend le roman très singulier.
Mon sentiment final est donc mitigé, emporté par les dernières pages qui contiennent une matière précieuse, brute et pure, succédant à des développements auxquels j'étais restée relativement hermétique. L'auteur est à suivre!
Pour vous si...
  • Vous vous intéressez aux récits dystopiques
  • Egalement, vous déplorez que ces récits-là ne parlent pas davantage de la Belgique. On devrait toujours parler de la Belgique. 

Morceaux choisis
"N'avait-il pas, ce penseur, établi que ce qui fait l'être humain, c'est son esprit, et que l'esprit, pour être, n'a besoin d'aucun lieu, d'aucune substance matérielle?"
"Stella comprenait que la solitude est source d'une souffrance si intense que cela mène parfois les gens à commettre les pires choses, envers autrui, et envers eux-mêmes."
"Sa mère est si bizarre que la perspective de mourir pourrait lui donner un surplus de beauté et d'énergie."
"L'avenir. C'était un mot qui sonnait creux, un peu vide de sens. Mais elle voulait grandir, aimer, vieillir. Même dans un monde en déroute. Même si me ciel restait noir pour toujours et que les oiseaux en tombaient raides morts, comme elle en rêvait parfois."
"Un corps n'est pas que la demeure interchangeable de l'âme. Un contenant dénué de mémoire. L'âme n'est pas d'une nature radicalement étrangère à celle de la matière où elle s'incarne."
"Il y eut encore quelques mots prononcés par une voix grave qui lui avait été familière, un battement de cœur, et ce fut tout". (#tribute to Flaubert)
Note finale3/5(cool)