Résumé :
« L’art a une tendance naturelle à privilégier l’extraordinaire. » Amélie Nothomb
Mon avis :
Le jour où j’ai lu Hygiène de l’assassin, d’Amélie Nothomb, j’ai immédiatement compris que son style me plaisait. Plus que sa plume, c’est sa façon d’être qui me plait. Je la trouve réellement fascinante! C’est pourquoi dès que je le peux, je découvre un autre de ses livres. D’habitude, j’attends que maddiesbookcase en lise un, puis qu’elle me le passe ;) Mais je ne sais pas pourquoi, cette année je me suis sentie obligée d’acheter Riquet à la houppe dès qu’il est sorti en librairie. La couverture me captivait, l’unique phrase en guise de résumé également. C’est donc toute excitée que je me suis lancée dans lecture, et comme toujours, je n’ai vraiment pas été déçue. Je me répète sûrement d’un article sur l’autre mais… bon dieu, Amélie Nothomb est un pur génie de l’écriture.
Dans cette revisite du conte Riquet à la houppe de Charles Perrault, Amélie Nothomb nous emmène a la rencontre de deux personnages dont les noms reflètent la singularité. Commençons avec Déodat, le fils d’Honorat et d’Enide. C’est un enfant très intelligent, capable de dire des phrases entières à un âge où n’attend rien de plus qu’un « papa » ou un « maman ». Il sait lire et écrire et semble être même plus intelligent que la plupart des adultes. Cependant, ses parents redoutent grandement son entrée en CP pour une raison assez particulière… il est très laid. Le genre de laideur devant laquelle on ne peut réprimer une grimace de dégoût, le genre de laideur qui repousse les gens. Comme on s’en doute, Honorat et Enide avait raison sur le destin qui attendait leur enfant à l’école. Mais ils ne pensaient pas que cette solitude forcée développerait en Déodat un amour passionné pour les oiseaux…
Passons maintenant à Trémière, la fille de Rose et de Lierre. Elle est en fait aux antipodes de Déodat. C’est une jeune fille divinement belle mais très simple d’esprit. Cela désole ses parents à un tel point qu’ils décident de l’envoyer chez sa grand-mère, Passerose. Un amour fusionnel va naître entre cette vieille femme élégante et cette enfant. Tout comme Déodat, la jeune Trémière est sujette aux moqueries de ses camarades. Car, si la laideur repousse, la beauté est jalousée et la jeune fille connaîtra elle aussi la solitude des cours de récréation.
Si au départ on n’imagine pas une seule seconde que Déodat et Trémière puisse avoir quelque chose en commun, on se rend compte au fil des pages que leur existence est en fait intimement liée. A votre avis, quel serait le résultat d’une rencontre entre ses deux êtres que tout oppose ?
– Enfin, docteur, il est horrible.
– Vous savez, personne n’ose le dire, mais les bébés sont presque toujours laids. Je vous assure que celui-ci me fait bonne impression.
Pour être honnête avec vous, je ne connaissais absolument pas ce conte de Perrault. Je n’en avais même jamais entendu parlé! C’est en regardant La Grande Librairie que j’en ai appris les grandes lignes. Si à première vue l’histoire semble simple, il n’en faut pas moins oublier la complexité des personnages ! Et je trouve qu’Amélie Nothomb s’en est vraiment bien sortie. Comme toujours dans ses livres, je me suis pris d’affection pour ces personnages dont le profil psychique est si bien développé. J’ai beaucoup aimé Déodat, surtout quand il parle des oiseaux. Lorsqu’il évoque sa passion avec les autres, on se laisse bercer par toutes ses connaissances et par tout l’enthousiasme qu’il met dans son discours. On oublie totalement qu’il n’est « pas comme les autres ». Quant à Trémière, j’ai vraiment été touchée par la relation qu’elle entretenait avec sa grand-mère mais aussi par le fait qu’elle subissait sa beauté. Elle est si belle que les gens s’imaginent qu’elle n’a aucune intelligence. Après tout, cela se saurait si on pouvait avoir le meilleur des deux mondes! En réalité, j’ai trouvé que ce personnage était doté de qualités tout aussi admirables que l’intelligence de Déodat. J’ai donc eu un très gros coup de coeur pour les deux protagonistes de ce livre.
En ce qui concerne l’histoire en elle-même, je ne m’attendais pas du tout à cela! Après avoir écouté le bref résumé de François Busnels dans son émission, je savais que Déodat et Trémière était amené à se rencontrer. Je pensais donc que cette fameuse rencontre se déroulerait peu après l’introduction des personnages et que nous allions suivre l’évolution de leur relation. Eh bien non! Le livre presque totalement divisé en deux. Ces deux personnages se rencontrent tardivement. En fait, on apprend un tas de chose sur chacun d’eux et on glisse lentement vers l’élément qui les amènera à se rencontrer. On les voit grandir, de l’enfance à l’adolescence, à l’âge adulte. Cela m’a vraiment gardée en haleine jusqu’à la toute dernière page. Je ne me suis pas ennuyée une seule fois et, comme toujours avec Amélie Nothomb, j’aurais bien aimé que ce livre dure encore une centaine de pages.
En équivalent langagier cela correspondait aux bigoudis des épouses d’autrefois : une fois mariée, la femme n’hésitait plus à s’exhiber devant son mari la tête couverte de petits rouleaux de plastique rose. Déodat appela ce phénomène le bigoudi verbal.
La plume de l’auteure est toujours aussi addictive. Je n’ai trouvé aucune fausse note, j’ai été captivée du début à la fin. Certains passages m’ont déclenchés de gros coups de coeur. Par exemple, après la naissance de Déodat, nous nous immisçons dans sa tête. Nous découvrons toutes les pensées qui peuplent son esprit d’enfant surdoué. J’ai trouvé cette partie vraiment fascinante et j’avais l’impression de voir ce que Déodat voyait, d’entendre ce qu’il entendait etc. C’est assez drôle puisque, étant très intelligent, il pense comme un adulte. Il se dit exactement ce que nous nous dirions si nous étions coincé dans la peau d’un bébé. En gros : pourquoi est-ce que ma mère me porte tout le temps ? Pourquoi elle me parle comme si je ne comprenais rien ? J’ai a-do-ré !
Ensuite, cela m’a surprise, mais j’ai beaucoup aimé toutes les fois où les oiseaux étaient mentionnés. Lors de son passage à La Grande Librairie, Amélie Nothomb avait tout un tas de choses sur les oiseaux et je me suis dit : c’est tellement vrai, mais en même temps il n’y a qu’elle pour penser à ces petites choses là ! Par exemple, elle avait dit que la langue française était jalouse des oiseaux. Pourquoi ? Eh bien parce qu’il suffit de regarder dans le dictionnaire pour s’apercevoir que le nom de plusieurs volatiles s’apparente à une insulte ! Il n’y a que dans notre langue que cela existe. Du coup, à chaque fois que la passion de Déodat était évoquée, j’étais vraiment intéressée. D’ailleurs, j’ai même découvert des choses sur la huppe fasciée et son histoire dans l’ancienne Egypte. Non seulement ce livre m’a fait passé un excellent moment de lecture, mais en plus il m’a fait apprendre des choses. Que demander de mieux ?
Enfin, j’ai trouvé très émouvant l’évocation du métier de Trémière. Sa relation avec sa grand-mère va bouleverser sa vie entière et elle lui rend un vibrant hommage lorsqu’elle fait son choix de carrière. C’était un très beau passage.
En bref, j’ai encore eu un coup de coeur pour un livre d’Amélie Nothomb. J’ai aimé les personnages, l’histoire en elle-même et le style d’écriture. J’ai passé un très bon moment de lecture. Je vous conseille ce livre si vous aimez Amélie Nothomb ou si tout simplement vous aimez les réécritures de conte !
Note : 20/20
L’enfant comprit qu’il fallait ménager son père autant que sa mère : cette espèce s’extasiait pour un rien.
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