Raoul Cauvin et Les Tuniques Bleues « remettent le couvert ! »

Par Bdencre @bdencre


Et de soixante ! Carte blanche pour un bleu, 60ème tome des Tuniques Bleues, sera disponible en librairie le 28 octobre prochain. L’occasion pour nous d’avoir la chance et l’honneur de faire le point avec Raoul Cauvin, scénariste de la série depuis près de 50 ans.

Les Tuniques Bleues, certains en ont découvert les premières esquisses dans Le Journal de Spirou en 1968. Raoul Cauvin était alors associé à Louis Salvérius, qui nous quitta un triste jour de mai 1972. Un certain Willy Lambillotte, alias Lambil, a ensuite repris le flambeau. Quarante-huit ans après le début de leurs aventures, le Sergent Chesterfield et son Caporal Blutch font partie des personnages les plus emblématiques de la fiction dessinée. La sortie d’un nouvel album est désormais un véritable événement dans le paysage de la BD franco-belge.

Depuis Un chariot dans l’Ouest en 1972, pas une année ne s’est écoulée sans la publication d’au moins un tome. La seule exception à cette règle fut 1995, mais deux ouvrages sortaient l’année suivante. Petits et grands rient, pleurent et cogitent en même temps que leurs héros. Traduite en anglais, espagnol, portugais ou encore néerlandais, la série connaît un succès continental hors norme. Dans quelques jours, des dizaines (centaines ?) de milliers de fans se précipiteront en librairie afin d’ajouter à leurs collections la soixantième aventure du duo le plus célèbre de l’armée américaine. Un événement, vous dit-on.

L’histoire rencontre l’Histoire

Derrière l’humour, la guerre. Les Tuniques Bleues, c’est un peu le Full Metal Jacket de la bande dessinée : dénoncer l’horreur par le rire. Là est la magie de l’oeuvre : tout le monde peut s’y retrouver. Enfant, c’est l’aspect humoristique qui nous fera ouvrir les pages de nos premiers albums. La série en appelle bien sûr à notre sensibilité, mais nous sommes alors trop jeunes pour comprendre — par exemple — qui se cache derrière le Captain Nepel, ou pourquoi tel officier se montre si rigide, si… inhumain. Le temps passant, les années venant, on commence à comprendre. Et alors que l’on a souvent tendance, en vieillissant, à perdre de l’intérêt pour nos « séries jeunesse », la règle s’inverse ici : avec la maturation vient la perception d’une autre signification des Tuniques Bleues. Non pas un « vrai » sens, mais un sens alternatif. Celui que l’on souhaite donner à l’oeuvre.

Les Tuniques Bleues est aussi un vecteur d’information, un intermédiaire de culture. On y croise des personnages historiques tels que le hors-la-loi William Quantrill, le président Ulysses Grant ou plus récemment le pasteur William Nelson Pendleton. Le Sergent Cornélius M. Chesterfield et son Caporal Blutch n’existent bien sûr que dans la fiction, mais ils donnent une raison de s’intéresser à ce qu’il y a derrière. Car la Guerre de Sécession, elle, a bien eu lieu. Le Camp d’Andersonville, la Bataille de Bull Run ou le Siège de Vicksburg ne sont pas sortis de l’imagination du génial Raoul Cauvin. L’oeuvre est alors une invitation au lecteur à aller plus loin, ouvrir des livres, se documenter sur ce que fut la période. L’histoire rencontre l’Histoire.

Et aujourd’hui, le compte atteint les soixante. Soixante albums ! Quand on demande à Raoul Cauvin quel est le secret de ses Tuniques Bleues, l’homme répond avec modestie : « Une série soixantenaire… Ben oui. Depuis le temps que je l’ai créée sans penser, un seul moment à l’époque, qu’un jour j’arriverai à ce stade. Mais les années passant, album après album… moi-même je n’en reviens pas ». Et de préciser, lorsqu’on lui rappelle que sa série connaît toujours un franc succès : « Le succès, quand on commence une série, on l’espère à chaque fois sans jamais trop y croire. Jusqu’à maintenant, le public a suivi. Le rêve pour un auteur. »

L’aventure se poursuit

Le tome 60 n’est pas encore disponible que certains annonçaient déjà les 61 et 62 en cours de production, alors nous lui avons posé la question. Il confirme et détaille : « Lambil, effectivement, va commencer le 61ème. J’ai pris l’habitude, depuis le début, de faire un album d’avance. Voilà pourquoi, je viens de terminer le 62ème. Je prends ainsi le temps de consulter mes bouquins, de rechercher l’anecdote, l’idée de départ. Une fois trouvée je brode, je construis mon histoire dans le calme sans jamais être pressé par le temps. Si Dieu le veut, si je vis toujours, quand Lambil me dira — s’il vit toujours aussi — qu’il commence le 62ème, je penserai au 63ème. Et ainsi de suite. Jusqu’au jour où… Il ne faut pas se leurrer, il y a une fin à tout. Mais tant que je peux… »

Les premier album des Tuniques Bleues a été publié en 1972. D’aucuns croyaient que le cap des 60 franchi, les péripéties de Blutch & Chesterfield se dirigeraient vers une éventuelle fin. Que nenni ! Interrogé à ce sujet, Raoul Cauvin nous répond et rassure son public : les deux compagnons ont encore de belles charges devant eux. « Je n’ai jamais pensé mettre un terme à la série, affirme-t-il. Pourquoi le ferais-je ? Pourquoi arrêterais-je quelque chose qui marche ? Ce serait de la folie, surtout que le public reste fidèle. Peu d’auteurs ont cette chance. Alors, youpeeeeee ! Je remets le couvert. »

« Tant que je peux… »

À 78 ans, le belge est l’un des auteurs les plus prolifiques de l’univers de la BD. De Cédric à Pierre Tombal en passant par L’Agent 212 ou Les Femmes en blanc, il travaille au quotidien et offre à ses lecteurs des dizaines d’heures de lecture chaque année. Où trouver une telle énergie ? « Les autres séries, nous explique-t-il, je les continue sur la lancée. Cédric marche très bien aussi. Les autres ont toujours la côte. Là encore, tant que je peux. Et de conclure à propos du renouvellement continu de ses idées : Chaque série est différente. Cédric, Pierre Tombal, L’Agent 212… Place à l’imagination. Des heures passées à me triturer les neurones dans le divan. Les Femmes en blanc, Les Psy… Je suis de très près l’actualité. Télé, journaux et tout le tintouin… »

Raoul Cauvin est de ces personnes qui marquent à jamais l’Histoire d’une discipline, d’un domaine, d’un monde. L’homme est aussi talentueux que sympathique, aussi humble que son oeuvre est transgénérationnelle. Ses séries font partie des plus populaires et réussies des Éditions Dupuis. La BD franco-belge a ses pionniers, ses chefs d’orchestre : il s’appellent Hergé, Edgar P. Jacobs, Albert Uderzo, Morris… Cauvin en est également. L’homme d’Antoing vient de délivrer la 60ème partition d’un récital nommé Tuniques Bleues. Le concert se prolonge, encore et encore, pour notre plus grand bonheur.


Intitulé Carte blanche pour un bleu, le tome n°60 sera disponible le vendredi 28 octobre. Quel en est le fil conducteur ? Touché dans une bataille, le Sergent Chesterfield est devenu un légume et l’état-major compte le mettre sur la touche. Mais le Caporal Blutch ne l’entend pas de cette oreille et obtient une échéance de 30 jours : 30 jours pour sauver son camarade & ami. Comment y-parviendra-t-il, là est toute la question. Rendez-vous à la fin du mois pour la réponse.

Par Daryl Ramadier

Le site internet des Tuniques Bleues : lestuniquesbleues.com
Toutes les images sont la propriété des  Tuniques Bleues Par Lambil-Cauvin et Salvérius © Dupuis, 2016