Chronique « The long and winding road »,
Scénario de Christopher, dessin de Pellejero,
Public conseillé : Adultes et ado,
Style : Roman graphique intime,
Paru aux éditions Kennes, le du 5 octobre 2016, 180 pages couleurs, 29 euros,
Share
L’Histoire
Montpellier. Ulysse, cinquantenaire bedonnant vient assister à l’enterrement de son père, Lucien. Accompagné de sa tante Jeanne, il arrive devant l’église, noire de monde à son grand étonnement. Après l’homélie, Ulysse se dirige vers le pupitre et lit les dernières volontés de son paternel, devant un parterre pétrifié.
Au lieu de rejoindre le caveau familial, il veut être incinéré et que ses cendres soient jetées à l’île de Wight…
Dans la maison où vivait Lucien, Ulysse reçoit un paquet inattendu, rempli de cartes, de vieilles cassettes de musique et d’une longue lettre. Son père lui demande de suivre à la lettre le programme qu’il a écrit, une sorte de pèlerinage vers le concert mythique de 1970. Pour couronner le tout, Ulysse doit le faire à bord du combi Volkswagen de l’époque, surnommé “Le commodore”…
Embarquant l’urne funéraire, voilà que commence une fameuse odyssée…
Ce que j’en pense
Quel sacré album ! Christopher (scénario) et Ruben Pellejro (au dessin) nous entraînent sur la route du souvenir. Au volant d’un combi Volkswagen typé seventies (ou flower power comme vous voudrez), Ulysse, quadra peu enclin à l’aventure, va suivre pas à pas l’année 70 de son père, accompagné des trois inséparables amis musicos de l’époque.
Alain (orgue et piano) Jacques (batterie) et William (basse), trois papys bien décalés mais encore vivants (peut-être plus même qu’Ulysse) vont accompagner le jeunot, dans sa quête…
L’idée est simple, sobre, évidente presque, mais ce n’est pas l’originalité du propos qui m’a séduit dans cet album fleuve. Au long des 180 pages, les auteurs jouent sur la relation fils-père avec un sens de la narration touchant (tout le temps), drôle (souvent) et émouvant.
Sur l’idée que père et fils ne se connaissent pas vraiment (surtout dans le sens fils > père), Christopher compose un road-movie (une fuite en avant) très seventies. Se passant dans notre présent, c’est bien une odyssée qu’Ulysse va vivre en refaisant pas à pas la route qu’a emprunté son père 45 ans auparavant.
Découverte de sa jeunesse, de ses aspirations (le rock, la liberté, et même un amour inconnu), Ulysse apprend peu à peu à découvrir l’homme et se rapproche de ce père aux désirs de vie si intense.
J’ai été touché par ce bel album tout simple, qui parle d’amour et de relations père-fils. Un peu à la manière du film de Burton “A big Fish”, mais à la sauce “Sur la route” (de Kerouac), Christopher et Pellejero m’ont embarqué dans un road trip beau et sensible, sans pathos ni jugement.
Au dessin, Pellejero m’a surpris. Peut-être que vous connaissez ce grand monsieur grâce au dernier Corto Maltese, dont on lui a confié le dessin ? J’espère que vous connaissez ses album doux et forts précédents comme Loup de pluie, L’écorché ou Le tour de valse.
Aidé à l’encrage par Tony Benages Gallard, son trait se fait plus simple. Classique, avec un sens du rythme et de la lisibilité toujours optimales, ce n’est pas un “grand dessin” mais un dessin élégant… juste ce qu’il faut.
La couleur, de Ruben et de Xavi René, est traitée en camaïeux (ocres, rouges). Elle laisse exprimer les sentiments et ne cherche pas à ramener au réalisme coûte que coûte. Quelques rares planches sont traitées en couleurs violentes et saturées. Bon, vous l’aurez compris, ce sont les passages vécus sous acide ou stupéfiant…
Musique, vous avez dit musique ?
Comment pourrait-il en être autrement ? The Long and Winding Road est autant un album intimiste, qu’un cri d’amour à la musique des années 70, libertaire, révoltée, revendicative ou juste folle de liberté et d’amour et de désirs, chaque chapitre est accompagné de sa musique.
Les éditions Keynes n’ont pas pu éditer un CD, mais tout est fait pour que vous vous preniez en main et alliez vous-même mettre la BO qui va bien.