En 1932, Georg Friedrich Amberg, jeune médecin engagé par le baron von Malchin, quitte Berlin pour le lointain village de Morwede en Westphalie. Ancien ami de son père, le baron va finir par révéler au médecin qu’il se livre en secret à des recherches scientifiques dont le but, proche, est de mettre au point une drogue tirée d’un parasite du blé (la neige de saint Pierre), capable d’agir sur les esprits…
Une fois encore Leo Perutz s’avère un habile conteur, prenant immédiatement le lecteur dans les mailles de son filet tressé de mystère, et ce dès la première phrase : « Lorsque la nuit me libéra, j’étais une chose sans nom, une créature impersonnelle qui ne connaissait pas les concepts de « passé » et d’ « avenir » ». Tout du long de ce roman, nous ne saurons jamais avec certitude, si le témoignage du jeune médecin narrateur, est pure vérité ou imagination galopante de son cerveau malade.
Quand s’ouvre le récit, Amberg se réveille dans un lit d’hôpital avec plusieurs semaines de coma et croit reconnaitre dans le personnel soignant, les acteurs de l’aventure dont il pense se souvenir et qu’il va nous raconter, à savoir son séjour dans un bled à la campagne, un baron aidé d’une assistante qu’Amberg connait et dont il est amoureux depuis leurs études de médecine communes (seule critique, celle-ci est surnommée « Bibiche » durant tout le roman, et ça fait franchement nunuche) qui tente de créer une drogue sensée avoir deux finalités, pousser le peuple à vouloir restaurer la monarchie donnant le pouvoir à un descendant de Frédéric II, et ranimer la ferveur religieuse.
Le bouquin de Leo Perutz fut interdit par les nazis dès sa parution et on imagine assez bien pourquoi. Le baron von Malchin, en savant fou, s’imagine manipuler les foules avec sa drogue et rendre son trône à son fils adoptif. En se confiant à Amberg et en jouant sur le lien affectif qui le liait à son père il pense s’attirer sa complicité mais il place le médecin devant un cas de conscience déontologique. Conflit d’autant plus cruel pour Amberg, qu’amoureux de l’assistante du baron, il la croit sa maîtresse. Dois-je préciser que le projet diabolique n’aura pas le résultat attendu mais qu’au contraire…
Leo Perutz balade le lecteur qui n’arrive pas à départager le vrai du faux, la réalité du rêve ; et même quand s’achève le roman, le narrateur revenu sur son lit d’hôpital évoque ce qu’on pourrait considérer comme une théorie du complot.
Encore un bon roman de Leo Perutz.