C'est le premier roman de Marie-Christine Bernard que je lis. Avoir su... Il y a longtemps que me serait passé entre les mains, tant ce roman m'apparaît incontournable et nécessaire.
Plusieu rs Atikamekws vivent dans le village fi ctif de Konpisimweapi. Sarah-Mikonic Ottawa est l'une d'eux. À vingt-deux ans, elle a déjà une longue vie chaotique derrière elle. Plusieurs coups durs, dont le suicide de sa sœur et l'absence d'affection de son père, l'ont affaiblie. Souvent, elle a eu envie de mourir. Souvent, elle a bu pour s'engourdir, pour assommer la douleur, comme sa mère l'a fait (aujourd'hui sobre). Sa fille de sept ans l'aide à s'accrocher.
À la toute dernière minute, après maintes hésitations, Sarah-Mikonic s'inscrit pour accomplir le Moteskano, le Chemin dans les traces des ancêtres. Un chemin de guérison auquel prennent part une trentaine de personnes.
Dans cette intimité où nous poussent le partage des fatigues, l'entraide, le sommeil à plusieurs sous la même tente, on n'a pas le choix de se révéler plus qu'on ne le voudrait. On devient vulnérable parce que accessible.
Pour Sarah-Mikonic, c'est la marche de la dernière chance. Marcher, gravir. Faire face. De savoir d'où l'on vient pour comprendre qui l'on est.
Celle qui raconte, c'est l a kokom de Sarah-Mikonic, sa grand-mère morte. Narratrice omnisciente, sa voix s'exprime tout au long du roman, au rythme des pas de sa petite-fille. Dans un seul souffle, le passé et le présent s'entrecroisent pour laisser apparaître l'histoire d'une lignée de femmes, de l'arrière-grand-mère à la petite-fille. Une histoire de filiation, de sang.
Des temps anciens, celui qui précède l'arrivée des Blancs, il y a l'harmonie et sa nostalgie. "Pêcher, chasser, cueillir, faire l'amour, enseigner aux enfants, prier, tout était mêlé ensemble dans le même élan, tout était spirituel." L'arrivée des Blancs marque le début de la dépossession (langue, coutumes, territoire). Les curés menacent, l'alcool se met à couler, les Indiens sont parqués dans des réserves, leurs enfants pitchés dans des pensionnats pour être désindianisés. La honte a fait son œuvre, scrappant des familles entières, mettant un peuple à genou. Plusieurs, aujourd'hui, se relèvent et ont envie de faire entendre leur voix, dénuée de honte.
Sous l'oeil acéré et sensible de Marie Christine Bernard , c'est l'histoire d'un peuple qui est racontée, de son agonie à sa lente renaissance. L'amour, la résilience et le pardon transcendent le roman. L'espoir peut naître.
La plume de Marie Christine Bernard est imprégnée d'une douce poésie qui met un baume sur le poids des mots. Dommage qu' elle n'échappe pas à un certain manichéisme: les gentils Indiens et les méchants Blancs. Même s'il est vrai que dans cette histoire-là, les Blancs (la plupart) ont été de beaux salauds. Mais j'aurais espéré qu'entre ces lignes, une réconciliation soit envisageable.
est un hommage aux Atikamekws. "Un chant d'amour." Marie Christine Bernard a voulu "montrer qui ils sont [...] Comment ils sont vivants, toujours. Comment ils font perdurer leur culture, leur langue, leurs traditions. Comme ils s'inscrivent aussi dans la modernité. Et comment ils tentent, comme nous tous, de se tricoter un avenir."
L'hommage est vibrant. Le chant d'amour sincère. En refermant , Matisiwin je garde en mémoire cette image de la fille de Sarah-Mikonic dansant lors d'un Pow-Wow. L'avenir m'apparaît plus radieux.