Rencontre avec Séverine de La Croix, scénariste de Lila

Par Bdencre @bdencre

La toute nouvelle série Lila va forcément faire parler d’elle. Pourquoi ? Mais parce que c’est drôle, bien écrit, bien vu, bien dessiné et surtout ça parle d’un thème pas toujours simple d’aborder avec les jeunes filles : la puberté. Et Lila le fait avec simplicité mais aussi exactitude !

Lien vers la chronique de l’album

Cher Journal,
(…)
Aujourd’hui, il m’est arrivé un truc… incroyable !!!
Enfin, ça a dû arriver cet été, mais sur le bateau, j’ai pas fait gaffe.
Et là, tout le monde a vu.
Enfin, Anthony surtout. Et Cora, elle m’a dit que ouais, ça faisait comme deux bouloes.
C’était trop la honte !!
MAIS TU TE RENDS COMPTE DE CE QUE CA VEUT DIRE ?!!

Bulle d’Encre : Pourquoi avoir voulu écrire cette bd ? C’est une thématique que vous trouviez trop peu représentée dans la littérature enfantine?

Séverine de La Croix : Depuis toute jeune, je m’intéresse aux rapports humains et plus particulièrement, à l’épanouissement personnel. Qu’est-ce qui fait qu’une personne s’aime, aime et est aimée et qu’est-ce qui fait qu’une autre n’y arrive pas. Après le bac, j’ai donc fait des études de psychologie puis de sexologie. Et très vite, mes livres se sont orientés sur le sujet. Mais je n’avais encore jamais écrit pour la jeunesse.
C’est en côtoyant des élèves de primaire que j’ai réalisé qu’une partie de moi avait toujours leur âge et que cette partie de moi souffrait encore de certaines choses qu’elle avait vécues. Alors j’ai écrit Lila pour elle, en tout premier lieu, pour la petite fille qui vit toujours en moi.

BDE : D’ailleurs pourquoi une bd et pas un roman jeunesse alors que vous écrivez déjà des romans?

SDLC : En fait, j’ai écrit l’histoire originelle de Lila en 2010, sous forme de conte, suite à une conversation avec la fille d’une amie dont les seins commençaient à pousser (et ça m’a rappelé mes propres tourments de jeune fille, quand je cachais mes sous-vêtements chez mon père et attendais d’être de retour chez ma mère pour les laver, par peur de sa réaction s’il les découvrait !). J’ai envoyé l’histoire à différentes maisons d’édition jeunesse mais elles m’ont toutes répondu qu’il était hors de question de publier un tel récit car il ne convenait pas au lectorat de cet âge-là. Ça m’a mise en colère, du coup j’ai jeté mon histoire.
Et je l’ai oubliée. Jusqu’à l’année dernière où j’ai rencontré Patrice Margotin [NDLR : Directeur Général des éditions Delcourt) lors d’un déjeuner. Je me suis rappelée ma petite Lila et l’idée d’en faire une bd m’a aussitôt sauté aux yeux.

BDE : Comment avez vous imaginé cette construction en partie bd, en partie journal intime et fiches didactiques?

SDLC : C’est simple : je n’avais jamais écrit de bd et ne savais absolument pas comment faire ! Quand j’ai vendu mon idée « extra-méga-génialissime » à Patrice, je lui ai dit que je comptais faire une bd très déstructurée. Ça me semblait évident de mettre tous mes bouts de savoir-faire au sein de ce projet, sans respecter des codes que je ne connaissais pas. A neuf ans, je confiais tout à mon journal intime ainsi qu’à mon hamster, j’imaginais une moi version super-héroïne, avec le culot que je n’avais pas, botter les fesses des méchants et une moi hyper-savante qui aurait les réponses à toutes les questions que je me posais. D’où les différentes facettes de la bd qui répondent à mon monde d’enfant.
Néanmoins, comme Pauline n’avait jamais, elle non plus, bossé sur un projet BD, nous avons beaucoup transpiré toutes les deux au début et les premières planches ont été assez chaotiques !!

BDE : Comment s’est passée votre collaboration avec la dessinatrice Pauline Rolland? C’était un projet commun ?

SDLC : Je connaissais le travail de Pauline depuis plusieurs années et elle le mien. Nous avions eu un coup de cœur réciproque sur nos univers artistiques. Alors quand l’idée de Lila a germé dans mon esprit, travailler avec Pauline m’est apparu comme une évidence. Je l’ai appelée et elle a immédiatement dit oui.
Pauline est ma fée. Grâce à sa baguette magique, ce qu’il y a dans ma tête devient réel. Et puis nous avons le même âge, elle est aussi brune et grande que je suis petite et blonde et toutes les deux sommes deux sentimentales très taquines. Bref, notre couple s’est vite trouvé et Lila est devenu notre bébé.

BDE : Vous avez déjà en tête la suite de Lila?

SDLC : Ah ah ! Je viens juste de finir d’écrire le tome 2 qui est actuellement en lecture chez notre éditeur tandis que Pauline commence les croquis des nouveaux personnages. Et de vous à moi, j’ai hâte qu’il soit déjà fini !!!!!!!!!

BDE : Est-ce que vous allez la faire grandir ou à l’instar de Titeuf vous allez figer Lila à ses 8 ans?

SDLC : Ah mais non, Lila est une vraie jeune fille donc elle grandit. Comme elle, je suis passée en CM2 cette année et l’année prochaine, ce sera le collège !!

BDE : Si vous aviez un message à faire passer aux jeunes filles, ce serait lequel?

SDLC : Celui de ne jamais se mettre à lire la presse à scandale et les articles qui nous disent quoi faire et à quoi on devrait ressembler
Sérieusement, avoir une vie de star où rien n’est naturel mais où tout est contrôlé, et c’est la fin du monde si un bouton nous a poussé sur la fesse ou sur le nez ? Quelle horreur ! En revanche, être une belle personne, bien dans sa peau, qui s’aime, aime et fait ce qu’elle aime, avec des amis au top, voilà ce qui devrait compter le plus au monde !

Lien vers la chronique de l’album : Lila T1 – Pommes, poires, abricots

Interview réalisée le 27 septembre 2016 par Anna Sam
© Toutes les images sont la propriété de leurs auteurs et ne peuvent être utilisées sans leur accord.