Le synopsis
A New York, en 1969, Werner Zilch rencontre Rebacca Lynch, la fille d'un riche homme d'affaires américain. Ils nouent rapidement une relation passionnelle, jusqu'à ce que Werner soit introduit auprès de la famille de Rebecca, à la suite de quoi cette dernière disparaît brusquement de sa vie sans une explication. En parallèle, l'histoire de Werner nous est relatée, depuis sa naissance en 1945 en Allemagne, mettant en exergue ses racines et son lien avec un homme qui portait son nom, et qui s'était fait connaître durant la guerre pour les sévices qu'il infligeait aux déportés dans les camps de concentration, et en particulier aux femmes.
Mon avis
En dépit de tout ce qui va suivre, il y a une chose que je tâcherai de retenir de cette lecture : Adélaïde de Clermont-Tonnerre possède, j'en suis certaine, un art de la narration qui lui fait honneur, et qui pourrait tout à fait être de nature à porter des œuvres de grande qualité.
Malheureusement, il ne m'a pas semblé que Le dernier des nôtres reflétait de manière juste ce talent.
Il y a, bien sûr, des ingrédients accrocheurs, une structure de plus en plus fréquente dans les romans grand public avec une alternance entre deux récits se déroulant durant des périodes temporelles distinctes (très proche de la structure de Pars avec lui, par exemple, avec en écho la même période de la guerre, facilement convoquée par les auteurs désireux de conférer à leur texte un cachet historique), le lien entre les deux étant plus ou moins évident, selon les cas, mais en tout cas de nature à bâtir un pont entre ces temporalités, et à conférer son relief au roman ; des scènes visuelles et cocasses ; de la légèreté mêlée à des sujets beaucoup plus graves ; la fluidité du style, aussi. Les pérégrinations sentimentales des protagonistes sont par ailleurs propres à provoquer l'intérêt, si ce n'est l'adhésion, d'un public assez large : qui ne partagerait les affres de Werner face à la disparition de Rebecca? Et celles de Rebecca, face à ce coureur maladroit de Wern qui enchaîne les conquêtes sans le moindre égard pour sa fierté?
Néanmoins, j'ai constaté à plusieurs reprises en moi comme un sentiment d'anachronisme, dans la mesure où le récit des amours de Werner et Rebecca, leurs échanges, le décor autour, ne m'a pas semblé particulièrement ancré dans les années 1970. Il y a eu pourtant des références à des personnalités emblématiques (dont notamment Donald Trump, ce qui a contribué à rendre à mes yeux le passage en question relativement kitsch), mais l'atmosphère de ces années-là aurait pu, ai-je pensé à la lecture, être plus prégnante, mieux retranscrite.
Par ailleurs, et c'est là sans doute le point qui m'a le plus dérangée, à force de vouloir jouer avec la légèreté y compris lorsque les faits relatés sont terribles, on en arrive à certains épisodes qui versent à mon sens dans le grotesque : la scène finale matérialisant la confrontation entre la mère de Rebecca, et Johann/Kasper, à savoir celui qu'elle croit avoir été son bourreau pendant la guerre, est à couper le souffle tant elle est ridicule : imaginez cette dame de la haute société, qui a connu des horreurs vingt-cinq ans plus tôt, brandir soudain sous nos yeux ébahis, et ceux de témoins pas moins circonspects, un malheureux pénis qui n'a rien demandé à personne, pour en vérifier l'intégrité. Je vous vois venir, absolument en phase avec votre serviteuse : la seule chose qui vient à l'esprit, c'est : mais...pourquoi???
Ce passage constitue sans une hésitation le paroxysme du mauvais goût, mais la volonté d'élaborer un texte à la fois abordable et sérieux en a produit d'autres encore.
Pour ce motif, et malgré les qualités évoquées plus haut, Le dernier des nôtres m'a mise mal à l'aise. Échec de la romance.
Pour vous si...
- Vous aimez la provoc qui veut plaire
- Ou alors, vous accordez la plus grande importance à l'issue romantique heureuse, sans grande considération des autres aspects du roman
Morceaux choisis
"Son regard morne semblait filtrer entre les volets inclinés d'une persienne. Il me scrutait sans détour et sans gêne. J'étais agacé par le vol d'une mouche qui s'acharnait sur l'abat-jour de la lampe derrière nous. Elle passa devant moi deux fois et, à la troisième, je l'attrapai d'une main et l'y étouffai.
"Vous venez de tuer ma mouche de compagnie, protesta l'édile.
_Pardon?
_C'était ma mouche." "
"Je croyais au pouvoir infini de la volonté et j'étais résolu à me forger un monde à la force du poignet. Je ne savais pas d'où je venais. A qui je devais ce visage taillé à la serpe, ces yeux délavés, ma crinière sable, ma taille hors norme qui m'obligeait à me plier, genoux au menton, dans les bus et au cinéma. J'étais libre de tout héritage, de tout passé, je me sentais maître de mon avenir. L'envie de prouver qui j'étais, l'envie que mon nom trop souvent moqué inspire le respect et, s'il le fallait, la crainte, me brûlait."
"J'avais honte de mon incapacité à l'aimer comme elle le méritait. Elle aurait sans doute dû être plus dure avec moi. Me faire un peu marcher... L'indulgence d'une femme est le ciment de l'habitude, mais elle n'est qu'un faible levier de l'amour."
"Tu ferais l'amour à un fauteuil club si on lui épinglait une perruque. C'est insupportable!"
Note finale1/5(flop)