Après un brillant premier arc, Moon Knight se lance dans l'exploration de lui-même, en perdant toujours plus ses personnages et le lectorat. Jeff Lemire signe un titre exceptionnel, épaulé par Wilfredo Torres, Francesco Francavilla et James Stokoe. Excusez du peu.
Je vais avoir du mal à dire tout le bien que je pense de ce numéro sans dévoiler sa construction, ce qui reviendrait à révéler la fin du dernier arc. On peut par contre parler de la partie artistique, magnifique, assurée par trois artistes en forme olympique. Marvel a eu une excellente idée en confiant les différentes atmosphères de l'histoire à un artiste bien particulier. Francesco Francavilla me réconcilie avec son style, en atténuant un peu ses couleurs et en utilisant une atmosphère de film noir qui fonctionnent bien. Wilfredo Torres a la partie principale du numéro, la plus classique, mais s'en sort bien. Ses personnages sont expressifs, sa mise en scène (notamment dans la première scène) est géniale, et il instaure une atmosphère de doute palpable. Enfin, James Stokoe défonce la porte, casse tout, balance de la grosse science-fiction sans aucun sens, et c'est génial. Toujours des détails à foison sur chaque page, un style proche du manga, et une énergie qui fait plaisir à voir.
Maintenant, il faut parler du numéro, et parler de la fin de l'arc précédent. Autrement, la structure ne tiendrait pas debout. Du coup, si vous voulez partir, sachez quand même que Moon Knight est un des meilleurs titres de Marvel, et que si Jeff Lemire pouvait arrêter de faire n'importe quoi avec Extraordinary X-Men, il serait un de mes auteurs préférés.
Pour les autres, voilà la situation: Mark Spector est coincé quelque part, au mieux dans une illusion, au pire dans sa tête. On le retrouve en producteur de cinéma pour un film Moon Knight (avec un tacle magistral sur les Studios Marvel qui "en sont à adapter l'homme-fourmi au cinéma" !), avec une vie plutôt normale, mais qui va vite voler en éclat.
Le personnage se fait balader, et le lecteur aussi. On croit suivre une histoire, puis on en a une autre, puis une troisième, et au final, on semble voir où veut aller le grand ennemi de Moon Knight. Noisybear reprochait au numéro d'être très calqué sur la structure du précédent arc, et s'il n'a pas complètement tort pour l'aspect "manipulations mentales", le contexte est vraiment différent.
J'ai vraiment eu l'impression de découvrir un univers à part, crée par des artistes bien plus inspirés que d'habitude. On se laisse porter par la narration qui est d'une fluidité parfaite, et on dévore ce numéro en se prenant claque sur claque. Dès qu'on croit être confortablement installé, Lemire arrive à prendre le contre-pied de la situation, à nous balancer dans autre chose, et fait de ce début d'arc un des meilleurs numéros de cette fabuleuse série.
Moon Knight #6
Marvel Comics * Par Jeff Lemire, Wilfredo Torres, Francesco Francavilla & James Stokoe * $3.99
J'ai cru savoir où j'étais, et puis je me suis fait balader. C'est la lecture atypique du moment, celle qu'on n'avait pas vue venir pour ce héros, mais qui finalement lui rend hommage avec brio. Il n'est pas trop tard pour rattraper cette série, qui risque bien d'être un grand classique de Marvel.