" Kim Nelson ", le 13ème tome de la saga " Djinn ", vient de sortir en librairie. Il s'agit d'un album événement dans la mesure où il marque la fin de cette série à succès entamée il y a 15 ans par Jean Dufaux et Ana Miralles avec l'album " La Favorite ". A cette occasion, nous avons rencontré les deux auteurs. L'occasion de constater qu'une réelle complicité existe aujourd'hui entre le scénariste belge et la dessinatrice espagnole, alors qu'ils se connaissaient très peu au début de leur collaboration. Du coup, Dufaux et Miralles en ont profité pour nous livrer quelques anecdotes méconnues sur " Djinn ", une série à la fois orientale et sensuelle, dont les couvertures sont à chaque fois un régal pour les yeux.
1. Kim Nelson et sa grand-mère Jade ne font qu'unJean Dufaux: " On peut dire en effet que Kim et Jade constituent un seul et même personnage. Dès le début de la saga, leurs deux destins sont liés. Bien plus que le sang, c'est le fait d'être toutes les deux des Djinns qui les unit avant tout. La seule différence vient du fait que Jade sait dès le début qu'elle est une Djinn. Elle est donc une sorte de mythe, alors que dans le même temps, Kim Nelson est à la recherche d'elle-même. Elle a peur, elle recule, elle avance, il y a des moments où elle s'approche de Jade et d'autres où elle s'en éloigne. Elle ne veut pas devenir comme sa grand-mère, même si au fond d'elle, elle sait très bien qu'elle est, elle aussi, une Djinn. "
Ana Miralles: " Graphiquement, Jade est un personnage qui occupe plus d'espace dans la série que Kim. D'ailleurs, lors des séances de dédicaces, les lecteurs me demandent souvent de dessiner le personnage principal. Ils ne me disent pas de qui il s'agit, mais dans leur esprit, il est clair que c'est Jade. Pourtant, Kim est un personnage que je trouve très intéressant, car elle est plus humaine. "
Ana Miralles: " Ce dernier album se termine sur une fin ouverte, avec pour objectif de titiller l'imaginaire du lecteur. A la fin de l'histoire, Kim Nelson note sur un papier une liste de 12 noms qu'elle compte supprimer les uns après les autres. Et comme par hasard, à côté du cadavre de sa première victime, on retrouve une clochette. "
Jean Dufaux: " Cette liste fait effectivement penser à celle d'Arya Stark dans la série Game of Thrones, mais je tiens à préciser que j'ai eu cette idée d'une liste de gens à tuer bien avant de la voir dans un épisode de Game of Thrones. " (rires)
3. Treize albums, c'est un de plus que prévuAna Miralles: " Forcément, on a eu un pincement au coeur quand la dernière planche de la série a été terminée. On a même pleuré. Mais en même temps, Jean m'a toujours affirmé qu'il fallait mettre un terme à la série. Dès le départ, il était prévu qu'on se limiterait à 12 albums. Finalement, on a juste fait un album supplémentaire par rapport au plan initial. "
Jean Dufaux: " En réalité, on ne savait pas tout de suite qu'on ferait autant d'albums, car il fallait d'abord voir si la rencontre allait bien se passer entre Ana et moi, puis entre l'éditeur et nous deux, et puis bien sûr entre la série et ses lecteurs. Mais on a eu la chance de rencontrer une bonne histoire et des beaux personnages. Du coup, le récit s'est développé par lui-même et les personnages se sont mis à vivre. Dès que j'ai vu le premier dessin de Kim Nelson par Ana, j'ai su tout de suite que ce personnage allait trouver sa place. Pareil pour Jade: lorsqu'elle est apparue, elle m'a immédiatement semblée incontournable. En tant que scénariste, si les dessins vous déçoivent, c'est très dur de raconter une histoire. Je ne peux pas faire parler un personnage si je ne le sens pas. Et à ce niveau-là, ça a été pour moi très simple de travailler avec Ana. "
Jean Dufaux: " Je suis sûr que ça se fera, même si ça arrivera peut-être après ma mort. J'ai pas mal de contacts dans le milieu du cinéma et je sais que la série Djinn est lue par tous les producteurs. Je pense d'ailleurs qu'il y a des trucs qui bougent pour le moment, mais comme toujours, le problème est de trouver l'argent. Car ce n'est pas parce que les filles sont nues que le budget est léger! " (rires)
Ana Miralles: " Moi aussi, je suis persuadée que la série a le potentiel pour faire un bon film, ou peut-être une mini-série. Mais si jamais il y a un jour une adaptation qui se concrétise, je pense que ça doit se faire avec des acteurs réels. Je n'imagine pas un dessin animé réalisé à partir de Djinn. "
5. Ana Miralles était sur le point d'arrêter la BD quand elle a rencontré Jean DufauxAna Miralles: " Jean et moi nous sommes rencontrés lors d'une fête organisée par les éditions Glénat à Grenoble. A cette époque-là, je pensais sérieusement à me tourner vers autre chose que la bande dessinée parce que ma série Eva Medusa ne marchait pas chez Glénat. C'est Jean qui est parvenu à me redonner confiance en moi. Du coup, j'ai retrouvé tout l'enthousiasme pour mon métier. Nous nous sommes nourris l'un de l'autre. Jean lance des suggestions, ensuite je traduis celles-ci en dessins et une fois qu'il voit ce que j'en ai fait, il a de nouvelles idées. C'est très vivant. Un vrai travail d'équipe. "
Jean Dufaux: " J'ai été attiré par la lumière et les couleurs du dessin d'Ana. Et puis surtout, par le fait qu'elle a un style bien à elle. C'est ce que je recherche chez un dessinateur. Il y a beaucoup d'auteurs qui sont des copies carbone d'autres dessinateurs. Ce n'est pas le cas d'Ana. On aime ou on n'aime pas son style, mais c'est le sien, il est unique. C'est notamment lié à son utilisation de la lumière. C'est pour ça aussi que les trois cycles de Djinn se déroulent dans des pays ensoleillés. Cela nous permet de jouer avec les ombres et les lumières. "
Ana Miralles: " Quand j'ai commencé à faire de la BD, j'étais très préoccupée par la recherche d'un style personnel. J'étais très hésitante, car je voulais à tout prix faire quelque chose d'original. C'est pour cette raison que les albums d'Eva Medusa sont un peu irréguliers. Ce n'est qu'au moment où j'ai décidé d'arrêter de chercher un style et de dessiner comme je le voulais, de manière très détendue, que j'ai trouvé ma personnalité. En réalité, j'avais un style caché. C'est quand j'ai arrêté de le chercher que je l'ai découvert. "
Jean Dufaux: " Dès le moment où j'ai écrit la scène des 30 clochettes (NdlR: celle où Kim Nelson doit coucher avec 30 hommes différents, chaque amant représentant une clochette), je savais très bien qu'Ana allait hurler et qu'elle n'allait pas aimer devoir dessiner ça. Et c'est effectivement ce qui s'est passé. Mais en même temps, je savais aussi que cette scène était indispensable dans la construction du récit. Finalement, elle l'a très bien compris. D'ailleurs, la série se termine sur une clochette! Mais de toute façon, est-ce que vous connaissez des couples de 15 ans qui ne se disputent jamais? "
7. Il existe deux versions de la couverture du premier albumAna Miralles: " A la base, j'avais représenté Jade toute nue sur la couverture du premier album. Quand les commerciaux de l'éditeur ont vu cette couverture, ils ont dit qu'elle était très belle et que l'album allait certainement avoir du succès, mais ils m'ont demandé de la changer car à cause de cette couverture, le livre n'allait pas pouvoir être vendu dans les grandes surfaces. Du coup, j'ai rajouté un voile sur l'illustration, grâce à Photoshop. Il existe donc deux couvertures différentes pour cet album. "
Jean Dufaux: " Au cours de ma carrière, j'ai été confronté plusieurs fois à cette forme de censure un peu molle. Je me souviens d'une remarque similaire qui avait été faite sur la série Murena. Certains regrettaient qu'il y avait des hommes nus dans l'histoire. Je leur ai répondu qu'à cette époque-là, les hommes étaient nus lors des combats du matin. Mais j'ai dû me rendre jusqu'à Paris pour expliquer mon point de vue à l'éditeur. "
8. Il n'y aura pas de suite... mais des spin-offs ne sont pas à exclure!Ana Miralles: " La réalisation de ce dernier album m'a demandé beaucoup d'énergie. J'ai donc besoin de souffler un peu et de faire d'autres choses. Pour l'instant, je suis en train de travailler sur la suite de Waluk, un livre pour enfants sur un petit ours polaire, dont le premier tome était paru en 2011 chez Delcourt. "
Jean Dufaux: " Djinn, c'est un peu comme les 1.001 nuits. Nous avons raconté une histoire, mais on pourrait encore en raconter mille autres. D'ici quelques mois ou quelques années, si jamais Djinn nous manque, on pourrait avoir envie de raconter des choses sur d'autres personnages de la série, par exemple. On pourrait notamment faire des spin-offs sur la mère de Kim Nelson, qui est aussi une djinn et dont on n'a pas parlé jusqu'à présent, ou sur l'enfance de Jade, afin de mieux comprendre comment elle est devenue la favorite du harem. Pour l'instant, l'éditeur ne nous pousse pas encore dans cette direction parce qu'il sait qu'on est fatigués, mais qui sait: ça pourrait venir. "
Ana Miralles: " C'est très compliqué de chercher à faire une série à succès. C'est quelque chose qui arrive sans qu'on sache très bien pourquoi. Les éditeurs eux-mêmes sont toujours à la recherche de la bonne formule. Je pense que Djinn a cette alchimie qui fait que ça continue à bien fonctionner. Mais je ne pense pas que je ferai un jour une autre série qui aura autant de succès que Djinn, car c'est quelque chose qu'on ne peut pas contrôler. "