L'intrigue
1917, quelque part entre la Géorgie et l'Alabama.Trois frères, Cane, Cob et Chimney Jewett, vivent sous la férule d'un père obsédé par la religion. A sa mort, inspirés par un roman à trois sous, ils sont bien décidés à survivre en braquant des banques. Ils se retrouvent poursuivis par les autorités et une réputation effroyable, mais la vérité est plus complexe que la légende.
Chronique
Merci à Babelio et aux Editions Albin Michel pour m'avoir envoyé ces épreuves non corrigées du roman de Pollock.
J'avais bien aimé son précédent roman " Le Diable, tout le temps ", et je retrouve bien la plume de l'auteur dans ce roman-ci.
En fait, je l'avais déjà dit pour son premier roman mais c'est encore plus flagrant ici. Pollock est pour moi un descendant direct de Steinbeck.
Je l'y retrouve tellement dans son écriture ! Ce livre-là m'a beaucoup fait penser à " A l'Est d'Ede n ", avec une histoire autour du destin des enfants livrés à eux-mêmes et de leur relation avec leur père.
Parce que Steinbeck il a ce côté très minutieux qui fait que lorsqu'il vous raconte que son personnage va au magasin acheter des biscuits salés, il ne peut pas s'empêcher de vous raconter la vie et l'oeuvre du commerçant qui tient la boutique, de sa femme de ménage et de leurs petits-enfants respectifs. Bon ok ça sonne un peu chiant comme ça, mais je trouve ça juste passionnant. Et Pollock a la même manie, le même talent : cette capacité à vous pondre une vie entière en trois paragraphes, à vous faire vous sentir proche de ses personnages, à creuser leur histoire toujours plus. J'adore !
Nous suivons ici l'histoire des frères Jewett, donc le papa va décéder subitement et les laisser livrés à leur sort. Après avoir passé leur enfance à entendre les histoires de Bloody Bill Bucket que le plus grand d'entre eux, Cane, leur lisait, ils décident de partir voler de leurs propres ailes en devenant des brigands et vivre la belle vie.
C'est ainsi que Cane, Cob et Chimney deviennent " Le Gang Jewett ", à propos duquel les rumeurs allant bon train vantent la cruauté du trio et contribuent à leur donner une réputation tyrannique qui va provoquer des avis de recherche dans tout le pays.
En parallèle, nous suivons plusieurs histoires qui finiront bien entendu par se regrouper, et j'adore cette façon de procéder : on rencontre de nouveaux personnages, on apprend d'où ils viennent, qui ils sont, mais jamais en vain ! Lorsque les groupes se rejoignent, ça fait toujours des étincelles. Ainsi, on suit une multitude de foyers : celui de Fiddler, l'arnaqué au coeur tendre qui ferait tout pour sa femme mais l'a plongée dans une misère sans pareille, sans compter sur la fuite de leur fils... Le militaire gay qui s'en cache et s'entiche de ses collègues, le solitaire qui erre de ville en ville afin de trouver un peu de réconfort sur sa route mais qui ne connait que malheurs sur malheurs, l'inspecteur des installations sanitaires dont tout le monde se moque...
C'est en bref une grande fresque qui est ici dépeinte par Pollock, une grande fresque somme toute assez pessimiste sur la misère, qui reflète ce côté noir typique de l'auteur. On se croirait ici dans un western aux personnages caricaturaux et plutôt maladroits, en tout cas pour la plupart peu charismatiques. C'est poétique et triste à souhait, mais en même temps tellement divertissant.
J'aime cet auteur, probablement parce qu'il me rappelle tellement la beat generation... Mais surtout parce que c'est un auteur profondément riche et atypique dans son style.
J'encourage vivement ceux qui ont aimé son roman précédent à lire celui-ci !
En deux mots
Un Pollock fidèle à lui-même qui fait une fois de plus une démonstration de son talent et un très bel hommage à mon sens à des auteurs comme Steinbeck.
Des personnages profonds et misérables, on s'y croirait réellement tellement c'est bien dépeint.
[Informations livre : Donald Ray Pollock - Une mort qui en vaut la peine | Editions Albin Michel (Épreuves non corrigées) | Contemporain | 576 pages | 22.90€]J'ai adoré, si vous n'avez pas peur des grands portraits et de la misère humaine, foncez !