A son réveil, ce jour-là, Julian West réalise qu’il n’est plus en 1887 mais en l’an 2000. Pourquoi ? Peu importe, là n’est pas la question. Aussi, ne vous lancez pas dans ce livre si vous n’êtes féru que de voyage dans le temps, vous resteriez sur votre faim. En effet, Edward Bellamy se penche plus sur de longues théories d’économie politique que sur celles de la distorsion de l’espace ou de la rupture du continuum.
Donc, disais-je, Julian West se reveille 113 ans plus tard, chez le docteur Leete. Ils s’entretiennent longuement, constatent les différences entre l’une et l’autre époque et Julian West réalise que le XXème siècle est béni d’abondance, purifié par la justice, adouci par la fraternité. Il y règne, de manière généralisée, un bonheur matériel, une clarté intellectuelle et une élévation morale. S’enchaînent alors les idées visionnaires et la conception d’un monde basé sur une forme idéale du communisme. Les Hommes sont égaux, les femmes émancipées, le mot « servile » a disparu du dictionnaire.
Cette société harmonieuse, égalitaire et équitable laisse rêveur, il faut en convenir, mais la description de celle-ci semble plus avoir pour but de critiquer l’époque-même de l’auteur et de mettre en lumières sa barbarie et ses dysfonctionnements. De fait, ce livre ressemble plus à un essai qu’à un roman et son intérêt réside plus dans ses concepts économiques et dans les théories sociales avancées que dans les aventures de Julian West. Il lui arrivera bien une ou deux choses, il finira, comme on s’en doute assez vite, par tomber amoureux d’Edith, la fille du docteur Leete, mais c’est à peu près tout. Encore une fois, il ne faut pas forcément considérer ce livre comme un roman. D’ailleurs, la narration manque cruellement de fluidité, le style n’est pas exactement flamboyant, le résultat est un peu aride.
Donc, si ce livre critique le monde réel tout en imaginant un monde parfait, il a surtout le mérite de le faire avec cohérence et lucidité. Edward Bellamy, en homme positif et constructif devant l’éternel, a pensé à tout, sa vision humaniste est louable et sa conception d’une évolution saine ne peut que forcer le respect.