Deadly Class (T1 à 3)

Par Un_amour_de_bd @un_mour_de_bd

Chronique « Deadly Class (T1 à 3) »

Scénario de Rick Remender, dessin de Wes Craig et couleurs de Lee Loughridge,

Public conseillé : Adultes et adolescents,

Style : Thriller, 
Paru chez Urban Comics , le 22 avril 2016 pour le T3, 128 pages, 14 euros,
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L’Histoire

Avec Rick Remender, on peut dire qu’Urban Comics a touché le gros lot. L’homme fait aujourd’hui partie des scénaristes en vogue aux Etats-Unis et, après la SF délicieuse et bien barrée de “Fear Agent” (2 superbes intégrales chez Akileos, qu’il faut absolument avoir !), les séries se succèdent dans la catalogue Urban Indies. L’excellent Black Science (4 tomes parus, et encore de la SF très réussie), ce “Deadly Class” (3 tomes parus) dont nous allons parler, “Tokyo Ghost”, avec {Sean Murphy} au dessin, un titre remarquable qui sort après “Low” (2 titres parus), un genre de SF sous-marine au positivisme affirmé malgré son extrême cruauté (oui, ça vaut le détour aussi!).

Alors, ce Deadly Class ?

De ses années de lycée, ou de sa vie à Phoenix à la fin des années 80 et le début des années 90, Rick Remender ne garde pas un très bon souvenir .

« Des bouseux, des brutes, des crétins congénitaux, des passages à tabac, des coups de couteau, des coups de feu, des drogues… ». Des souvenirs qui mettent la violence comme élément de décor. Une période de vie dont il devait avoir besoin d’exorciser quelques démons, ce qu’il fait avec ce titre qui met en scène « une bande de gamins fracassés par la vie et qui doivent faire avec un monde de violence».

Tout débute avec la rencontre de Marcus Lopez, gamin des rues de San-Francisco, au début de l’année 1987. Sur le béton dur et froid, il fait face à ses cauchemars : la fuite du Nicaragua, la mort dramatique de ses parents, sa haine de Ronald Reagan, son absence d’avenir qui le pousse, à tout juste 14 ans, au bord du précipice ! Oui !, il pense à mourir.
La rencontre avec la mystérieuse Saya va lui ouvrir les portes d’une étrange école, l’Académie Kings Dominion des Arts Létaux. Là, les héritiers de multiples empires financiers apprennent à ériger le meurtre au rang d’art. S’il suit les règles absolues de cette académie et du mystérieux Maître Lin, Marcus pourra peut-être accomplir son plus grand rêve : tuer Ronadl Reagan !

C’est le T1, “Reagan Youth”, qui fixe les nouvelles règles de vie de Marcus. Remender y expose la difficulté à rejoindre un groupe, le sentiment de se sentir isolé, rejeté. Il définit les groupes, les règles dures et parfois absurdes des groupes d’ados… Oui, pas très nouveau tout cela ! Cela manque un peu de rythme, d’intensité… malgré une première scène d’action fort réussie graphiquement. Mais cela va venir, avec l’émergence de la singularité de Marcus, les vieux souvenirs qui annoncent les naufrages à suivre et la fondation d’une bande hétéroclite bâtie autour de jalousies amoureuses, de haines absurdes et, surtout, d’un meurtre qui cimente les esprits tant il induit des souffrances à venir…
Wes Craig et Lee Loughridge sont impressionnants dans une réalisation graphique parfois vertigineuse. Beaucoup de planches sont véritablement des bijoux d’ingéniosité.

Le T2, “Kids of the Black Hole”, fait resurgir le passé violent de Marcus, obligé d’affronter son pire cauchemar : le sadique Fuckface et son gang de dégénérés. L’ado y fait les meilleures et les pires expériences de son âge. L’amour, le sexe, les drogues, les concerts punks, la perversion, l’horreur, la trahison, le meurtre… Le feu d’artifice est total, écho assourdissant d’une fureur de vivre bruyante et violente. Remender, après le carcan éducatif s’attache à ronger au vitriol un nouvel os, les institutions liées à l’orphelinat.
Chacun fait face comme il peut, exposant ces blessures de l’enfance qui projettent Marcus, Saya, Willie, Billy ou Maria vers un avenir de sang et de cendres… malgré quelques espoirs plus doux, si difficiles à esquisser. De rares ilots de bonheur vite incendiés par les malades qui s’y précipitent, assoiffés de vengeances meurtrières.
Ce tome tient un rythme véritablement dément.

Le T3, “The Snake Pit”, affiche une couverture rouge sang autour des amis de Marcus. Le meurtre fondateur de leur groupe a attiré sur eux les foudres de la famille de celui qu’ils ont assassiné. C’est un cartel mexicain qui les a pris en chasse, celui que dirige El Alma Del Diablo. Ils s’en tirent dans un déluge de violence dont ils ne sortent pas totalement indemnes. Vous saurez tout sur Maria et ses démons secrets, avant de réintégrer les affaires sordides de l’Académie.
Pour survivre, ils ont bafoué nombre de règles émises par Maître Lin à leur entrée à l’Académie. Le vieil homme, plutôt en retrait jusque là, a très bonne mémoire, un excellent réseau d’informateurs et une autorité aussi perverse que mortelle. Marcus et sa bande y survivront-ils ? À voir dans le T4…

Wes Craig ou l’art de mettre en scène…

Vous l’aurez compris, “Deadly Class” est un comic particulièrement agressif où Rick Remender joue à l’extrême la carte des mauvais côtés de la société américaine. Il s’en amuse n’évitant pas quelques caricatures, quelques traits forcés, tout en affichant une certaine nostalgie pour une époque très “sex and drugs and rock’n’roll”, dont la bande son empilait encore nombre de groupes punks et une folie liée à l’insouciance de la jeunesse.
Démarré relativement mollement, son récit ne fait que prendre de la vitesse, son bolide n’ayant que rarement la pédale d’accélération décollée du plancher.

Sa réussite tient aussi énormément à la qualité graphique offerte par l’élégant et inventif Wes Craig. Avec les ambiances fortes de {Lee Loughridge} qui gère les couleurs, il a su donner une identité visuelle proche de l’époque (marquée par des Frank Miller ou Steve Rude), utilisant toute la palette créative de mise en scène propre aux comics.
Le T1 est une merveille de découpage, une leçon d’orchestration où tout est au service du récit, de son rythme, avec une multitude de scènes, de pages vraiment ébouriffantes, bluffantes ou juste magnifiques que l’on se surprend à relire pour saisir chaque intention, pour se délecter de leur qualité.

Si j’ai trouvé le T2 un peu moins riche de surprises, il faut louer le très beau boulot de réalisation de Wes Craig sur l’ensemble des trois tomes.

Qu’on adhère ou pas à cette thématique fictionnelle, “Deadly Class” est absolument réussie, car elle réunit plusieurs artistes qui ont su se rendre totalement complémentaires. Remender, Craig, Loughridge et Rus Wootan (concepteur des élégants logo et style de lettrage), tel est le gang gagnant d’une série qui apporte plus que des émotions fortes… et une véritable addiction.
Embarquez pour une très décoiffante série…

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