Tout désir rêve en secret la mort du temps, Jean-Pierre Vidal…

191. — L’humanité reste intermittente. Comme un rêve entr’aperçu.

192. — Certains défraient la chronique, d’autres, carrément, l’effraient.

193. — La chasse, c’est la guerre inégale. Tous ces vaillants guerriers d’automne qui arborent fièrement sur leur capot le chef déconfit d’un inoffensif ruminant, ou qui mitraillent à pleins plombs des volatiles un peu zarzais, on devrait les envoyer affronter des machines de guerre aussi redoutables qu’eux : l’ours polaire ou le tigre du Bengale. Et voir comment se comporterait alors leur terrible bedaine gonflée à la grosse Mol.

194. — Le paradoxe de la séduction, c’est qu’elle n’opère jamais autant que lorsque celle ou celui qui la déploie s’y cache dans l’élégance du mystère où son individualité se refuse. Spectaculairement.

195. — Vices et vertus sont les deux revers d’une même médaille… qui n’est guère sainte.

196. — Lorsque Dieu a eu fini de se faire entendre, des poètes ont écrit les testaments de sa parole. Puis sont venus pédagogues et politiciens, huissiers et comptables de la chose religieuse qui nous ont donné des catéchismes. Et la foi du charbonnier a obscurci Dieu jusqu’à l’insignifiance.

197. — Je ne supporte la crapule que méprisante et la canaille hautaine. Car lorsqu’il faut qu’en plus elle m’accable de sa bonhomie, de ses protestations démagogiques et de sa prétention à l’ordinaire, je me sens agressé dans ma foncière et irrémédiable simplicité. Capitalistes, affairistes et magouilleurs, restez distants !

198. — Tout désir rêve en secret la mort du temps.

199. — Un mort ne consomme pas, c’est pourquoi il y a lieu d’espérer de l’économisme absolu que nous vivons une amélioration des droits de l’homme. Mais une personne intelligente, formée, renseignée, cultivée, consomme moins bien qu’un con inculte. C’est pourquoi la télé fait de nous tous des cons, systématiquement, jour après jour et saison après saison. La télé ne se finance pas avec de la publicité, elle n’est que de la publicité. Pour un monde de cons. Qui est déjà là.

200. — Si l’on ne voit bien que visière levée, à visage découvert, on ne dit bien, même la vérité, surtout la vérité, qu’à travers un masque. Voyez, disons, Descartes…

Notice biographique

Écrivain, sémioticien et chercheur, Jean-Pierre Vidal est professeur émérite de l’Université du Québec à Chicoutimi où il a enseigné depuis sa fondation en 1969.  Outre des centaines d’articles dans des revues universitaireschat qui louche, maykan, alain gagnon, francophonie, québec, littératurequébécoises et françaises, il a publié deux livres sur Alain Robbe-Grillet, trois recueils de nouvelles (Histoires cruelles et lamentables – 1991, Petites morts et autres contrariétés – 2011, et Le chat qui avait mordu Sigmund Freud – 2013), un essai en 2004 : Le labyrinthe aboli – de quelques Minotaures contemporains ainsi qu’un recueil d’aphorismes,Apophtegmes et rancœurs, aux Éditions numériques du Chat qui louche en 2012.  Jean-Pierre Vidal collabore à diverses revues culturelles et artistiques (SpiraleTangenceXYZEsseEtcCiel VariableZone occupée).  En plus de cette Chronique d’humeur bimensuelle, il participe occasionnellement, sous le pseudonyme de Diogène l’ancien, au blogue de Mauvaise herbe.  Depuis 2005, il est conseiller scientifique au Fonds de Recherche du Québec–Société et Culture (F.R.Q.S.C.).

(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)