Chronique « Monsieur désire ? »
Scénario de Hubert, dessin de Virginie Augustin,
Public conseillé : Adultes et grands adolescents (à partir de 16 ans),
Style : Intime,
Paru aux éditions Glénat, le 28 septembre 2016, 128 pages, 17.50 euros,
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L’Histoire
Londres, début de siècle, début de période victorienne.
Dans la riche demeure d’Edouard, Moly explique la situation à Lysbeth, la nouvelle domestique de la maisonnée. Le maître est de retour. D’après elle, il est tellement beau que toutes les femmes en sont folles, même les putains de WhiteChapel. Plutôt prude et d’un physique très commun, Lysbeth boude les confidences et s’en retourne à ses travaux ménagers.
Dès son retour, Edouard vit pleinement sa vie de mondain, avec son ami Archibald. Médisant sur les vertus de ces dames, il assiste aux bals et événements royaux… dans le plus grand ennui…
Un soir de beuverie, Mr rentre en piteux état. Lysbeth, en bonne domestique, lui enlève ses habits, le borde et veille sur lui…
Ce que j’en pense
La dessinatrice Virginie Augustin, dont j’avais apprécié le travail sur Alim le Taneur (avec Lupano); Voyage aux ombres (avec Arleston) et Wahligoe (avec Yann), change de registre. Loin des albums d’action, elle collabore avec Hubert, coloriste, mais surtout scénariste original et “précieux” (L’île aux femmes, MediaEntity, Les Ogres-Dieux) pour nous offrir un roman historique étonnant et riche, qui emprunte beaucoup à la littérature.
Sur un thème que n’aurait pas renié James Ivory, les deux auteurs explorent les rapports humains et sociaux dans l’Angleterre du début du 19e siècle, entre Edouard, richissime noble et la petite bonne Lysbeth.
Réflexion sur les interdits sociaux (très forts dans cette période et ce contexte historique) et sur la beauté (intérieur et extérieure), Hubert ressasse ses thèmes favoris. Qui est le monstre ? Celui qui se montre comme tel, ou la société qui l’impose ?
En construisant une relation complexe et forte entre deux être que tout oppose, il nous offre de comprendre un peu plus la nature humaine…
Honnêtement, excepté sur le dessin de Virgine, je n’attendais pas grand chose de ce nouvel album. Pensant que cette thématique n’avait que peu de chance de donner un album passionnant… Et bien, il n’en est rien ! Hubert et Virginie nous offrent une histoire complexe et subtile qui met à nu les sentiments humains. Malgré les interdits et les impossibilités, ces deux êtres si différents arrivent à s’apprécier, sans s’abîmer l’un l’autre… C’est un message d’espoir en l’humanité qu’Hubert nous envoie en pleine gueule.
Au dessin, Virgine m’a vraiment étonné. Délaissant ses techniques habituelles (mais en a-t-elle vraiment ?), elle prend à bras le corps la mise en scène très romanesque d’Hubert. Les décors sont très détaillés, mais c’est surtout dans l’acting, qu’elle excelle.
Accumulant les scènes sans paroles, Virgine travaille… sur le langage. Dialogues, bien sur, mais aussi langage corporel qu’elle compose avec précision.
Léger, sans masses noires, sont trait se fait plus nerveux, charbonneux quand elle s’enfonce dans ‘la fange” des bas fonds londoniens, mais toujours aussi élégant et aérien, quand elle revisite ses personnages.
Pour résumer, Vous voulez découvrir un album de Bd inédit et original ? Vous aimez la littérature, les dialogues, la beauté des sentiments et la contemplation d’une scène juste et vraie ?
Monsieur désire ? est fait pour vous.