Après la lecture de "Je l'ai fait pour toi", de Laurent Scalese, dont l'intrigue tourne autour de la mort d'une romancière, également propriétaire d'une maison d'édition, j'ai eu envie de rester dans ce domaine, avec deux romans que j'avais sur mes étagères. D'abord, un premier roman français qui a déjà pas mal fait parler de lui, en décrochant le premier prix Stanislas, remis au Livre sur la Place, à Nancy, "la Correction", d'Elodie Llorca, aux éditions Rivages. J'ai évoqué l'édition, ici, ce n'est pas tout à fait juste, puisque le personnage principal travaille dans une revue. Mais, il exerce une profession indispensable aussi bien dans la presse que dans l'édition, il est correcteur. C'est lui qui relis et annote les articles avant publication, corrigeant les éventuelles fautes de frappe, les fameuses coquilles, ou les tournures maladroites des journalistes. Pas très palpitant, pour en faire le personnage central d'un roman ? Détrompez-vous, "La Correction" est un livre plein de douce ironie, d'une légère noirceur et d'un joli jeu sur les mots...
François est correcteur depuis trois ans dans un périodique qui s'appelle "La Revue du Tellière". Trois ans qu'il procède à des retouches pour éliminer les fautes de frappe dans les articles de ses collègues journalistes. Trois ans qu'il allège les lourdeurs, cisèle les tournures brutes, élague les phrases trop touffues... Son ennemie intime, c'est la coquille...
Ah, la coquille... La coquine, même ! Elle se glisse partout, sans prévenir, conséquence d'un doigt qui ripe, d'une faute d'inattention, d'une relecture insuffisante avant de rendre sa copie, d'une allergie à l'orthographe et à la grammaire ou encore d'un je-m'en-foutisme condamnable... Mais, c'est son devoir, sa passion, son plaisir de les éliminer sans pitié pour que paraisse un papier parfait.
François a d'abord travaillé pour un papetier avant de donner une nouvelle orientation à sa carrière professionnelle, en choisissant donc ce métier de correcteur. Un choix qui a largement été guidé par sa mère, persuadée que c'était sa vocation, qu'il devait occuper ce poste et aucun autre. Et François n'est pas du genre à contredire sa mère...
Trois ans qu'il travaille donc pour Reine, la patronne intransigeante et sévère de "la Revue du Tellière". Une femme qui le fascine autant qu'il la redoute. Elle a son caractère, Reine, et elle mène sa rédaction d'une poigne de fer. François le sait, si son travail baisse de qualité, elle se montrera impitoyable et lui cherchera un remplaçant...
Voilà pourquoi François est inquiet depuis quelques semaines. Car, il a noté une sérieuse hausse du nombre de corrections à effectuer dans les articles qu'on lui soumet... Elles sont de plus en plus nombreuses, mais elles lui paraissent également de plus en plus suggestives, comme cette "roulure", apparue à la place de "coulure"...
Suspicieux, François en vient même à se demander si Reine ne serait pas à l'origine de cette inflation pleine de sous-entendus... Sa patronne oserait-elle le mettre ainsi à l'épreuve ? Aurait-elle trouvé une méthode innovante et particulièrement roublarde de harcèlement moral ? Veut-elle le faire craquer pour se débarrasser de lui ?
Tout cela tourne dans l'esprit de François, déjà chamboulé par des difficultés domestiques. On ne sait pas tout, tout de suite, et ses soucis conjugaux semblent être la dernière étape d'une sale série. Avec Marie, sa femme, ça ne va plus, le couple va se défaire, c'est inéluctable. Et le correcteur ne peut rien contre tout cela, son destin lui échappe.
C'est un timide, François, un introverti. Lorsqu'il n'est pas occupé à effacer des lettres mal placées, il s'efface lui-même, en particulier devant les trois femmes de sa vie : sa mère, son épouse, sa patronne. Jamais il ne se rebelle, ne se révolte, il accepte leurs décisions, même quand elles influent brutalement sur sa vie, même quand elles lui arrachent son destin des mains...
Mais, lorsqu'on touche à son métier, à sa mission quasi providentielle, lorsqu'on essaye de ruiner son boulot en rajoutant des fautes dans son dos, là, rien ne va plus. Perdu, privé de repères, il se plonge de plus en plus intensément dans sa traque des fautes, jusqu'à devenir obsessionnel. Et tant pis si ce rustre de Tapoin le provoque en permanence, il sait qu'il aura le dernier mot, d'un coup de crayon.
Et puis, il y a les oiseaux... J'allais écrire qu'ils sont partout dans ce livre, ce n'est pas tout à fait vrai. Mais, à partir de l'apparition du premier d'entre eux, ils occupent une place sans cesse croissante dans l'histoire de François. Pourquoi des oiseaux ? Mais c'est justement cela qu'il faut découvrir en lisant "la Correction" !
J'ai pensé un moment donné à ce billet un titre tiré de la chanson de Michel Fugain, "Fais comme l'oiseau", ça aurait pas mal collé. Le correcteur serait-il un drôle d'oiseau ? Celui qui est au coeur de "la Correction" pourrait avoir ce profil, oui. Et peut-être même plus qu'on ne pourrait le croire, si on s'en tient à cette simple expression.
N'imaginez pas que Elodie Llorca se la joue Daphné du Maurier, qu'elle lance sur le monde des hordes de terrifiants volatiles. Non, ils sont même plutôt sympathiques et mignons, ces oiseaux, que l'on croise dans "la Correction" et pourtant, leur irruption croissante, sous toutes les formes, même les plus inattendues, intrigue. Elle devient elle aussi envoûtante, obsessionnelle.
Elodie Llorca nous offre pour ce premier roman un cocktail fait de noirceur et d'ironie. Oui, c'est un roman noir (après tout, on est chez Rivages), parce qu'on y ressent un mystère, une tension certaine et même une trame qui pourrait parfaitement se prêter à l'intrigue. Ici, on ne tue pas son prochain, ou alors lentement, la tension est d'abord psychologique.
Il y a quelque chose de chabrolien dans ce roman, assez étouffant. Il pourrait même être hitchcockien, tiens. Un personnage complètement enfermé dans une existence qu'il n'a pas construite et, autour de lui, ces empêcheurs de corriger en rond qui lui marchent sans cesse sur les pieds. Il est falot, notre bon François, trop gentil, peinant à s'imposer, autrement que lorsqu'il remet ses indications à Reine.
Et le respect, bordel ? Pardonnez-moi, mais c'est vraiment cela : personne ne respecte vraiment François, puisqu'il accepte tout de bonne grâce. Alors, faut-il se méfiez de l'eau qui dort ? Longtemps, enfin, pas trop, car le roman d'Elodie Llorca est bref, je me suis demandé comment allait se manifester l'explosion de toutes les frustrations accumulées par le correcteur depuis des mois...
Du noir, ai-je dit, je manigançais des dénouements boileau-narcejacquiens, tortueux, déroutants, flippants, aux limites de la perversion, même... J'étais loin du compte, en fait. Mais la folie, elle, elle est bien présente dans ce livre, et elle monte... Peut-être ne s'en rend-on pas compte tout de suite, car c'est François le narrateur. Mais, peu à peu, elle s'immisce...
Ajoutez à cela un délicat exercice de style, dans lequel les mots deviennent des acteurs de l'histoire, comme de facétieux lutins jouant avec ceux qui les prononcent, les écrivent et surtout, cherchent à les corriger. Elodie Llorca joue sur et avec les mots, dans ce premier roman, pas à la façon d'un Devos ou d'un Lapointe, mais avec finesse.
A partir de ce jeu, elle dessine une espèce de parabole dont François est le héros, malgré lui. Elle joue même avec le travail du correcteur sur les mots : François aurait-il corrigé ses propres paroles s'il avait lu ce chapitre commençant par "le bureau était un petit open space"... Sept fois dans ces trois pages, on lit le mot bureau, huit, si l'on compte l'occurrence à la fin du chapitre précédent...
Je fais du mauvais esprit, je chipote, j'en conviens. Mais, le discours de François apparaît là pour la première fois un peu décousu. Cette répétition chronique, ce refus de recourir à des synonymes ou des périphrases, tout cela indique le trouble qui commence à s'installer dans l'esprit du correcteur qui perd un peu les pédales.
Par la suite, ce jeu sur les mots va prendre d'autres formes, jusqu'aux jeux classiques, aux doubles sens et aux analogies, et cela fonctionne parfaitement, jusqu'au dénouement. Ah, ce dénouement, je voudrais tant l'évoquer, vous dire ce qui m'a fait rire (pauvre François, tu n'as pas mérité ça !), ce qui m'a procuré un vrai plaisir de lecture et rappelé des images bien précises (attention, clic = spoiler).
Il y a une belle maîtrise dans ce premier roman, bref, moins de 200 pages, mais vif et sans fioriture. Les chapitres sont courts, majoritairement trois ou deux pages, rarement plus, et cela donne un vrai rythme à cette histoire. Il y a un je-ne-sais-quoi d'ironique dans l'ensemble, c'est mon ressenti, mais y perce une vraie tendresse pour cet homme dépassé, en quête de quelque chose dont il ignore lui-même de quoi il s'agit.
Elodie Llorca se lance en littérature mais ce n'est pas une débutante : fille d'une comédienne de théâtre, elle a elle-même connu les planches avant d'écrire des pièces puis de devenir scénariste. Elle poursuit donc son exploration des formes d'écriture avec un passage au roman très prometteur, dans un univers qu'elle rend parfaitement trouble alors qu'il a tout pour rester très quotidien.
Le lecteur est un témoin impuissant du naufrage de François et il se demande, page après page, si quelqu'un tire les ficelles dans l'ombre pour le pousser à bout ou si son pire ennemi n'est autre que lui-même. De cette ambiguïté, renforcée par le choix de confier la narration à François, naît une vraie atmosphère, où le non-dit et l'acte manqué transparaissent d'une coquille à l'autre...
C'est tendu, déroutant, on ne sait pas trop comment se comporter vis-à-vis de François, qu'on a envie, à tour de rôle, de secouer pour le réveiller, de moquer pour le piquer au vif, d'aider pour le sortir de l'ornière, de réconforter parce qu'il en a sérieusement besoin ou de lui mettre un bon coup de pied au derrière avec un long soupir d'exaspération.
Et, puisqu'on a parlé du jeu sur les mots, des ambiguïtés et des sens cachés qui apparaissent à l'issue de cette lecture, n'oubliez pas, si vous vous lancez dans cette lecture, de vous interroger sur le titre choisi par Elodie Llorca. Il vous semble évident ? Oui, bien sûr, mais ne l'enfermez pas dans un sens trop restrictif, comme François s'est laissé enfermer... Car l'erreur n'est peut-être pas que sur le papier.
François est correcteur depuis trois ans dans un périodique qui s'appelle "La Revue du Tellière". Trois ans qu'il procède à des retouches pour éliminer les fautes de frappe dans les articles de ses collègues journalistes. Trois ans qu'il allège les lourdeurs, cisèle les tournures brutes, élague les phrases trop touffues... Son ennemie intime, c'est la coquille...
Ah, la coquille... La coquine, même ! Elle se glisse partout, sans prévenir, conséquence d'un doigt qui ripe, d'une faute d'inattention, d'une relecture insuffisante avant de rendre sa copie, d'une allergie à l'orthographe et à la grammaire ou encore d'un je-m'en-foutisme condamnable... Mais, c'est son devoir, sa passion, son plaisir de les éliminer sans pitié pour que paraisse un papier parfait.
François a d'abord travaillé pour un papetier avant de donner une nouvelle orientation à sa carrière professionnelle, en choisissant donc ce métier de correcteur. Un choix qui a largement été guidé par sa mère, persuadée que c'était sa vocation, qu'il devait occuper ce poste et aucun autre. Et François n'est pas du genre à contredire sa mère...
Trois ans qu'il travaille donc pour Reine, la patronne intransigeante et sévère de "la Revue du Tellière". Une femme qui le fascine autant qu'il la redoute. Elle a son caractère, Reine, et elle mène sa rédaction d'une poigne de fer. François le sait, si son travail baisse de qualité, elle se montrera impitoyable et lui cherchera un remplaçant...
Voilà pourquoi François est inquiet depuis quelques semaines. Car, il a noté une sérieuse hausse du nombre de corrections à effectuer dans les articles qu'on lui soumet... Elles sont de plus en plus nombreuses, mais elles lui paraissent également de plus en plus suggestives, comme cette "roulure", apparue à la place de "coulure"...
Suspicieux, François en vient même à se demander si Reine ne serait pas à l'origine de cette inflation pleine de sous-entendus... Sa patronne oserait-elle le mettre ainsi à l'épreuve ? Aurait-elle trouvé une méthode innovante et particulièrement roublarde de harcèlement moral ? Veut-elle le faire craquer pour se débarrasser de lui ?
Tout cela tourne dans l'esprit de François, déjà chamboulé par des difficultés domestiques. On ne sait pas tout, tout de suite, et ses soucis conjugaux semblent être la dernière étape d'une sale série. Avec Marie, sa femme, ça ne va plus, le couple va se défaire, c'est inéluctable. Et le correcteur ne peut rien contre tout cela, son destin lui échappe.
C'est un timide, François, un introverti. Lorsqu'il n'est pas occupé à effacer des lettres mal placées, il s'efface lui-même, en particulier devant les trois femmes de sa vie : sa mère, son épouse, sa patronne. Jamais il ne se rebelle, ne se révolte, il accepte leurs décisions, même quand elles influent brutalement sur sa vie, même quand elles lui arrachent son destin des mains...
Mais, lorsqu'on touche à son métier, à sa mission quasi providentielle, lorsqu'on essaye de ruiner son boulot en rajoutant des fautes dans son dos, là, rien ne va plus. Perdu, privé de repères, il se plonge de plus en plus intensément dans sa traque des fautes, jusqu'à devenir obsessionnel. Et tant pis si ce rustre de Tapoin le provoque en permanence, il sait qu'il aura le dernier mot, d'un coup de crayon.
Et puis, il y a les oiseaux... J'allais écrire qu'ils sont partout dans ce livre, ce n'est pas tout à fait vrai. Mais, à partir de l'apparition du premier d'entre eux, ils occupent une place sans cesse croissante dans l'histoire de François. Pourquoi des oiseaux ? Mais c'est justement cela qu'il faut découvrir en lisant "la Correction" !
J'ai pensé un moment donné à ce billet un titre tiré de la chanson de Michel Fugain, "Fais comme l'oiseau", ça aurait pas mal collé. Le correcteur serait-il un drôle d'oiseau ? Celui qui est au coeur de "la Correction" pourrait avoir ce profil, oui. Et peut-être même plus qu'on ne pourrait le croire, si on s'en tient à cette simple expression.
N'imaginez pas que Elodie Llorca se la joue Daphné du Maurier, qu'elle lance sur le monde des hordes de terrifiants volatiles. Non, ils sont même plutôt sympathiques et mignons, ces oiseaux, que l'on croise dans "la Correction" et pourtant, leur irruption croissante, sous toutes les formes, même les plus inattendues, intrigue. Elle devient elle aussi envoûtante, obsessionnelle.
Elodie Llorca nous offre pour ce premier roman un cocktail fait de noirceur et d'ironie. Oui, c'est un roman noir (après tout, on est chez Rivages), parce qu'on y ressent un mystère, une tension certaine et même une trame qui pourrait parfaitement se prêter à l'intrigue. Ici, on ne tue pas son prochain, ou alors lentement, la tension est d'abord psychologique.
Il y a quelque chose de chabrolien dans ce roman, assez étouffant. Il pourrait même être hitchcockien, tiens. Un personnage complètement enfermé dans une existence qu'il n'a pas construite et, autour de lui, ces empêcheurs de corriger en rond qui lui marchent sans cesse sur les pieds. Il est falot, notre bon François, trop gentil, peinant à s'imposer, autrement que lorsqu'il remet ses indications à Reine.
Et le respect, bordel ? Pardonnez-moi, mais c'est vraiment cela : personne ne respecte vraiment François, puisqu'il accepte tout de bonne grâce. Alors, faut-il se méfiez de l'eau qui dort ? Longtemps, enfin, pas trop, car le roman d'Elodie Llorca est bref, je me suis demandé comment allait se manifester l'explosion de toutes les frustrations accumulées par le correcteur depuis des mois...
Du noir, ai-je dit, je manigançais des dénouements boileau-narcejacquiens, tortueux, déroutants, flippants, aux limites de la perversion, même... J'étais loin du compte, en fait. Mais la folie, elle, elle est bien présente dans ce livre, et elle monte... Peut-être ne s'en rend-on pas compte tout de suite, car c'est François le narrateur. Mais, peu à peu, elle s'immisce...
Ajoutez à cela un délicat exercice de style, dans lequel les mots deviennent des acteurs de l'histoire, comme de facétieux lutins jouant avec ceux qui les prononcent, les écrivent et surtout, cherchent à les corriger. Elodie Llorca joue sur et avec les mots, dans ce premier roman, pas à la façon d'un Devos ou d'un Lapointe, mais avec finesse.
A partir de ce jeu, elle dessine une espèce de parabole dont François est le héros, malgré lui. Elle joue même avec le travail du correcteur sur les mots : François aurait-il corrigé ses propres paroles s'il avait lu ce chapitre commençant par "le bureau était un petit open space"... Sept fois dans ces trois pages, on lit le mot bureau, huit, si l'on compte l'occurrence à la fin du chapitre précédent...
Je fais du mauvais esprit, je chipote, j'en conviens. Mais, le discours de François apparaît là pour la première fois un peu décousu. Cette répétition chronique, ce refus de recourir à des synonymes ou des périphrases, tout cela indique le trouble qui commence à s'installer dans l'esprit du correcteur qui perd un peu les pédales.
Par la suite, ce jeu sur les mots va prendre d'autres formes, jusqu'aux jeux classiques, aux doubles sens et aux analogies, et cela fonctionne parfaitement, jusqu'au dénouement. Ah, ce dénouement, je voudrais tant l'évoquer, vous dire ce qui m'a fait rire (pauvre François, tu n'as pas mérité ça !), ce qui m'a procuré un vrai plaisir de lecture et rappelé des images bien précises (attention, clic = spoiler).
Il y a une belle maîtrise dans ce premier roman, bref, moins de 200 pages, mais vif et sans fioriture. Les chapitres sont courts, majoritairement trois ou deux pages, rarement plus, et cela donne un vrai rythme à cette histoire. Il y a un je-ne-sais-quoi d'ironique dans l'ensemble, c'est mon ressenti, mais y perce une vraie tendresse pour cet homme dépassé, en quête de quelque chose dont il ignore lui-même de quoi il s'agit.
Elodie Llorca se lance en littérature mais ce n'est pas une débutante : fille d'une comédienne de théâtre, elle a elle-même connu les planches avant d'écrire des pièces puis de devenir scénariste. Elle poursuit donc son exploration des formes d'écriture avec un passage au roman très prometteur, dans un univers qu'elle rend parfaitement trouble alors qu'il a tout pour rester très quotidien.
Le lecteur est un témoin impuissant du naufrage de François et il se demande, page après page, si quelqu'un tire les ficelles dans l'ombre pour le pousser à bout ou si son pire ennemi n'est autre que lui-même. De cette ambiguïté, renforcée par le choix de confier la narration à François, naît une vraie atmosphère, où le non-dit et l'acte manqué transparaissent d'une coquille à l'autre...
C'est tendu, déroutant, on ne sait pas trop comment se comporter vis-à-vis de François, qu'on a envie, à tour de rôle, de secouer pour le réveiller, de moquer pour le piquer au vif, d'aider pour le sortir de l'ornière, de réconforter parce qu'il en a sérieusement besoin ou de lui mettre un bon coup de pied au derrière avec un long soupir d'exaspération.
Et, puisqu'on a parlé du jeu sur les mots, des ambiguïtés et des sens cachés qui apparaissent à l'issue de cette lecture, n'oubliez pas, si vous vous lancez dans cette lecture, de vous interroger sur le titre choisi par Elodie Llorca. Il vous semble évident ? Oui, bien sûr, mais ne l'enfermez pas dans un sens trop restrictif, comme François s'est laissé enfermer... Car l'erreur n'est peut-être pas que sur le papier.