Personnage haut en couleur, Mazie Phillips tient la billetterie du Venice, cinéma new-yorkais du Bowery, quartier populaire du sud de Manhattan où l'on croise diseuse de bonne aventure, mafieux, ouvriers, etc. Le jazz vit son âge d'or, les idylles et la consommation d'alcool - malgré la Prohibition - vont bon train. Mazie aime la vie, et ne se fait jamais prier pour quitter sa " cage " et faire la fête, notamment avec son amant " le capitaine ".
Avec l'arrivée de la Grande Dépression, les sans-abri affluent dans le quartier et la vie de Mazie bascule. Elle aide sans relâche les plus démunis et décide d'ouvrir les portes du Venice à ceux qui ont tout perdu. Surnommée " la reine du Bowery ", elle devient alors une personnalité incontournable de New York.
Dans ce roman polyphonique, Jami Attenberg nous fait découvrir Mazie - dont on entend la gouaille à travers les lignes de son journal intime -, mais aussi Sœur Ti, son unique amie, sa sœur Jeanie, l'agent Mack Walters, porté sur la bibine et qui aime flirter avec elle... Le lecteur découvre, fasciné, une personnalité hors du commun et tout un monde bigarré et terriblement attachant.
Mazie Gordon-Phillips est une grande dame. Elle fait partie de ces personnes anonymes qui ont eu une vie discrète et pourtant si riche. Jamie Attenberg et les éditions Escales ont donné l'occasion à leurs lecteurs de connaître l'histoire de Mazie. Je fais partie de ces lecteurs grâce à Jade et aux éditions Escales . Je les remercie grandement car ce livre documentaire est tout simplement magnifique.
Mazie,Sainte Patronne des fauchés et des assoiffés n'a pas toujours portée ce " titre ". Quand j'ai fait sa connaissance à travers l'écriture intimiste de Jamie Attenberg, Mazie était une toute jeune adolescente ayant une grande soif de découverte.
Retirée des bras violents de leur père et de ceux inertes de leur mère, Mazie et sa sœur Joanie vont suivre Rosie, leur sœur aînée et son mari Louis dans leur appartement New-yorkais. Mazie ne manque de rien dans cette nouvelle famille qui est la sienne mais son bonheur, elle va le trouver ailleurs.
Dans les rues de New-York, dans les bars, dans les bras des hommes.
Entre Rosie et Mazie, la relation est très conflictuelle. Le mal-être évident de la sœur aînée pèse sur Mazie qui va commencer à consacrer sa vie à autrui très tôt. Bien avant d'avoir été surnommée Mazie,Sainte Patronne des fauchés et des assoiffés.
La liberté tant chérie par Mazie ne va pas s'exprimer en foulant les pavés des villes du monde. Mais seulement celle de la ville qu'elle aime tant. New-York. La cage de la billetterie du cinéma le Venice va accueillir tous ses rêves et ses angoisses. Et bien plus encore...
Derrière les grilles qui la séparent du reste du monde, Mazie va voir sa vie défiler, s'étioler parfois mais surtout être marquée par des rencontres qui feront d'elle la femme qu'elle est devenue et qu'elle restera. Une Sainte qui consacrera sa vie à ceux qui en ont le plus besoin.
C'est au travers de multiples témoignages et du journal intime de Mazie que Jamie Attenberg va nous faire découvrir la vie de cette forte personnalité qu'était Mazie et des personnes qui la composent.
Ce roman documentaire ne m'a pas seulement fait découvrir un personnage haut en couleurs. Il m'a aussi dévoilée le New-York des années Jazz, de la prohibition.
L'écriture de Jamie Attenberg est intimiste. Aucune pudicité dans ses mots qui rendent son roman si captivant. Je fais le choix de ne pas lever le voile sur la vie de Mazie dans ma critique. Je pourrais vous révéler quelques unes de ses frasques, vous parler de son quotidien dans la cage du Venice, vous dire quel est l'unique homme qu'elle a aimé, vous présenter son unique amie et bien d'autres choses encore mais l'anonymat de Mazie Gordon-Phillips ne peut perpétuer. L'histoire extraordinaire et par certains côtés ordinaire de cette femme mérite à être connue.
En cette rentrée littéraire, les éditions Escales nous livrent un roman profond qui captivera tous ceux qui liront les premiers mots de Jamie Attenberg. Mazie Sainte Patronne des fauchés et des assoiffés a trouvé sa place sur mes étagères. Bien en évidence. Pour ne pas laisser l'anonymat recouvrir à nouveau la belle histoire de Mazie qui donne à réfléchir sur les priorités de notre monde.
Mazie Gordon-Phillips en 1946 Source: The Guardian
"En fait je crois que j'ai toujours été fascinée par Mazie, moi aussi. Notamment parce qu'elle a emprunté des chemins de traverse. Le mariage et les enfants, ce n'était pas son truc. C'est ça qui la rendait extraordinaire à mes yeux. Le seul fait de savoir qu'il existe d'autres manières de vivre, d'autres chemins possibles, même si vous ne les choisissez pas pour vous-même, ça compte, non ?"