Moi, l’orgueilleux… un texte de Jean-Marc Ouellet

Par Chatquilouche @chatquilouche

̶  Tiens, tiens. Un orgueilleux !!
Voilà ce que, d’un ton narquois, elle me lance, ma nouvelle copine.
Orgueilleux, moi ! Elle est bonne, celle-là. Pour qui me prend-elle ?

Bon, O.K. J’ai du mal à accepter l’erreur et à reconnaître mes torts. L’échec m’horripile. Que voulez-vous ? J’ai une haute opinion de moi-même. Tout me réussit. Je prospère en affaires, je plais aux femmes, je reçois des prix, on me cite en exemple. Vous serez d’accord avec moi, sans une estime minimale de soi et sans amour-propre, comment réussir sa vie ?

Je suis fier, ça, c’est certain. La critique me fait mal. Parce qu’injuste. Certains ne me comprennent pas. Ils devraient me faire confiance. J’ai souvent raison. Mon opinion de moi-même est justifiée. Ce n’est pas de la vanité. Pas de l’arrogance non plus. Ce que je suis, je le suis, et, si d’autres en sont conscients, c’est que c’est réel. Une juste confiance en soi. C’est tout. Ce n’est pas moi qui l’invente. Les louanges sont nombreuses, et sincères. Mes talents les certifient. Par ailleurs, j’aime bien qu’on m’encense.

Je n’en reviens pas encore ! Moi, orgueilleux ?! Ben voyons donc ! L’orgueil, ce n’est pas pour moi. C’est l’affaire des faibles, des médiocres. Moi, je n’ai pas besoin de briller parmi le monde pour me satisfaire. Si je brille, c’est tout simplement de manière naturelle. Je suis ainsi. Intelligent. Habile. Le mérite est en moi. Si j’étais si orgueilleux, on me mépriserait, ce qui n’est pas le cas, évidemment. D’ailleurs, c’est quoi au juste, l’orgueil ? Une enflure du cœur ? Un refuge pour ne pas se voir tel qu’on est, comme un mensonge à soi-même ? C’est voir les autres comme inférieurs ? Moi, je me connais. Je suis humble, j’aime les autres, j’ai conscience de mes vices, que je cache, bien sûr. Comme mes combats. D’ailleurs, pour paraphraser de Rivarol, si je confessais les plus flatteurs de mes péchés, je ferais preuve d’orgueil. Alors, je m’abstiens. Et j’exhibe mes victoires.

Bon, je* dois me calmer. J’étais déjà hors de moi et voilà que ma douce nouvelle amoureuse se moque de moi, et me traite d’orgueilleux. C’est sûr que je n’aurais pas dû réagir ainsi. M’impatienter et m’emporter de la sorte. Au fond, mon échec n’est pas si grave.
Ma nouvelle copine me regarde, réalise sans doute mon état. Elle sourit.
̶ Tu sais, mon amour. Tu en feras d’autres, des gâteaux.

* Le je du texte n’a aucun lien direct avec l’auteur et toute ressemblance n’est que le fruit du hasard. Ou presque.

© Jean-Marc Ouellet, 2016

Notice biographique

Médecin-anesthésiologiste depuis 25 ans, Jean-Marc Ouellet pratique à Québec. Féru de sciences et de littérature, il signe une chronique depuis janvier 2011 dans le magazine littéraire électronique « Le Chat Qui Louche ». En avril 2011, il publie son premier roman, L’homme des jours oubliés, aux Éditions de la Grenouillère, puis Chroniques d’un seigneur silencieux aux Éditions du Chat Qui Louche. En mars 2016, il publie son troisième roman, Les griffes de l’invisible, aux Éditions Triptyque.

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)