Cette question, « Pourquoi tu ne l’envoies pas à une maison d’édition ? », je serais riche si on m’avait donné un euro à chaque fois qu’on me l’a posée ! Quand j’annonce que j’écris des romans, ça ne loupe pas. Chaque fois, je dois expliquer que non seulement je ne l’ai pas envoyé à un éditeur, mais en plus, je n’en ai pas envie. Autant dire que ce point de vue provoque la surprise et l’incompréhension, ce que je peux aisément concevoir.
Alors, voilà, pourquoi ?
- La peur (ou la flemme) de recevoir des refus
Je sais bien que si on ne tente rien, on n’a rien. Mais soyons lucides, le monde de l’édition est impitoyable. Les maisons d’édition reçoivent des tonnes de proposition tous les jours, et quand bien même nous avons écrit un roman que nous qualifions de « bon », il y a peu de chances qu’il tire davantage son épingle du jeu que tous les autres bons romans qu’ils doivent recevoir. Et même s’ils lisent votre roman, qu’ils le trouvent intéressant, rien n’assure qu’ils vous proposeront un contrat tant les places sont limitées et les choix draconiens. Alors oui, j’ai choisi de m’épargner l’attente insupportable, la lettre de refus poliment tournée et impersonnelle au possible, les déceptions en boucle, l’impression que mon livre ne plaît à personne. Peut-être qu’un jour, je me laisserais tenter… Mais ce n’est pas encore d’actualité.
- La peur du plagiat
Cela manque peut-être de modestie, mais c’est un fait : j’ai peur du plagiat. Maintenant, je me sens un peu plus rassurée dans le sens où j’ai publié mon livre, sous mon nom, avec un copyright, et qu’en cas de plagiat, j’aurais toutes les preuves possibles pour me défendre. Mais un jour, sous un article traitant justement du copyright, j’ai lu un commentaire qui m’a fait froid dans le dos. La pire crainte de l’auteur : une dame avait envoyé son roman à une maison d’édition, qui l’avait remerciée par une lettre de refus ordinaire. Rien de bien exceptionnel ! Sauf qu’un an plus tard, l’un des écrivains phares de cette maison d’édition sortait son nouveau livre, et elle a été effarée de constater qu’ils s’étaient très largement inspirés de son histoire et ses personnages. Alors, je ne sais pas si c’est vrai ou si c’est exagéré, mais je m’en souviendrai toujours, de ce commentaire. Il a été l’un des leviers de mon envie d’indépendance et d’auto-édition. Les manuscrits que l’on envoie passent dans les mains de comités de lecture qui, pour la plupart, sont constitués d’écrivains. Comment avoir complètement confiance ? Je suis peut-être la championne de la paranoïa, mais voilà, j’y peux rien, maintenant ça me bloque !
- L’indépendance
En m’auto-éditant, j’ai choisi ma date de sortie, les personnes à qui je décidais de faire découvrir gratuitement mon roman, la couverture, le style d’écriture, l’épilogue… J’avoue redouter les exigences d’un éditeur. Et s’il m’imposait une horrible couverture qui ne correspond pas du tout à mon roman ? S’il voulait que je change mon histoire ? Et s’il se fichait dans les grandes largeurs de moi ? J’ai tout choisi, sur les conseils de quelques lecteurs et amis, et cette liberté m’a vraiment fait du bien. On n’est jamais mieux servis que par soi-même, même s’il est plus compliqué de se débrouiller que de compter sur autrui !
- La proximité avec les lecteurs
J’ai peut-être moins de lecteurs que si je laissais une maison d’édition prendre les commandes pour moi. Après tout, je suis écrivain, et dans ma vie privée, je suis agent en gare. Je n’ai aucune connaissance dans la pub, le marketing, la promotion… Je suis une vraie quiche et les ventes de mon livre le prouvent ! Et pourtant, j’adore recevoir les avis de mes lecteurs, leur proposer des concours, offrir mon ebook sur un coup de tête à une personne que j’apprécie, discuter avec écrivains et lecteurs ! C’est comme une grande famille qu’on n’a pas envie de quitter ! Je ne veux pas perdre cette marge de manœuvre qui me permet de rester proche de tout le monde tout en me laissant maître de tout !
- Les éditeurs peu scrupuleux
Qu’on se le dise bien, je me suis renseignée. Comme tout le monde, j’ai hésité avant de faire mon choix. Mais ce choix, je l’ai fait pour une raison toute simple. Mon livre, je l’aime très fort, et je préfère que son destin soit entre mes mains qu’entre celle d’un éditeur qui se fichera bien de tout mon travail et de mon rêve ! Les éditeurs qui proposent des contrats alambiqués et désavantageux au possible, je pense qu’il y en a beaucoup. Ils ne sont pas tous comme cela, c’est évident. Mais on risque plus de tomber sur ceux-là, que sur l’éditeur réputé qui prendra tout à sa charge en tenant compte de notre avis, nous propulsera vers le haut et nous rendra riche ! J’ai découvert sur le net trop d’histoires d’écrivains arnaqués par des maisons d’éditions. Rien pour me rassurer, donc ! Je ne suis ni Marc Lévy, ni Guillaume Musso, par quel miracle serais-je mieux traitée que la plupart des écrivains tournés en bourrique ? Je ne suis pas encore prête à prendre ce risque, même mesuré, même incertain.
Comme il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, je me déciderais peut-être un jour à envoyer mon roman à des maisons d’édition. Mais qu’on se le dise, ça ne sera pas l’esprit tranquille et le cœur plein d’espoir ! J’ai toujours été assez pessimiste, et dans un milieu aussi difficile que celui de l’édition, c’est un trait de mon caractère qui ne risque, hélas, pas de changer !
Et vous, auteurs auto-édités, pour quelles raisons avez-vous fait ce choix ?
©Manon Grelha
Crédit image : Lelabodeledition