La bande dessinée nativement numérique existe depuis quelques années, mais elle continue d’évoluer, avec les progrès techniques, l’utilisation de différents langages informatiques et la créativité des artistes. Si la bande dessinée traditionnelle, qu’elle soit sur papier ou numérisée, a déjà ses codes, ses règles et ses habitudes, la bande dessinée nativement numérique reste à inventer. D’ailleurs, il est peut-être nécessaire de la définir, puisqu’on peut se demander où sont les limites avec le jeu vidéo ou l’animation. Pour que du Turbomedia reste une bande dessinée, il faut que le lecteur puisse lire l’œuvre à son propre rythme, et qu’il ne lui soit pas imposé (contrairement à l’animation), et donc, idéalement, il doit être possible de revenir en arrière dans l’histoire, comme on peut le faire quand on feuillette du papier. L’interactivité est possible, mais pas nécessaire. Si vous voulez en savoir plus, je vous invite à lire ce billet de Phylacterium : « TurboMedia : un nouveau paradigme pour la bande dessinée numérique ? ». Et si vous voulez un exemple, j’aime beaucoup ce que fait ClemKle !
J’ai lu quelques BD numériques récemment, et je voulais vous en faire part avec quelques chroniques express.
L’Odyssée 2.0
En dehors de la musique, la bande dessinée est presque muette : le seul texte apparaît dans la dernière case pour la chute. Pour l’histoire en elle-même… Elle explique le titre, qui fait bel et bien référence à l’Odyssée d’Ulysse, mais j’ai trouvé la chute un peu décevante.
Eden : la seconde aube
ERCcOMICS
En anglais cette fois, bien que ce soit une initiative française, le résultat d’un appel à projet qui consiste à trouver des façons innovantes de présenter les résultats du Conseil Européen de la Recherche (ERC). L’innovation en question, vous l’aurez deviné, est de présenter ces recherches en BD.
Pour l’instant, quatre BD sont disponibles et à terme, il y en aura un total de seize. Le tout fonctionne par épisode, tous ne sont pas encore disponibles mais cela permet de découvrir les BD au fur et à mesure. L’une d’elles, Beauty, est assez traditionnelle puisqu’il n’y a ni animation, ni interactivité, bien que le sujet soit des plus intéressants : les normes de beauté et leurs influences dans la perception et le jugement. Francesca Protopapa et Eleonora Antonioni en sont les artistes, et c’est écrit selon les recherches de Prof. Giselinde Kuipers.
Il y a ensuite Tree Climbers, qui explique grâce aux recherches du Prof. Hans Verbeeck, le fonctionnement du CO² et des forêts tropicales, en revenant sur le réchauffement climatique : ce qui le cause et ses conséquences. Cette fois-ci, la lecture est un peu plus innovante, elle peut se faire de trois façons : le scroll de la souris, la scrollbar ou les flèches présentes sur l’écran. D’ailleurs, il est précisé que cette BD s’affiche mieux sur un écran d’ordinateur que sur d’autres terminaux. L’histoire est assez originale, puisque c’est le CO² qui la raconte, sur fond de dessins de Giacomo Nanni : des forêts, des paysages, tous très colorés. La lecture n’est pas linéaire, la progression se fait parfois de haut en bas, parfois de gauche à droite, ou même dans des niveaux de profondeur.
… And the Invisible est l’histoire la plus mystérieuse pour l’instant, j’ai un peu du mal à comprendre l’univers qui nous est présenté, mais pour le moment seuls deux épisodes sont en ligne, peut-être que ce sera plus clair par la suite. C’est dessiné par Thomas Gosselin sur la base des recherches du Prof. Ulf Leonhardt. Par des moyens un peu détournés, cette BD nous explique comment l’invisibilité pourrait fonctionner, par rapport à la lumière notamment, et on en apprend plus sur les caméléons et leur capacité à se camoufler. Il y a un peu plus d’interactivité dans … And the Invisible, on doit notamment rentrer un code dans le premier chapitre.
Max Order, avec Fiammetta Ghedini comme illustratrice et François Pachet comme chercheur, est la BD la plus avancée puisque sept épisodes sont déjà disponibles. Pour avancer dans l’histoire, il est nécessaire de cliquer sur les flèches (on peut revenir en arrière) et les cases n’apparaissent pas forcément de gauche à droite, on a parfois des retours, des apparitions sur la gauche, puis la droite et enfin au milieu. Il y a de la musique cette fois, qui se déclenche à la lecture de certaines cases, mais elle a plus dérangé ma lecture qu’autre chose, je trouve qu’elle n’est vraiment pas nécessaire… même si je comprends ce que les auteurs ont voulu faire. Max Order présente de façon très narrativisée les recherches sur les « Flow Machines », des intelligences artificielles capables de créer de la musique. La musique est déjà un sujet de l’histoire, les créateurs ont probablement voulu en rajouter pour faire référence aux « Flow Machines » mais il me semble que ça ne rend pas bien… Il y a un peu d’animation, mais ce qui m’a beaucoup plu, c’est le fait que l’histoire brise le quatrième mur : on a le droit a des intermèdes, où les créateurs débattent de l’histoire, discutent ensembles d’où ils vont mener le personnage principal, du choix de la musique… Le tout en évoquant des statistiques sur les romans bestsellers. J’ai eu quelques problèmes de visualisation sur mon écran, qui doit être un peu plus petit que ce qu’il faudrait puisque des bulles étaient coupées, mais ça n’a pas trop gêné ma lecture (pas autant que la musique intempestive en tous cas).
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