The Fifth Child, de Doris Lessing, Vintage, 1988, 133 pages.
L’histoire
Pour Harriet et David, couple modèle, qui a fondé une famille heureuse, l’arrivée du cinquième enfant inaugure le temps des épreuves. Fruit d’une grossesse difficile, anormalement grand, vorace et agressif, Ben suscite bientôt le rejet des autres enfants, tandis que les parents plongent dans la spirale de l’impuissance et de la culpabilité.
La romancière du Carnet d’or, prix Médicis étranger 1976, mêle ici de façon impressionnante réalisme et fantastique, dans une fable cruelle qui met à nu l’envers et le non-dit des relations familiales.
Note : 3/5
Mon humble avis
Je ne savais vraiment pas à quoi m’attendre en commençant ce roman. J’avais vu que Doris Lessing avait le prix Nobel de la littérature, la quatrième de couverture m’a intriguée et je me suis lancée.
Le début du roman nous présente un couple, Harriet et David, alors qu’ils viennent d’acheter un très grand appartement, sur plusieurs étages en fait, qui ferait mieux office d’hôtel. D’ailleurs, leurs amis et familles trouvent leur choix ridicule et se moquent assez ouvertement d’eux. Le couple répond à tout cela qu’ils comptent avoir des enfants, beaucoup d’enfants, et qu’il leur faut de l’espace. Finalement, comme Harriet et David invitent leur famille à passer quelques semaines chez eux chaque année, pour Noël et pour Pâques, ils en profitent bien et le choix du couple n’est tout d’un coup plus ridicule…
Le roman est très réaliste, jusqu’à la naissance de Ben, qui met le doute. Cela commence même avant, Harriet semble avoir une grossesse cauchemardesque alors même que ses quatre premières s’étaient passées relativement normalement. Les coups de pieds incessants, les douleurs aiguës lui font penser que la créature dans son ventre cherche à la faire souffrir, à la tuer. Tout le génie du récit se situe là, selon moi : on a l’impression de basculer dans le fantastique, puisqu’on ne sait pas si Harriet imagine ou exagère son calvaire ou si Ben est déjà violent, étrange, alors même qu’il n’est pas encore né. Le fait est que tout son entourage, même son médecin, décide de ne pas la croire et préfère penser qu’elle est hystérique, ce qui encourage la confusion du lecteur.
Harriet va donc tenter de convaincre les autres que Ben est un bébé, puis un enfant, étrange. En effet, il ne semble pas doté de sentiments et seulement fonctionner de manière presque mécanique. En grandissant, il ne semble pas intégrer les codes sociaux et copie de façon très artificielle les actions de ses frères et sœurs. Au long du récit, Harriet se demande même si c’est un troll, un extra-terrestre ou un changeling – ces enfants volés à la naissance par les fées et remplacés par l’une des leurs.
While she was part of the general relief, and could hardly believe she had been able to stand such strain, and for so long, she could not banish Ben from her mind. It was not with love, or even affection, that she thought of him, and she disliked herself for not being able to find one little spark of normal feeling: it was guilt and horror that kept her awake through the nights.
Toute l’ironie est dans le fait que l’entourage d’Harriet, à commencer par son mari David, finit par se rendre compte qu’elle avait bien raison. C’est alors qu’une décision est prise par la famille : se débarrasser de cet enfant anormal. Malgré tout, Harriet ne peut pas accepter ça et alors que tous se dédouanent de cet enfant, elle continue à vouloir le protéger. La famille commence alors à se scinder : plus personne ne vient aux fêtes de Noël et Pâques, le couple d’Harriet et David est brisé et leurs enfants quittent le foyer pour rejoindre des pensionnats ou leurs grands-parents, dans le but de fuir Ben.
“It’s either him or us,” said David to Harriet. He added, his voice full of cold dislike for Ben, “He’s probably just dropped in from Mars. He’s going back to report on what he’s found down here.” He laughed-cruelly, it seemed to Harriet, who was silently taking in the fact-which of course she had known already-that Ben was not expected to live long in this institution, whatever it was.
C’est un très beau roman, sur la différence, le regard des autres – notamment ceux des familles de Harriet et David qui blâment le couple de vouloir tant d’enfants sans avoir une position plus avantageuse…
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