L'histoire de Dark Horse

Cette année, l'éditeur Dark Horse fête ses 30 ans. Né avec l'idée de permettre aux auteurs de pouvoir exprimer leur créativité dans les meilleures conditions possibles, il a grandit et est devenu l'une des principales maisons d'éditions de comics. Frank Miller, Mike Mignola, Joss Whedon et bien d'autres ont publié leurs œuvres chez cet éditeur. Retour sur ces trente années bien chargées.

L'histoire de Dark Horse

Mike Richardson commence sa carrière à Portland, dans l'Oregon, comme artiste freelance pour un fabriquant de meubles. Il a pour intention d'ouvrir son agence d'artistes sous le nom de Dark Horse Graphics. En 1980, il quitte son boulot et Portland pour s'installer à Bend avec sa famille où il va ouvrir sa première boutique de comics Pegasus Fantasy Books. Il n'a pas de gros moyens financiers, il n'a d'ailleurs que pu investir 2500 dollars pour ouvrir sa librairie mais elle est très vite bien vue. Depuis, Pegasus Fantasy Books est devenu Things From Another World, ou TFAW pour les intimes, et surtout une chaînes de comicstores dont une à Los Angeles, en plein cœur du Citi Walk d'Universal Studios. En gros, Richardson est l'un de ses exemples du fameux rêve américain.

Si la chaîne de comicstores est née d'une simple boutique locale, cet accroissement d'activité n'est pas que du seul fait que Richardson était un libraire sympathique. Il est aussi le fondateur de Dark Horse, l'un des éditeurs les plus importants outre-Atlantique.

Un espace de liberté

Au début des années 80, Richardson reçoit régulièrement des auteurs de comics, scénaristes comme dessinateurs. Ceux-ci se plaignaient régulièrement du fait qu'ils ne détiennent pas les droits de leur création et qu'ils n'étaient pas complètement libres de ce qu'ils faisaient avec les personnages de leur série. En effet, chez Marvel et DC, tous les droits appartiennent aux éditeurs et pas au créateurs. Mais, à l'époque, le cas était encore plus généralisé. Il fallait lors passer par l'indépendance totale (comme Dave Sim, par exemple) pour être libre de jouir de ses créations.

Ainsi, Richardson a l'idée d'un éditeur qui permettrait de publier dans de bonnes conditions des créations originales dont les auteurs conserveraient leur propriété intellectuelle. C'est ainsi qu'avec le bénéfice de ses deux boutiques - il a ouvert une seconde dans l'état de Washington - il monte Dark Horse en 1986.

Ses deux premiers ouvrages sont Dark Horse Presents, une anthologie dans laquelle se trouve la création de Paul Chadwik, Concrete, un homme de pierre véritable héros d'histoires pro-écologistes et devenu la mascotte de l'éditeur. Boris the Bear, la création de James Dean Smith dont le premier épisode est co-écrit par Richardson et Randy Stradley, le co-créateur de Dark Horse devenu depuis Vice Président.

L'histoire de Dark Horse

Dark Horse laisse une liberté totale à ses auteurs présentant leurs publications comme un partenariat. Aussi, comme peu d'éditeurs de l'époque, le sceau du Comics Code Authority n'apparaît pas sur les couvertures s'assurant ainsi une totale liberté d'expression.

L'autre originalité est le passage obligatoire par Dark Horse Presents. L'anthologie est devenue un véritable succès populaire grâce à Concrete. Ainsi, Richardson demande aux auteurs intéressés de participer à l'aventure Dark Horse de créer une histoire courte qui sera d'abord publiée dans l'anthologie avant d'avoir un livre à son nom.

Ainsi, de 1986 à 1988, Dark Horse arrive à trouver d'autres auteurs et développe son catalogue avec 9 titres originaux dont The American, The Mark, Trekker et Black Cross.

D'autres créations originales s'en suivront. Dans les créations importantes, il y a The Mask, co-créé par Richardson avec Mark Badger, John Arcudi et Doug Mahnke.

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Dark Horse va aussi trouver des auteurs qui ont déjà sorti leurs propres créations sur d'autres éditeurs indépendants mais n'ont pas réussi à publier d'avantage. Ainsi, en 1991, Mike Baron et Stede Rude sortent de nouveaux épisodes de leur création dont les premiers épisodes étaient sortis dans les années 80 chez Capital Comics puis First Comics qui a publié la série (et une mini-série) depuis 1983.

L'éditeur va aussi récupérer en 1988 Flaming Carrot Comics de Bob Burden après la fermeture de Renegade Press, la maison d'édition indépendante créée par l'ex-femme de Dave Sim. Il s'agit d'une série parodique de super-héros.

Après le succès chez Thundra Comics, Mike Allred rejoint en 1994 Dark Horse afin de publier de nouvelles aventures de sa création Madman dans Dark Horse Presents puis dans la série régulière Madman Comics qui viendra renforcer le label Legend (dont je traite plus bas dans l'article).

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En 1997, Dark Horse arrive à faire venir le créateur Stan Sakai dans son catalogue afin de publier le troisième volume de sa création Usagi Yojimbo, un lapin samouraï. Le titre a été publié chez divers éditeurs indépendants dont Mirage Comics, maison d'édition des créateurs de Teenage Mutant Ninja Turtles. La série de Sakai propose maintenant plus de 140 numéros publiés chez Dark Horse sans compter ceux sortis précédemment.

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Dark Horse va également récupérer les licences de Gold Key Comics après que Valiant les aient revendues en 2010. Ainsi, il publiera les aventures originales de Magnus Robot Fighter, Turok, Doctor Solar et bien d'autres. Les licences sont parties depuis chez Dynamite Press.

Enfin, impossible de ne pas le citer, après 11 numéros publiés chez Image Comics, en 2006, Dark Horse annonce publier la suite de Fear Agent, la série de Rick Remender. L'éditeur offrira une collection de très jolies albums reliés rassemblant l'intégralité de la série.

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Le plus grand monde des comics

En 1990, Richardson monte une équipe afin de créer des petits univers partagés - à l'instar de ce qui se fait chez Marvel, DC et Valiant.

Après trois ans de gestation, le label prend forme. Il s'appelle Comic's Greastest World pour faire un pied nez à DC Comics dont le slogan était World's Greatest Comics. L'équipe, nommée Team CGW, est menée par Richardson, elle est composé de Randy Stradley nommé Directeur Créatif, de Barbara Kessel, de Chris Warner et de Jerry Prosser.

Pour présenter CGW, et comme par habitude chez Dark Horse, les premières aventures sont publiées dans l'anthologie de Dark Horse Presents dans trois numéros consécutifs présentant des aventures du héros X vivant sur la planète Arcadia. S'en suit alors 4 mini-séries de 4 épisodes chacun qui présentent les 4 univers partagés : Arcadia, Golden City, Steel Harbor et la ville du Névada à côté d'un vortex Cinnabar Flats. Chacun de ces mondes a son propre logo.

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Arcadia a certainement les héros les plus populaires comme X mais aussi Ghost et Captain Midnight.

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Golden City est situé en Californie a des personnages très "années 90" comme Rebel, Catalyst et Law dont la mini-série Agents of Law sera écrite par Keith Giffen.

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Steel Harbor est la création de Chris Warner qui s'inspire du monde du rock et du metal pour mettre en place son univers. Ainsi, nous y retrouvons Motorhead mais, surtout, Barb Wire qui est le seul personnage qui marquera les esprits.

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Cinnabar Flats est le "label" qui marchera le moins malgré le concept le plus reconnaissable. Cinnabar Flats est une sorte de Las Vegas avec un Vortex dévorant la ville. On notera principalement la série Division 13 par Keith Giffen qui ressemble à s'y méprendre à un pastiche de Fantastic Four mais en version post-apo.

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Comic's Greastest World s'arrêtera en 1996. Seule la série Ghost continuera au-delà. Depuis, certaines séries ont été relancées notamment Catalyst dans une maxi-série écrite par Joe Casey et dessinée par Dan McDaid, Paul Maybury et Ulises Farinas (et de superbes couvertures). Ghost et X ont bénéficié de nouvelles séries depuis 2012. Quant à Captain Midnight, il a le droit à une série régulière depuis 2013. Enfin, Barb Wire a eu le droit à une maxi-série de 2015 à 2016 écrite par Chris Warnet et dessinée par Pat Oliffe.

Le cinéma, c'est son dada

Avant d'être Vice Président de Dark Horse, Randy Stradley est un créateur de comics. Il a commencé à écrire professionnellement sur Star Wars en 1984 avec le numéro 86 de la série publiée alors par Marvel Comics.

En 1988, Stradley renoue avec le comic adapté d'une licence cinématographique. En effet, l'éditeur arrive à signer des contrats avec les studios hollywoodiens afin d'adapter en comics des licences connues du cinéma comme puis . En 1990, Stradley revient à ses premiers amours puisque Dark Horse récupère la licence Star Wars que Marvel a lâchée en 1986. La maison d'édition de Richardson et Stradley publiera les comics officiels de la saga de George Lucas jusqu'en décembre 2014. Par la même occasion, l'éditeur aura le droit de publier des aventures d'un autre héros de Lucasfilm, Indiana Jones.

C'est aussi en 1990 que Dark Horse se font rencontrer les deux bêtes de la Fox, le xénomorphe et la Yautja dans le premier volume de Aliens vs Predator par Stradley et Chris Warner au scénario et Phill Norwood aux dessins.

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Ces adaptations en comics des univers des films a connu un franc succès. D'autres héros de films vont rejoindre le catalogue de Dark Horse, des connus comme Robocop et Terminator qui viendront à s'affronter dans une histoire écrite par Frank Miller et dessinée par Walter Simonson ; James Bond viendra honorer le catalogue de sa présence avec 3 mini-séries publiées entre 1993 et 1995 ; mais aussi des licences moins connues comme The Thing From Another World, film de 1951 qui finira par donner le nouveau nom aux boutiques de Richardson.

Ainsi, Dark Horse va vraiment se spécialiser dans les adaptations de licences en comics mais avec une véritable gage de qualité. Cela va s'étendre avec les dessins animés comme The Last Airbender et Legend of Korra et le jeu vidéo comme Halo (dont ils ont récupéré la licence à Marvel) depuis 2013, Dragon Age et, surtout, Mass Effect dont les séries servent de complément non-négligeables aux jeux vidéo et leurs DLC.

En 2001, Dark Horse publie Fray, le premier comicbook écrit par Joss Whedon, le père de Buffy. La mini-série dessinée par Karl Moline est un spoin-off de la série télé qui se déroule dans le futur. Ce n'est que le début d'une grande histoire d'amour entre le scénariste et le label de Richardson puisqu'en 2007, soit 4 ans après l'arrêt de la série, Whedon lance la suite de Buffy contre les Vampires en comics avec la saison 8. Le titre a le droit à plusieurs spin-off sur Willow et Spike notamment mais aussi la série régulière Angel & Faith. Alors que la saison 10 de Buffy continue en comics, une onzième vient d'être annoncée. De la même manière, Dark Horse publie régulièrement des mini-séries basées sur la licence Firefly et notamment une mini-série qui fait suite au film Serenity. Il y a eu aussi des mini-séries basées sur la dernière création télévisuelle et originale de Joss Whedon, Dollhouse. Normalement, Whedon et Dark Horse devraient publier Twist, une création originale annoncée en 2015.

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En 1992, Dark Horse monte Dark Horse Entertainment, Inc., une société permettant de travailler avec les producteurs de cinéma et de télévision afin d'adapter les comics de l'éditeur. De ce partenariat privilégié naîtra The Mask, Time Cop le navet avec Jean-Claude Van Damne adapté d'un comicbook de Mike Richardson et Mark Verheiden, Barb Wire avec Pamela Anderson, Mystery Men adaptation très libre de Flamin' Carrot Comics, les films basés sur Hellboy, Sin City et R.I.P.D.. Mais aussi les dessins animés Big Guy and Rusty, The Mask et la série TV Time Cop. Entre autres, puisque DHE est déjà à une trentaine de productions différentes.

Les manga aux Etats-Unis

En 1987, Richardson étend son activité et va permettre aux lecteurs américains de découvrir des manga. Il va ainsi publier dans le sens occidental des BD japonaises qu'il va également traduire. Ainsi, il va amener aux Etats-Unis la licence Godzilla mais aussi des œuvres cultes comme Akira de Katsuhiro Otomo, Astro Boy de de Osamu Tezuka, Ghost in the Shell de Masamune Shirow, Oh My Goddess! de Kōsuke Fujishima, Neon Genesis Evengelion par Yoshiyuki Sadamoto (adapté du dessin animé de Gaynax) ou, encore, Lone Wolf and Cub de Kazuo Koike et Goseki Kojima.

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En 2011, Dark Horse signe un partenariat avec CLAMP, une association d'auteurs féminins de manga, à l'origine de Cardcaptor Sakura, Clover et X/1999.

Des comics de légende

Si vous connaissez Dark Horse, c'est surtout pour des comics créés par de véritables légendes des comics : Mike Mignola, Frank Miller, Geoff Darrow, John Byrne, Art Adams, Mike Allred...

C'est sous le label nommé sobrement Legends que Richardson décide de publier les créations originales de ces auteurs à partir de 1994. L'appellation disparaîtra en 1998 mais de nombreuses séries continueront à être publiées par l'éditeur.

Tout comme le veut la tradition, les premières histoires des séries du label sont d'abord publiées dans l'anthologie Dark Horse Presents.

Legends regroupe Madman Comics (évoqué plus haut), Star Slammer de Walter Simonson, Concrete de Paul Chadwick, Grendel la création de Matt Wagner (qu'il prête à d'autres auteurs) et Monkeyman and O'Brien de Art Adams.

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Trois auteurs se démarquent. Tout d'abord John Byrne qui va proposer plusieurs dont , qui est un peu un mélange entre ses X-Men et ses Fantastic Four. Cette série est un spin-off de sa première création pour Dark Horse, . Mais, aucune des deux créations ne fait partie du label Legends même s'il s'agit des prémices. Il faudra attendre Danger Unlimited en 94, titre qui est l'un des fers de lance du label. Il lancera aussi la mini-série , l'histoire d'une femme super-forte retrouvée nue et amnésique sur une plage. Dans le numéro 2 de ce titre, nous y retrouvons Abe Sapien, l'un des personnages récurrents de Hellboy dont Byrne co-signe le scénario de la première mini-série.

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Mike Mignola est l'autre auteur et, surtout, le créateur de Hellboy, cet être massif employé par le B.R.P.D. afin d'enquêter sur des affaires étranges. L'auteur sera seul aux commandes à partir de la seconde min-série, The Wolf of St-August. Après la fin du label Legends, il développe son univers avec une série , une autre Abe Sapien et d'autres créations originales comme Lobster Johnson,

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Frank Miller est l'un des créateurs de comics le plus connu auprès du grand public. Le statut de légende n'est même plus à démontrer. C'est chez Dark Horse qu'il lança son ensemble de mini-séries sur la ville du péché, , travaillant un style plus brut qu'avant et surtout en noir et blanc avec comme seule couleur le rouge (ou le jaune pour That Yellow Bastard).

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Miller sera aussi le scénaristes d'autres titres comme les Martha Wahsington dessinés par Dave Gibbons. Si la première histoire - et la meilleure, Give Me Liberty publiée en 1990, est antérieure au label Legends les autres en feront partie. Il retrouvera aussi Geoff Darrow après leur excellent Hard Boiled (aussi chez Dark Horse) pour une série tout public The Big Guy and Rusty the Boy Robot.

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Des cendres de légendes...

En 1998, Dark Horse arrête l'appellation Legends mais l'année d'après il lance le label Maverick qui ne durera que trois ans. Il est à l'initiative de Diana Schultz qui travaille chez Dark Horse depuis 1990. Elle a été éditrice, entre autres, de Sin City et Usagi Yojimbo.

On y trouve les dernières créations de Miller dont 300, les titres de Mignola et Stan Sakai, Groo la BD humoristique de Sergio Aragones, et de nouvelles aventures de Grendel la création de Matt Wagner.

Aussi, Maverick réédita Alice Cooper's The Last Temptation sorti chez Dark Horse en 1994. Mais, les projets importants prenaient du retard forçant le label à disparaître mais les séries ont intégré le catalogue régulier de Dark Horse.

De nos jours

Dark Horse continue ses activités et reste toujours autant diversifié. En effet, en plus de tout ça, l'entreprise de Richardson publie de romans sous le nom de DH Press (principalement des histoires basées sur Predator et/ou Aliens) et, aussi, dans les collectibles avec DH Deluxe. Tout comme Marvel, DC et Image, l'éditeur a son propre application d'achat numérique présentant un catalogue complet. Enfin, ils ont créé M Press proposant des beaux livres. C'est sur ce label qu'est sorti le premier comicbook écrit par Tom Morelle, guitariste de Rage Against The Machine, .

D'un point de vue comics, nous trouvons toujours Mike Mignola qui, bien qu'il est fini son cycle Hellboy lance de nouveaux titres et continue les séries B.R.P.D. et Abe Sapien. Usagi Yojimbo est publié mensuellement ainsi que les séries du Buffyverse.

D'autres créateurs ont rejoint pour un projet ou pour du plus long terme Dark Horse. Il y a notamment Peter J. Tomasi qui vient de terminer la mini-série House of Penance avec l'artiste Ian Bertram, Jeff Lemire et Dean Ormston s'occupent de a aussi écrit pour l'éditeur la mini-série The Damned Band dessiné par Tony Parker avec un groupe de rock qui a signé un pacte avec le diable.

Enfin, la maison d'édition a récupéré de nombreuses licences connues comme Conan, Tarzan, Tomb Raider ou, encore, Prometheus. Sans compter que Dark Horse réédite les comics pulp de EC Comics ( Weird Science, Tales from the Crypt...) en jolis hardcovers, ceux qui sont édités en France chez Akileos.

Bref, Dark Horse est un acteur important de l'industrie des comics. Malgré sa communication plutôt discrète comparée à celle de ses concurrents, l'éditeur est bien parti pour durer encore trente ans, sinon plus.