Nous y sommes presque, la déferlante peut donc commencer! Je plaisante quelque peu, mais c'est vrai que ce mois d'octobre sera l'occasion de trouver en librairie de nombreuses parutions consacrées au sorcier suprême : Stephen Strange. Commençons donc ce mercredi avec ce qui est à la base un graphic novel publié en 1989, et qui a obtenu en son temps une version française adaptée par Semic, au format Top BD, dont se souviennent bien les nostalgiques. Le Docteur Strange y tient l'affiche avec un des vilains les plus charismatiques et célèbre de l'univers Marvel, Fatalis. Le drame de ce dernier est que chaque année arrive le moment où il doit aller en enfer, pour combattre et sauver l'âme de sa mère. Tout ceci est stérile et ne fait que se répéter, jusqu'au jour où Victor Von Doom parvient à s'attacher les faveurs de ce bon Docteur Strange, qui ne peut refuser. Il l'entraîne dans une lutte contre Mephisto, pour récupérer une bonne fois pour toutes l'âme précieuse qui lui tient tant à cœur. Rien que le pitch de départ est totalement fantasmagorique : d'un côté nous avons un criminel endurci qui ne s'effraie devant rien, et semble prêt à tout pour arriver à ses fins. De l'autre le maître des arts mystiques, probablement le seul super-héros capable de s'opposer à ces créatures maléfiques qui peuplent les enfers marvéliens. L'histoire est composée de nombreux flashback, qui permettent de se rendre compte, à travers des trajectoires parallèles, que ces deux-là ont plus de ressemblances qu'on ne voudrait le croire : ils ont connu de terribles accidents qui ont défiguré l'un et définitivement handicapé l'autre, ils ont dû revoir leur place dans le monde, ont voyagé jusqu'au Tibet où ils ont acquis une connaissance mystique jusque-là inaccessible... Le plus drôle est que Strange n'est finalement pas le véritable héros de cet album. Certes c'est lui qui se retrouve engagé dans un combat mano a mano avec Mephisto, mais c'est surtout Fatalis qui attire la compassion ou le dégoût du lecteur, et se révèle plus complexe qu'en apparence, à travers différentes facettes pathétiques ou tragiques, qui font de lui un vilain pas comme les autres. Roger Stern décide donc de faire du maître de la Latvérie un personnage tourmenté, capable même d'attirer la compassion du lecteur le plus sensible.
Il fallait un artiste d'exception pour illustrer une histoire aussi poignante. C'est le cas ici puisque nous avons au dessins l'extraordinaire Mike Mignola, encore acerbe, déjà ultra doué. Il signe une performance vraiment remarquable. Il se dégage une intensité particulièrement dense de très nombreuses planches, les instants dramatiques sont sublimés par le style élégant du dessinateur, qui bénéficie de surcroît d'un ancrage intelligent signé Mark Badger. Quand le premier nous gratifie de petites merveilles minimalistes, le second les met en valeur avec un jeu d'ombre des plus remarquables, leur donne de la profondeur, du corps. Bien que les années ont passé, cette histoire est très plaisante à lire, car elle puise ses racines aussi bien dans la philosophie, la magie, que dans une certaine tradition théâtrale. C'est aussi un des meilleurs prétextes pour comprendre qui est véritablement Fatalis, et en quoi il est différent des autres prétendus dictateurs qui fleurissent dans l'univers Marvel. Notons également que cette édition proposée par Panini ne se contente pas seulement de vous offrir Triomphe et Tourments, mais propose en bonus intro, interview et making off, ce qui permet donc de bonifier largement la vieille version publiée au début des années 90 par Semic. Même la couverture (qui se déplie, que dis-je, se déploie) est magnifique, et rien qu'à elle seule, gageons qu'elle attirera plus d'un lecteur. Bref nous recommandons, même si ce n'est pas la sortie la plus incontournable concernant les activités propres du Docteur Strange, en raison de la qualité indiscutable de ce roman graphique qu'il faut avoir lu au moins une fois dans sa vie de Marvel Fan.
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