Si la lune éclaire nos pas, de Nadia Hashimi

Par Deslivresetlesmots @delivrezlesmots

Si la lune éclaire nos pas, de Nadia Hashimi, traduit de l’anglais américain par Emmanuelle Ghez, Milady, 21 octobre 2016, 512 pages.

Un grand merci à Milady et NetGalley, grâce auxquels j’ai eu accès à ce service presse numérique ! Le livre sort le 21 octobre, je vous encourage vivement à visiter votre libraire préféré ce jour-là

L’histoire

Je voulais que mes enfants aient une vie d’enfants. Je voulais qu’ils rient, qu’ils jouent… qu’ils apprennent. Je voulais qu’ils fassent les choses que j’aurais dû faire quand j’étais petite. Jusqu’où devons-nous fuir ?
Kaboul est entre les mains des talibans. Depuis que son mari, considéré comme un ennemi du régime, a été assassiné, Fereiba est livrée à elle-même. Si cette enseignante ne veut pas connaître le même sort que son mari, elle n’a d’autre choix que de fuir. Après avoir vendu le peu qu’elle possède, elle entreprend un voyage périlleux avec ses trois enfants, dans l’espoir de trouver refuge chez sa sœur, à Londres. Comme des milliers d’autres, elle traverse l’Iran, la Turquie, la Grèce, l’Italie et la France. Sans autres ressources que son courage et sa détermination sans faille, elle espère pouvoir compter sur le soutien de ceux qu’elle rencontrera en chemin. Hélas, les routes de l’exil sont semées d’embûches : que devra-t-elle sacrifier pour de meilleurs lendemains ?

Note : 5/5 ♥ Coup de cœur

Mon humble avis

Tout d’abord, j’adore la couverture. En tous cas, la couverture des épreuves non corrigées que j’ai vue, ce qui signifie qu’elle est susceptible de changer mais puisqu’elle apparaît sur le site de l’éditeur… Je pense que c’est la couverture définitive et tant mieux.

Sur une terre hostile, l’amour pousse comme une herbe folle.

Le livre commence avec l’enfance de Fereiba et plus ou moins progressivement, le lecteur découvre son adolescence, puis sa vie de mère de famille et son périple avec ses enfants. Ce qui m’attire le plus dans les histoires (qu’elles soient écrites ou sous forme de séries, de films, de podcasts…) ce sont vraiment les personnages et il n’y a rien à redire de ce point de vue sur Si la lune éclaire nos pas. L’auteure prend son temps pour nous présenter la vie de Fereiba, et le fait de découvrir son enfance explique beaucoup de chose sur sa vie de femme, que ce soit en tant que mère, épouse, enseignante, voisine, etc. Mieux connaître les personnages permet également de s’attacher plus facilement à eux et l’enjeu de l’histoire devient alors important. Tous les dangers, les risques auxquels les personnages font face sont seulement terrifiants si on s’inquiète de leur sort.

Je jouais un jeu dangereux. Pourtant, on ne pouvait pas nous accuser de badinage. Pas plus que deux cerfs-volants dont les fils auraient été emmêlés sous l’effet d’un vent capricieux.,

Donc oui, j’étais très tendue pour la majorité de ma lecture, parce que les personnages vivent dans la peur et la plus grande incertitude et que c’est très très bien retranscrit par la narration. J’ai lu le roman d’une traite parce que j’avais quelques heures de train devant moi puis une soirée sans ordinateur, mais je n’arrive pas à savoir si c’est la meilleure manière d’aborder ce roman. Je ne pense pas que ça m’ait empêché de savourer ma lecture, au contraire, mais c’est vrai que ce fut de longues heures de tension. En même temps, j’avais tellement envie de connaître la suite, la fin (tout en la redoutant terriblement), que ça aurait été un calvaire de le lire par petite touche. Bref, faites comme vous le sentez !

Salim pensait être un homme. Même si j’avais besoin qu’il soit précisément cela, j’avais aussi peur pour lui. Celui qui risque le plus de se noyer dans la rivière est celui qui croit nager.

Ce roman nous fait voyager, et ce de plusieurs façons. D’abord, dans l’espace puisque la famille de Fereiba quitte Kaboul pour essayer d’atteindre Londres, en passant par de nombreux pays et villes. Mais ce que ne mentionne pas la quatrième de couverture (et c’est bien dommage), c’est qu’il s’agit également d’un voyage dans le temps. Le roman commence avec l’enfance de Fereiba, dans une Kaboul en paix, où les femmes ne sont pas forcément sous la coupe du mari (ça dépend du mari… mais par la suite, sous le régime des talibans, elles n’ont pas le droit de sortir sans lui par exemple) et où les bombes ne tombent pas du ciel.

Quand mon mari et moi décidâmes de fuir notre pays, l’attrait de l’Europe se trouvait réduit à une unique qualité, la plus séduisante – la paix.

En tous cas, tout sonne vrai. Les descriptions de la vie dans les camps de réfugiés, des passages (clandestins ou non) d’un pays à l’autre, tout est glaçant de vérité. Effectivement, dans les remerciements, Nadia Hashimi mentionne des personnes qui l’ont renseignée et documentée sur la Grèce et la Turquie, elle a donc fait un merveilleux travail de recherche, et cela a porté ses fruits.

Le seul bémol auquel je peux penser pour ce roman, ce serait les ellipses étranges que subissent certains personnages, notamment la famille de Fereiba qu’on rencontre au début du roman : son frère, ses sœurs, son père… Certains disparaissent du récit sans qu’on sache vraiment ce qu’ils deviennent, notamment lors du grand saut dans le temps à l’occasion du mariage de Fereiba. Certes, le cœur du roman se situe autour de Fereiba, son mari et ses enfants à ce moment du roman, mais tout de même, c’est étrange que les personnages du début soient balayés ainsi.

Fereiba, sais-tu quel est le plus joli mot signifiant « époux » dans notre langue ? Quel est-il ? « Hamsar ». Penses-y. « Qui partagent le même esprit ». C’est tout à fait nous, tu ne crois pas ?

J’aurai aimé une fin plus « satisfaisante ». Mais elle correspond au roman, puisque tout ne finit pas pour le mieux, surtout dans le cas des familles comme celles de Fereiba. Enfin, j’ai beaucoup aimé le glossaire à la fin, qui permet d’avoir une meilleure idée des mots employés – même s’il le récit est tellement clair qu’on comprend le sens sans le glossaire. D’ailleurs, le fait d’en apprendre plus sur cette culture, les traditions et superstitions des personnages, est un vrai plus.

Notre culture est imprégnée de superstitions, mais Kokogul les suivait avec un zèle particulier. Nous ne pouvions pas dormir avec nos chaussettes, sous peine de devenir aveugles. Si quelqu’un faisait tomber un objet en argent, je devais nettoyer la maison de fond en comble au cas où nous aurions des invités. Si elle toussait en mangeant ou en buvant, elle maudissait ceux qui, forcément, disaient du mal d’elle quelque part. C’était, je crois, ce qu’elle préférait : cette conviction que d’autres jalousaient sa vie relativement privilégiée.

Bref, je suis conquise, si vous avez besoin d’une lecture qui vous transporte, qui a du sens et qui fait un peu réfléchir, ne cherchez vraiment pas plus loin.


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