David Vann : Aquarium

Par Lebouquineur @LBouquineur

David Vann, né en 1966 sur l'Île Adak en Alaska, est un écrivain américain. En France, la publication de Sukkwan Island en 2010 rencontre un fort succès critique autant que public ce qui lui vaut le prix Médicis étranger. Il partage désormais son temps entre la Nouvelle-Zélande où il vit et l'Europe. Son nouveau roman, le cinquième, Aquarium, vient de paraître.

Caitlin, douze ans, habite avec sa mère Sheri - célibataire et sans famille - dans un modeste appartement d’une banlieue de Seattle. Afin d’échapper à la solitude de sa vie quotidienne, chaque jour, après l’école, elle court à l’aquarium pour se plonger dans les profondeurs du monde marin qui la fascine. Là, elle rencontre un vieil homme qui semble partager sa passion pour les poissons et devient peu à peu son confident. Mais la vie de Caitlin bascule le jour où sa mère découvre cette amitié et lui révèle le terrible secret qui les lie toutes deux à cet homme.

Je ne révèlerai pas un grand secret en disant que cet homme est le père de Sheri, c'est-à-dire son grand-père. Que l’enfant soit surprise, on le comprend, mais le lecteur qui lui connait David Vann ne pouvait pas imaginer un de ses romans sans une famille et qui plus est, une famille explosée ou psychologiquement déjantée. Nous avons donc un bouquin qui débute dans la lignée des précédents opus de l’écrivain, une tragédie familiale, ici le père haï par sa fille pour les avoir abandonnées, elle quand elle était encore ado et sa mère mourante, revient auprès d’elle pour tenter de réparer ses torts. Mais, à la différence de ses autres livres, le nouveau Vann, car il y a un nouvel écrivain nommé David Vann - (« C'est le premier roman dans lequel il n'y aucun personnage qui vient de ma famille. C'est aussi mon premier roman qui n'est pas une tragédie.") - opte pour une happy end qui semble tirée d’un conte de fées ou d’une comédie. Le lecteur en reste perplexe car en plus, le bon et le moins bon se côtoient.

Le bon : ce sont les longs passages se déroulant dans l’aquarium, très poétiques, où les différentes espèces de poissons rares décrites par Caitlin semblent des métaphores sur sa vie, c’est aussi cet aquarium, bocal sécurisant pour l’enfant ; les premières rencontres entre la fillette et le vieil homme sont très belles de même que les scènes entre Caitlin et son amie Shalini découvrant les amours enfantines. Vann restant quand même toujours Vann, il y a aussi des passages réussis mais atroces d’horreur quand Sheri raconte à sa fille, la vie qu’elle a dû mener pour s’occuper seule de sa mère à l’agonie (Emouvant « œuf de sang »).

Le moins bon : les dialogues ne m’ont pas toujours paru très bien torchés (par exemple entre Sheri et les flics) et surtout, si les situations sont le plus souvent dramatiques, les mots ne l’expriment pas toujours aussi bien qu’on pourrait le souhaiter, ce qui fait que l’ensemble manque du souffle qui fait les grands romans. Et puis cette tendance de l’écrivain à en faire souvent un peu trop (Sheri obligeant Caitlin à jouer son calvaire d’aide-soignante de sa mère).

Pour conclure, le roman n’est pas mauvais mais il n’atteint pas complètement son but. A demi réussi donc. Quant à ce nouvel écrivain David Vann se profilant ici… Hum ! Hum ! A suivre ?

« Le vieil homme se tourna alors vers moi, s’agenouilla, un geste qui paru douloureux. Il prit mes mains dans les siennes. Une peau froide et humide, rêche. Ecoute, dit-il. Tu commences juste. Tu as une longue vie qui t’attend. Moi, il ne m’en reste qu’un peu. D’autres hommes se mettront à genoux devant toi, plus tard, ils t’offriront leur vie, mais je t’offre davantage. Offrir la fin d’une vie, c’est bien plus, et mes raisons sont bien plus pures. Je t’aime plus qu’aucun homme ne t’aimera jamais. J’essayai de retirer mes mains, mais il tint bon. Il y aura des périodes difficiles. Déroutantes. Tu ne seras pas contente. Mais souviens-toi juste que je t’aime et que je ferai n’importe quoi pour toi, à partir d’aujourd’hui. »

David Vann  Aquarium  Gallmeister – 271 pages –

Traduit de l’américain par Laura Derajinski

A noter que le texte est parsemé de petits dessins en noir et blanc, correspondant aux poissons cités dans le récit.