Au retour d’un salon funéraire. —
Au salon funéraire, il n’y a plus d’Anglophones, il n’y a plus de Francophones. Ça sent le café, et des gens ont de la peine.
Au salon funéraire, il n’y a plus d’Irlandais protestants ni d’Irlandais catholiques. Ça sent le café, et des gens pleurent.
Au salon funéraire, il n’y a plus de Sudistes ni de Nordistes. Ça sent le café, et des gens ont de la peine.
Au salon funéraire, il n’y a plus de conservateurs, il n’y a plus de progressistes. Ça sent le café, et des gens pleurent.
Au salon funéraire, il n’y a plus de fédéralistes ni d’indépendantistes. Ça sent le café, et des gens ont de la peine.
Tous conflits ajournés pour cause de sort commun dans l’aveugle aventure humaine.
La présence horrifiante
Écoutez, derrière la puérile barrière de la vitre, noire comme du sang caillé, toute l’apothéose des bruits méchants de la tempête.
Elle est accourue de loin, du fond des mers haineuses.
Elle a dérobé aux rivages maudits, où pourrissent les phoques crevés de gale, les relents du mal noir et de la mort.
Elle a hué, honni mille agonies pour assiéger notre pauvre cabaret, où le whisky est aigre et le rhum épais.
C’est un enfant fort vilain qui dévaste un parc de roses, pour taquiner une coccinelle, et la voici qui flagelle notre bicoque de ses nageoires de raie géante.
— Pourquoi, dit Holmer, faut-il mettre, autour de chaque histoire terrible, une nuit noire et un orage affreux ? C’est de l’artifice.
— Non, répondit Arne Beer, c’est une réalité, une chose ainsi voulue par la nature. Vous confondez autour et alentour, comme disait le professeur de français d’Oslo, mais il ne confondait jamais le whisky avec son verre, le singe adroit.
Un métissage d’Edgar Allan Poe, d’Isidore Ducasse et de Coleridge. Atmosphère à couper le souffle.
L’auteur
Alain Gagnon a remporté à deux reprises le Prix fiction roman du Salon du Livre