A onze ans, Alan perd sa mère. Sa nouvelle belle-mère lui interdit de voir la petite fille : « Peu à peu, c’est devenu une habitude de ne plus voir Martha. On n’était plus dans la même école, on habitait très loin, je n’avais pas de vélo et puis on a déménagé ». A 18 ans, appelé sous les drapeaux en pleine seconde guerre mondial, le futur soldat veut revoir son amie avant de partir pour l’Europe. Ce sera la dernière fois...
Que dire face à cet album tendre et mélancolique à l’esthétique soignée ? Que c’est beau comme du Guibert. Et qu’il est toujours fascinant de découvrir sa manière sobre et poignante de relater des petits riens où l’anodin ne cesse de faire monter l’émotion. Le récit est un enchaînement de somptueux tableaux accompagnés de récitatifs à la première personne où résonne la voix d’Alan. L’auteur déploie au fil des pages une fresque intimiste où se mêlent pudeur et nostalgie. Il montre ce qui fut entre Alan et Martha mais aussi, entre les lignes, ce qui aurait pu advenir.
Les dessins, réalisés sur des feuilles de plastique transparent à l’aide d’encre, de crayons aquarellés et de pigments de gouache mêlés à de la cire, sont d’une beauté à couper le souffle et rappellent les œuvres de Norman Rockwell.
Une sublime peinture de l’Amérique des années 30 dont le propos, alliant simplicité et humanité, touche à l’universel.
Martha et Alan d’Emmanuel Guibert. L’Association, 2016. 120 pages. 23,00 euros.