C’est lundi, je dépoussière… Virginia Wolf

Par Entre Les Pages @EntreLesPages

Chaque lundi, Entre Les Pages vous propose un ancien article dont le texte et la mise en page ont été rafraîchis. De belles redécouvertes au programme ! Aujourd’hui, place à…

Virginia Wolf de Kyo Maclear & Isabelle Arsenault

Pour parler simplement de la dépression aux enfants, Virginia Wolf s’inspire de la douleur de l’auteur Virginia Woolf et de sa relation avec sa sœur. Si personne n’est responsable de ce mal qui ronge, il est tout de même possible d’aider ceux qui en sont atteints. C’est ce que va faire le personnage de Vanessa en menant sa sœur à « Bloomsbury » par le rêve et l’imagination, un lieu où tout est possible, où elle pourra s’épanouir et faire disparaître la bête qui vit en elle (« Bloomsbury » étant un groupe d’intellectuels dont faisaient partie Virginia Woolf, son époux Léonard Woolf, Lytton Stratchey et bien d’autres). L’œuvre de Kyo Maclear, illustrée par Isabelle Arsenault est donc emplie de beautés et de positivisme, de pages qui contrastent avec le destin de la grande dame du Stream of Consciousness pour qui le bonheur existait par le refuge dans la création. L’inéluctable peine cependant à s’effacer totalement, même ici, comme éternellement inconsciemment (ou pas) greffé à l’image de cette âme.

Quelle création que celle du monde et Virginia et Vanessa ! Si les couleurs semblent timides, peu utilisées, elle sont justement parfaitement employées. Leur sobriété frappe dans le sens où cette retenue est maîtrisée et puissante. Les ombres chinoises confèrent beaucoup de vie et de légèreté, font elles aussi partie de ce complot qui veut mener l’esprit vers l’agréable, vers des pensées énergisantes. Signe moins en faveur d’un futur radieux, quand Virginia retrouve forme humaine, le nœud qu’elle porte dans ses cheveux a gardé la forme des oreilles du loup. Cette image pèse, fait mal, comme si l’animal la guettait, attendait la moindre faiblesse pour s’emparer à nouveau d’elle. Cela, même si la couleur bleue du rêve, de l’apaisement, de la spiritualité mais aussi celle de l’eau tueuse dont il faudrait parler pendant des heures est celle de la petite Virginia à la fin de l’histoire.

Le loup, qui a permis un jeu de mots avec le nom de Virginia Woolf, habite cet album avec tout ce qu’il rappellera et connotera aux enfant et avec tout ce qu’il évoque à celui qui sait combien il est symbolique. Il ne peut être gratuit, innocent, à commencer par sa symbolique de la lumière : peut-être est-elle celle que l’auteur arrivait à atteindre au milieu de son esprit torturé en écrivant, celle qui lui permettait de survivre comme l’ouvrage voit en la création un remède. Où est-ce, pour la narguer, celle qu’elle n’a jamais pu atteindre. Tout comme le loup, Woolf était quelqu’un de solitaire. Et alors que la femelle du loup représente la débauche et le désir charnel, elle rappelle que la sexualité de l’auteur était complexe. Si le but de Virginia Wolf est d’entamer un dialogue sur le thème de la dépression avec les enfants et qu’il réussit brillamment son intention première, il s’avère être un livre à plusieurs dimensions dont la plus belle des tentatives est d’exaucer un souhait intime par la voie de l’art : sauver Virginia Woolf, ignorer toutes les réminiscences du malin et donner le dernier mot à ce magnifique sourire de la dernière page.

Présentation de l’éditeur :
Virginia
, la sœur de Vanessa, est d’humeur féroce – elle grogne, elle hurle à la lune et elle fait des choses très étranges. Elle est prise d’un cafard si intense que tout la maison semble sens dessus dessous. Vanessa fait tout ce qu’elle peut pour lui remonter le moral, mais rien n’y fait. Jusqu’à ce que Virginia parle à Vanessa d’un lieu imaginaire, un endroit merveilleux nommé Bloomsberry