Le rouge vif de la rhubarbe, de Auður Ava Ólafsdóttir

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Le rouge vif de la rhubarbe, de Auður Ava Ólafsdóttir, traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson, Éditions Zulma, 2016, 160 pages.

L’histoire

Souvent aux beaux jours, Ágústína grimpe sur les hauteurs du village pour s’allonger dans le carré de rhubarbe sauvage, à méditer sur Dieu, la beauté des nombres, le chaos du monde et ses jambes de coton. C’est là, dit-on, qu’elle fut conçue, avant d’être confiée aux bons soins de la chère Nína, experte en confiture de rhubarbe, boudin de mouton et autres délices.

Singulière, arrogante et tendre, Ágústína ignore avec une dignité de chat les contingences de la vie, collectionne les lettres de sa mère partie aux antipodes à la poursuite des oiseaux migrateurs, chante en solo dans un groupe de rock et se découvre ange ou sirène sous le regard amoureux de Salómon. Mais Ágústína fomente elle aussi un grand voyage : l’ascension de la « Montagne », huit cent quarante-quatre mètres dont elle compte bien venir à bout, armée de ses béquilles, pour enfin contempler le monde, vu d’en haut…

Note : 4/5

Mon humble avis

Je connaissais les éditions Zulma de nom, jusqu’à la rencontre avec leur créatrice, Laure Leroy, dont j’ai fait un compte rendu récemment (première partie par là, seconde par ici). À cette occasion, plusieurs livres ont été présentés, qui m’intéressaient plus ou moins, mais je me suis dit que je devais choisir parmi les nouveautés. Finalement, à force d’avoir des livres qui s’empilent depuis des mois (des années pour certains), je lis peu de nouveautés et c’était l’occasion parfaite. Je fais également attention à privilégier les auteures, particulièrement non-anglophones et non-francophones, entre autre raison pour le challenge « Voix d’auteures ». Autant de facteurs qui on fait que j’ai jeté mon dévolu sur Le rouge vif de la rhubarbe. C’est son premier roman écrit, mais pas le premier publié, d’après ce que j’ai compris, elle est surtout connue pour Rosa Candida.

J’étais intéressée à l’idée d’en savoir plus sur Ágústína et ses jambes en coton, puisque l’une des raisons pour lesquelles j’adore lire est la possibilité de découvrir d’autres vies, des choses parfois bien éloignées de notre quotidien. Mais dès qu’il est question de maladie… Disons que certains auteurs usent et abusent de préjugés, et il arrive que les personnages n’aient plus d’autre fonction qu’être malade. Heureusement, c’est loin d’être le cas ici. Ágústína est bien plus que ses jambes : elle a un caractère bien trempé, ne se laisse pas faire, et elle est plutôt têtue ! On s’attache facilement à elle, en suivant ses découvertes, ses quelques péripéties et surtout sa façon toute particulière de voir les choses.

Voilà pourquoi tes jambes sont comme ça. Je sais bien que tu as envie de courir, de faire du vélo et plein de choses qui te sont interdites, mais il y a une foule de gens qui passent leur vie à courir et n’en sont pas plus avancés.

Le tout se déroule en Islande, où des longues périodes de jour sont suivies de longs mois de nuit. Pourtant, c’est loin d’être un des éléments les plus remarquables du livre, puisque c’est une évidence pour les personnages (et pour l’auteure accessoirement), on se souvient seulement de cette particularité quand elle est mentionnée rapidement au détour d’une page.

Dans le noir, au contraire, les hommes sont tous égaux. Quand il faut se battre dans une tempête de neige, Ágústína est sur un pied d’égalité avec les autres. Non, dans la lutte et l’adversité, elle n’est pas l’égale des autres, elle les dépasse. Dès qu’il s’agit de se battre, elle est à son affaire.

Ágústína a une relation particulière avec sa mère, puisqu’elle est uniquement épistolaire. En effet, sa mère parcourt le monde pour étudier les oiseaux et seule leur correspondance irrégulière entretient leur relation. Correspondance à laquelle on n’a pas entièrement accès, puisque ce sont seulement les lettres de sa mère qui sont rapportées. Peut-être est-ce parce que finalement, les pensées de Ágústína nous sont déjà amenées à travers la narration. On sait qu’elle lui répond, sans jamais connaître le contenu exact de ses lettres.

En tous cas, c’est un très beau roman qui m’encourage à en lire plus de son auteure, et de sa maison d’édition !

Pour en savoir plus :

  • La chronique de Cécile Pellerin sur Actualitté.
  • L’auteure lit (en islandais) les premières pages du roman sur Youtube.

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