En 1967, Le Beau Rivage est un petit hôtel-restaurant d’Ablon-sur-Seine, tenu par Antoine et Berthe avec leur fille Henriette, où logent une dizaine de pensionnaires hauts en couleurs : Barberine, agent de police qui ne supporte pas le vin blanc, il est marié avec Georgette ; Martinique, un maçon, lorgne sur Georgette tandis que Fernand, maçon aussi, fait des yeux de velours à Henriette ; Pedalo, comme son surnom l’indique est grand amateur de vélo, tout comme Bidersbaum est un amateur furieux de pêche à la ligne. Et puis il y a Bouyaya, un Algérien qui bosse chez Renault. Emporté par son tempérament, un incident dégénère et Antoine se retrouve en prison durant quelques semaines où il se fait un ami, Emile. Antoine libéré et de retour derrière son comptoir, un jour débarque Emile, évadé… le loup dans la bergerie ?
Oh ! Le bon roman que voilà ! Tout en dialogues savoureux, on se régale à suivre les aventures de ces pieds-nickelés de banlieue dont les principales occupations consistent à écluser des Picon, des Pernod ou des Suze-cassis en se moquant les uns des autres, de Pedalo et de son vélo ou du pêcheur qui ne pense qu’à attraper Victor, le mythique brochet qui rôde dans ce secteur de la Seine. Le cyclisme et la pêche étant des activités très prisées de l’écrivain.
J’ai parlé de dialogues savoureux, ils sont pleins de verve et de gouaille, une langue fleurie qui pète la santé, un hommage à Michel Audiard (« Si elle a le malheur de tousser, la Berthe, j’envoie le napalm ! Je la pulvérise ! J’en fais du hachis-parmentier ! A la moulinette ! Du sang sur les rideaux ! L’auberge rouge ! »). C’est drôle, c’est hilarant (Quatre assiettes et un parquet bien ciré, une recette pour passer un bon moment…) sans être exempt de tendresse, il y a beaucoup d’amour chez tous les personnages, l’amitié aussi n’est pas un vain mot, ajoutons-y une nuance de poésie pour parfaire le tout (Antoine découvrira la puissance du rêve lors de son séjour en prison, ce qui changera sa vie) et un poil d’anarchisme.
Un roman épatant, loin des prises de chou des introspections de la littérature actuelle qui plombent l’ambiance. Un roman d’hier, quand le monde nous paraissait encore rose. L’épilogue est digne d’une scène finale d’une pièce de boulevard, cacophonie générale dans la joie et la bonne humeur.
Un bouquin que vous pourrez ranger aux côtés de celui de Jules Romain (Les Amis), de ceux de Frédéric Dard (quand interviennent les Bérurier) ou d’Antoine Blondin et d’une anthologie des poésies de Georges Brassens (un ami très proche de René Fallet). De bien belles références, non ?