La position, Meg Wolitzer

Ayant croisé il y a peu sur la blogosphère littéraire le nom de Meg Wolitzer qui était porté aux nues, je me suis empressée de découvrir son roman La Position, à la couverture joyeusement suggestive et au titre non moins évocateur.
Au moins, il y a une certaine cohérence, pas comme la couverture des Morues ( dont Titiou parlait ici) ou du Liseur du 6h27.

La position, Meg Wolitzer


En 1975, Paul et Roz Mellow ont publié un guide du plaisir amoureux, compilant des illustrations les représentant dans toutes sortes de positions sexuelles.
Un jour cependant, leurs quatre enfants découvrent le guide, et cet événement aura un retentissement majeur et unique dans la vie de chacun.
En 2005, alors que la famille est réunie à l'occasion d'un projet de réédition du livre, la fragilité de chacun se confronte à celle des autres, révélant la singularité de leur parcours et leurs contradictions.


J'ai trouvé dans l'angle d'approche de Meg Wolitzer, des similitudes avec celui de Courtney J. Sullivan par exemple, ou également Wally Lamb. Deux auteurs qui n'ont pas grand chose à voir, mais qui parviennent à décrire un cercle social en détaillant les saillances et les points de vue de chaque personnage, de sorte qu'il n'y a pas de manichéisme ou de parti pris notable dans les récits qu'ils proposent.

Ici, les tensions qui entachent les liens noués entre les différents protagonistes ne sont pas, pour l'auteur, l'occasion de dénigrer l'un et de porter l'autre aux nues ; le jugement est absent de la lecture, ce qui est rafraîchissant, car alors le lecteur a toute la liberté de penser ce qu'il veut des conceptions mises en présence, de s'attacher à certaines plus qu'à d'autres, et surtout, de changer d'avis.

Dans un tel contexte, et étant donné le sujet choisi, toute portée moralisatrice aurait pu être très néfaste, et mettre le lecteur mal à l'aise. Parce que l'auteur traite le sujet d'une manière presque sociologique, l'écueil est évité, et le récit fonctionne.

Au fil des pages, les parcours et les personnalités des uns et des autres se dessinent, à partir de cette origine commune qui ne peut laisser de marbre : la confrontation d'enfants à l'existence de la vie sexuelle de leurs parents. C'est relativement audacieux, et ça ne manque pas d'intérêt. Bien entendu, si la réaction enfantine / adolescente est prévisible, tout le sel de l'intrigue réside dans la façon dont chacun évolue et réagit sur un horizon de temps plus long, dans l'infléchissement que prend leur propre rapport à la sexualité à partir de l'évidence indéniable mise sous leurs yeux, et que la société américaine cache alors, dissimule (sujet cependant toujours actuel, à mon sens).

Il faut par ailleurs reconnaître à Meg une prédisposition à l'humour qui s'apprécie dans les touches ironiques parsemées çà et là, ce qui n'est pas pour déplaire!

En somme, La position est une belle découverte, dans la veine d'une certaine littérature américaine contemporaine qui se centre sur les relations familiales, sur le secret, et sur la façon dont ces choses évoluent dans le temps.

  • Vous n'êtes pas trop à l'aise lorsque vous vous dites que vos parents ont eu une vie sexuelle.
  • Cela dit, s'il faut considérer ce postulat comme fondé (selon toute vraisemblance), vous vous dites aussi que vous êtes bien content qu'ils n'aient pas eu l'idée saugrenue de se faire dessiner/photographier dans leurs ébats pour éclairer toute leur génération sur les bénéfices du plaisir sexuel.


"A 6 ans, elle s'était persuadée qu'il ne serait pas chose aisée de mettre le grappin sur un mari le moment venu. Seule solution : le soudoyer. Dans cette optique, et alors qu'elle n'était pas sortie de l'enfance, elle avait déjà amassé un petit pécule en confiant son argent de poche à une tirelire en plastique blanc. [...] C'était une petite fourmi, une nonne solitaire qui se réservait pour un avenir aussi lointain que menaçant." (Comment ne pas être ébloui par tant de prévoyance... *_*).

"Paul remarqua que sa réponse avait eu sur son fils, un enfant du divorce, l'effet d'une claque retentissante ; elle lui avait rappelé à quel point des parents désunis sont laids et grotesques dans leur empressement à étouffer des vies entières sous plusieurs couches de terre, comme si ces vies ne valaient rien, comme si les enfants nés de leur union n'avaient aucune pertinence."